La Chronique Agora

Dettes souveraines : la Chine ne sera pas le sauveur de l’Europe et du FESF

▪ Les marchés ont connu une journée noire hier.

Pourquoi donc ? Peut-être que ceci avait quelque chose à y voir. Dans le Telegraph :

« La Chine a souligné qu’elle ne serait pas le ‘sauveur’ de l’Europe, alors que le président Hu Jintao entame une visite officielle sur le continent qui incorporera le sommet crucial du G20 de jeudi à Cannes ».

« Cet avertissement vient peu après que le président de la Commission européenne, Jose Manuel Barroso, et le président du Conseil européen, Herman van Rompuy, ont conseillé aux dirigeants du G20 d’utiliser la réunion des plus grandes économies du monde pour régler la crise de dette de l’Europe, disant que les mesures proposées la semaine dernière n’étaient pas suffisantes en elles-mêmes ».

« Le président français Nicolas Sarkozy a déclaré que Pékin avait ‘un rôle majeur à jouer’ dans les propositions consistant à étendre le Fonds européen de stabilité financière (FESF) à 1 000 milliards d’euros, peut-être par le biais d’un véhicule d’investissement spécifiquement conçu qui attirerait le soutien de fonds de gestion souverains ».

« Le chef du fonds de renflouage, Klaus Regling, a été envoyé à Pékin pour discuter des termes, mais a poursuivi son voyage au Japon ce week-end sans avoir obtenu d’accord ».

« La Chine, qui détient les plus importantes réserves de change de la planète, à 3 200 milliards de dollars, a déclaré qu’elle souhaitait plus de clarté avant d’investir ».

« L’agence de presse officielle Xinhua, qui communique habituellement la politique du Parti communiste, a déclaré que l’Europe doit gérer ses propres maux financiers. ‘La Chine ne peut prendre le rôle de sauveur des Européens, ni fournir un ‘remède’ au malaise européen’, a-t-elle affirmé. ‘Il est évidemment du ressort des pays européens eux-mêmes de régler leurs problèmes financiers’. »

Ouille. Peut-être que le sauvetage n’est pas tout à fait aussi sûr et certain qu’on le pensait. Les chefs d’Etat européens ont déclaré qu’ils allaient se mettre à commencer à élaborer un plan pour se sortir du pétrin de la dette. Ce n’est pas la même chose que de s’en sortir. Et il manque une information essentielle — qui va payer ?

Vous remarquerez que l’envoyé européen a également rendu visite aux Japonais. C’est là que l’histoire s’éclaircit… et devient amusante. Demander un prêt au Japon revient à demander un morceau de gâteau au chocolat à un homme affamé. Le Japon a déjà plus de dette gouvernementale que quiconque. Son ratio dette publique/PIB est passé à 230%.

▪ Pendant ce temps, la pression monte pour ce pauvre Silvio Berlusconi. Oublié le bunga-bunga, oubliées les prostituées mineures. Le problème de Silvio, c’est le marché obligataire, où les rendements sur le bon à 10 ans sont passés à 6,1%.

Quasiment tous les pays développés ont tant de dettes qu’ils ne peuvent même pas envisager de les rembourser. Ils s’inquiètent seulement des intérêts et des coûts de refinancement. Le Japon s’en sort uniquement parce que l’inflation et les taux d’intérêt sont à zéro. Maintenir la dette ne lui coûte rien.

Maintenant, imaginez que vous avez une dette se montant à 230% du PIB… et imaginez que vous avez des intérêts de 6%. Vous pouvez faire le calcul. Vous versez 14% du PIB… simplement pour assurer les paiements des intérêts sur de l’argent que vous avez dépensé il y a des années de ça. Aux Etats-Unis, cela représenterait plus de 30% du budget fédéral tout entier. Ce serait deux tiers de tous les revenus fiscaux. Ce serait un désastre, en d’autres termes…

… mais ça n’arriverait pas. Parce que les investisseurs obligataires ne sont pas stupides. Ils verraient immédiatement qu’ils ne récupéreront pas leur argent. Ils vendraient leurs obligations… forçant les taux d’intérêt à grimper encore plus haut… et causant un effondrement du système entier.

C’est bien le problème, avec la dette. Il y a toujours quelqu’un qui paie. Sinon le débiteur comme prévu, alors le créditeur. Ou le contribuable.

La dette ne disparaît pas. Elle représente des ressources empruntées à l’avenir. Et l’avenir n’oublie jamais. L’avenir est un Shylock… demandant toujours sa livre de chair au moment le moins opportun.

En France, les Guignols de l’Info ont fait un sketch : la marionnette de Barack Obama se présente à un distributeur de billets. Il insère sa carte, mais se rend compte qu’il ne peut pas retirer d’argent.

Il se rend donc à la banque centrale chinoise pour obtenir un prêt. Le banquier, qui ressemble comme deux gouttes d’eau au Premier ministre chinois, Hu Jintao, lui accorde le prêt. Mais les Chinois veulent eux aussi leur livre de chair. Durant la scène suivante, Obama et le président français Nicolas Sarkozy portent tous deux un dragon durant le défilé du Nouvel an chinois.

Pourtant, la Chine a plus de 3 000 milliards de dollars d’épargne. C’est l’étoile montante… la jeune puissance en pleine ascension. Comme les Etats-Unis au début du 20ème siècle, c’est le pays vers lequel les nations vieilles et usées du monde développé se tournent pour financer leurs erreurs.

Les Etats-Unis ont financé la France et la Grande-Bretagne durant la Première guerre mondiale. Mais ils l’ont fait pour une bonne raison — l’argent qu’ils prêtaient était en grande partie utilisé pour acheter du ravitaillement aux Etats-Unis. Idem durant la Deuxième guerre mondiale. Une fois les guerres terminées, les Etats-Unis voulaient eux aussi leur livre de chair. Le problème, c’est que les débiteurs n’avaient plus rien à leur donner.

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