▪ Ces derniers jours, nous étions à Londres pour affaires. Nous sommes à présent de retour à Buenos Aires.
Nous avons tenté les médicaments. Nous avons tenté la prière. Nous avons tenté la boisson — tout ça pour essayer de comprendre comment fonctionne notre système monétaire insensé. Et où il nous mène. On pourrait penser que ce serait facile : la Banque centrale pour les Nuls, non ?
Eh bien non. Le système est sournois… et diaboliquement subtil ; nous doutons que quiconque le comprenne vraiment — surtout pas ceux qui sont censés le contrôler.
L’unité de base est une sorte de monnaie telle que le monde n’en a encore jamais vraiment eu — le dollar post-1971. C’est une devise fiduciaire pure… qui ne vaut que ce qu’on pense qu’elle vaut… gérée par des gens qui sont d’avis qu’elle devrait valoir de moins en moins à mesure que le temps passe.
Qui sont ces gens ? Pour qui travaillent-ils ? On pourrait dire que ce sont des "fonctionnaires". Mais ça impliquerait qu’ils travaillent pour le public. Paaaaaas du tout. Ce sont les employés d’un cartel bancaire appartenant à des banques privées. Ces banques ont un permis d’impression monétaire — elles ont le droit de créer de l’argent à partir de rien et de le prêter "pour de vrai", en gagnant des profits grâce à cette transaction. Pas étonnant que leur part des profits des entreprises US ait été multipliée par quatre depuis l’introduction de cette nouvelle devise.
On appuie sur quelques touches d’un clavier… et des millions… des milliards… bon sang, des milliers de milliards de dollars peuvent être créés |
Quelle bonne affaire ! Le coût des biens vendus ? Quasiment nul. On appuie sur quelques touches d’un clavier… et des millions… des milliards… bon sang, des milliers de milliards de dollars peuvent être créés.
Ils doivent seulement veiller à ne pas en faire trop. L’argent n’est précieux que tant qu’il n’y en a pas à l’excès. Le marché peut absorber un peu d’argent contrefait, mais il y a une limite.
Ladite limite a été grandement augmentée grâce à…
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Une surcapacité mondiale de production, financée par des prêts antérieurs, et…
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… Un colossal surplus de main-d’oeuvre peu chère, elle aussi majoritairement née de l’expansion du crédit de ces 30 dernières années.
Sans ces circonstances uniques en leur genre, les politiques extrêmement irresponsables des banques centrales — les taux zéro et l’assouplissement quantitatif — auraient probablement provoqué une augmentation de l’inflation à des taux à deux chiffres… voire plus.
▪ C’est la fête !
Les autorités doivent se sentir un peu comme un étudiant qui aurait trouvé les questions de l’examen en avance. Il sait qu’il tient quelque chose d’énorme. Aujourd’hui, alors qu’environ un milliard de personnes vivent encore avec un dollar ou moins par jour, les banques centrales sont certaines de tenir quelque chose d’énorme. En plus, elles seront portées aux nues grâce à ça !
Les banques centrales achèteront les obligations gouvernementales… les mettront dans leurs coffres… rendront les paiements des intérêts… et tout sera oublié |
Il n’y a plus besoin, non plus, de s’inquiéter de la quantité d’argent qu’elles impriment ou de la quantité d’argent que le gouvernement emprunte. Les banques centrales achèteront les obligations gouvernementales… les mettront dans leurs coffres… rendront les paiements des intérêts… et tout sera oublié.
Dans les faits, elles accomplissent ce dont les précédentes banques centrales ne pouvaient que rêver : imprimer de l’argent sans causer d’inflation. Les politiciens, eux aussi, profiteront de cette opportunité unique de faire n’importe quoi. Ils vivent une situation parfaitement inédite : ils peuvent emprunter sans jamais avoir à se soucier de rembourser.
Nous ne l’avons pas encore vu dans la presse, mais ça ne devrait plus tarder à arriver. Les commentateurs et les badauds ne peuvent que conseiller à l’Allemagne de se détendre un peu :
"Pourquoi la Grèce devrait-elle rembourser ces prêts, finalement ? D’où est venu l’argent ? Pas des contribuables allemands. Il est arrivé de nulle part, comme tout le reste de la monnaie mondiale. Il ne sera pas remboursé, et alors ? Quelle différence ? Aucune".
Notre ami le macro-économiste Richard Duncan, dont l’analyse des niveaux de liquidité nous aide à comprendre l’effet réel du QE, est d’avis que les banques centrales devraient — et vont — racheter 100% des obligations gouvernementales… puis simplement y mettre le feu.
Trop de dette gouvernementale ? Problème résolu !
Alléluia. Alléluia. On a atteint le nirvana de la finance publique. Les politiciens sont au paradis sans avoir quitté la terre. Qui dit qu’on n’a jamais rien sans rien ?
Nous doutons que le public ou les politiciens aient pleinement réalisé tout ça. Nous-même venons tout juste de le comprendre. Mais ils ne tarderont pas à faire la queue. Les contraintes budgétaires seront une chose du passé… La dette et les déficits gouvernementaux seront, dans les faits, passés en pertes et profits puis oubliés. Les autorités mangeront leur petit-déjeuner, leur déjeuner et leur dîner avec de l’argent qui n’a jamais existé… et qui ne sera jamais remboursé.
Attendez… est-ce que ce ne serait pas trop beau pour être vrai ?
Bien sûr que si.