La Chronique Agora

Dettes, déficits et mort de la classe moyenne

dette, inflation, tendance primaire

Inflation par-ci, crise immobilière par-là, les travailleurs américains à l’asphyxie… Prenons le temps de faire le point sur la tendance primaire qui sous-tend tout cela.

Les investisseurs sont, pour la plupart, déboussolés, mais ils espèrent que l’inflation a atteint un plafond et que la Fed assouplira prochainement sa politique monétaire. Un assouplissement de la politique monétaire nous semble probable, mais pas décisif. Les choses ne sont pas aussi simples et nous y viendrons dans un instant.

Les prix à la consommation continuent à augmenter à un rythme inacceptable. Et les travailleurs, c’est-à-dire la plupart d’entre nous, perdent du terrain. Les salaires augmentent. Mais après prise en compte de l’inflation, nous sommes plus pauvres.

Dans le même temps, l’immobilier, où la plupart des gens stockent leur richesse, s’effondre. Nous avons vu hier que les prix de l’immobilier pourraient chuter de 30%, comme ce fut le cas lors de la dernière baisse du marché immobilier. De nombreux ménages ne possèdent réellement comme capital que 30%, voire moins, de leur logement, qui est la partie remboursée de leur emprunt immobilier. Par conséquent, la baisse attendue ferait partir en fumée la totalité du capital qu’ils ont accumulé au fil des ans.

Et il y a fort à parier que la Fed poursuivra le « resserrement » de sa politique monétaire, ce qui obligera les ménages ayant besoin de refinancer leur dette à payer des taux plus élevés (les taux immobiliers ont d’ores et déjà plus que doublé depuis 2020).

Hypothèses 1 et 2…

Nous pensons que la Fed continuera à relever ses taux jusqu’à ce que l’un des deux événements suivants se produise. Une faillite de grande ampleur, un krach de Wall Street ou une autre urgence financière qui fera paniquer la Fed et la poussera à changer de cap et à abaisser ses taux. C’est notre première hypothèse : la Fed continuera à relever ses taux « jusqu’à ce que quelque chose casse ».

Mais il y a une autre possibilité. Notre deuxième hypothèse est la suivante : le gouvernement américain obligera la Fed à rehausser ses taux. C’est la Fed qui a provoqué la poussée d’inflation que nous connaissons actuellement. Elle essaie de faire amende honorable en s’efforçant de la contrôler. Mais les élites qui contrôlent le gouvernement continuent à dépenser sans compter. Il n’est pas question pour eux de se serrer la ceinture.

Ils ont des élections à gagner, des batailles à mener, du baratin à vendre et des projets inutiles à financer. Et, non contents de dépenser de plus en plus de l’argent qu’ils n’ont pas, ils octroient également des crédits qu’ils n’ont pas les moyens d’accorder.

Oui, le gouvernement américain enchaîne les déficits colossaux. Si tout se passe bien, on devrait avoir le droit à un manque à gagner supplémentaire de 1000 Mds$ cette année. En cas de récession, ce qui est probable, le déficit sera bien plus grand. Mais, en plus, ils détournent les dépenses privées vers leurs projets favoris en offrant un système toujours plus grand d’allègements fiscaux et de crédits garantis.

Par exemple, le gouvernement promet de l’argent public aux propriétaires fonciers qui installeront des panneaux photovoltaïques sur leurs toits ou qui mettront de l’isolant dans leurs murs. Il accorde des crédits aux gens qui achètent des véhicules électriques. Il promet des prêts (qui seront plus tard oubliés !) aux jeunes qui acceptent de se faire endoctriner plutôt que de trouver un travail où ils pourraient apprendre quelque chose d’utile.

La tendance primaire

Ces dépenses, directes et indirectes, doivent être financées. Il est hors de question de procéder à des hausses d’impôt importantes. L’argent doit donc provenir de l’emprunt et de la planche à billets. L’emprunt poussera les taux d’intérêt à la hausse, ce qui renchérira le coût du service de la dette publique, qui, pour rappel, s’élève à 31 000 Mds$. Dans un cas comme dans l’autre, emprunt ou planche à billets, la Fed sera obligée de mettre à disposition des fonds à bas coût.

Par conséquent, d’une manière ou d’une autre, elle sera obligée de changer de cap. Et cela se traduira par une nouvelle phase de la catastrophe qui est en train de prendre forme : la Fed soutiendra les dépenses publiques et l’économie en abaissant ses taux, et probablement en intensifiant ses mesures d’assouplissement quantitatif.

Lorsque cela se produira, beaucoup verront un boom. Les Bourses flamberont. On aura l’impression d’assister à un dégel printanier, avec des bourgeons florissant de toutes parts. Les investisseurs se souviendront de la façon dont la Fed a artificiellement dopé les cours des actions après l’éclatement de la bulle internet, après la crise des subprimes et après la fermeture de l’économie durant la pandémie de Covid. Ils penseront : « C’est reparti pour un tour. »

Mais cette fois, les choses prendront probablement une tournure très différente. Nous sommes convaincus que c’est la tendance primaire qui compte. Or, la tendance primaire…

… pour les actions
… pour les obligations…
… pour l’immobilier
… pour l’empire américain…
… pour le système monétaire libellé en dollar
… pour les démocraties occidentales
… pour le Congrès et la Maison-Blanche
… pour l’économie
… pour le niveau de vie…

… est baissière. C’est le cluster dont nous parlons depuis quelque temps, lorsque plein de choses tournent mal en même temps. Le jour laisse place à la nuit. Le boom laisse place à un krach. Le jeune homme vieillit. Et le marguillier se rend dans un bordel. Bref, vous voyez où je veux en venir.

Ça fonctionne… ça fonctionne plus…

La tendance primaire est principalement le processus par lequel ce qui était en panne fonctionne de nouveau, avant de retomber en panne. Par exemple, sur le marché obligataire, nous avons assisté à deux inversions de tendance majeures au cours de notre vie.

Les cours des obligations ont évolué à la baisse de la fin des années 1940 jusqu’au début des années 1980. Puis, la tendance primaire s’est inversée et les cours des obligations ont évolué à la hausse durant les 40 années suivantes. La seconde inversion de tendance a eu lieu en 2020 seulement, lorsque les cours des obligations ont atteint un plafond et que les taux obligataires (qui évoluent en sens inverse) ont commencé à augmenter. Depuis, le taux du bon du Trésor américain à 10 ans, qui constitue le socle du système financier moderne, est passé d’à peine plus de 0,5% en juillet 2020 à 3,5% actuellement, un niveau sept fois plus élevé.

Nous prêtons attention à la tendance primaire car 1) il est quasiment impossible de gagner de l’argent en boursicotant par intermittence, en essayant de fleurer les bons coups ou d’anticiper les mouvements des marchés, 2) les changements de tendance primaire détruisent les fortunes autant qu’elles les font, et 3) lorsque vous investissez dans la tendance primaire, vous n’avez pas besoin de prêter attention outre mesure à Wall Street.

Il conviendrait également d’ajouter que la tendance primaire nous met en contact avec les déboires et les déceptions de la vie réelle. « Lui qui est monté si haut git désormais si bas », avons-nous l’habitude de dire, avec la gravité d’un sage, après un krach. Ce qui monte finit par baisser.  Le dernier deviendra le premier. La femme de chambre deviendra reine. Et l’abruti qui obtient un siège au Congrès finira par récolter ce qu’il a semé.

Autant d’opportunités de dire « je vous l’avais bien dit ! »

Mais attendez une minute… Comment malgré la « tendance primaire » baissière, après le changement de cap de la Fed, l’économie peut-elle connaître un boom et les actions grimper ?

A suivre…

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile