▪ Au temps jadis, quand les gens s’endettaient, ils étaient souvent forcés de vendre leurs filles comme prostituées et leurs fils comme esclaves.
Nous y reviendrons dans une minute…
Mais d’abord, quelques nouvelles des marchés. Les actions ont grimpé. L’or aussi ! On dirait qu’il a atteint son plus bas : nous pensions qu’il serait aux alentours des 1 100 $… mais il se situe peut-être plutôt autour des 1 200 $.
Nous allons devoir attendre la suite. L’or réagit probablement aux récents commentaires de la Fed, qui nous disent que la banque centrale américaine n’a aucune intention de resserrer le crédit prochainement. La Fed continuera d’augmenter la dette nationale "aussi longtemps qu’il le faut" pour mettre l’économie dans une croissance solide… ou jusqu’à ce que tout l’ensemble explose, quel que soit l’événement qui se produira en premier.
D’un autre côté, les marchés du crédit se resserrent tout seuls — ce qui a des implications plus sombres. C’est une chose que les autorités corrigent leurs propres erreurs de politiques… c’en est une autre que le marché leur impose une correction.
▪ Retour dans l’histoire
Mais revenons-en à l’antiquité… et essayons d’en apprendre quelque chose sur la manière de résoudre une crise de la dette.
Parfois, le poids de la dette brisait des familles… et parfois, les familles se défendaient.
"Pendant des milliers d’années", écrit David Graeber dans le livre Dette : les 5 000 premières années (à paraître prochainement en France), "la lutte entre les riches et les pauvres a majoritairement pris la forme de conflits entre créditeurs et débiteurs — de disputes sur le bien-fondé ou non des intérêts, le péonage, le pardon, la saisie, la restitution, le séquestre de moutons, la confiscation de vignobles et la vente des enfants du débiteurs comme esclaves. De la même manière, au cours des cinq derniers millénaires, avec une remarquable régularité, les insurrections populaires ont toutes commencé de la même manière : avec la destruction rituelle des documents de dettes — tablettes, papyrus, registres, quelque forme qu’ils aient pris à un moment et endroit donnés".
Les pauvres enfants. Ils payaient souvent pour les erreurs de leurs parents. Bien entendu, les parents payaient aussi. Ils subissaient le déshonneur et l’humiliation de voir leurs enfants enlevés et mis au service des autres.
▪ Et de nos jours ?
Qu’est-ce qui a changé ? Aujourd’hui, les Etats-Unis affrontent leur avenir avec une dette totale se montant à environ 350% du PIB. Au Royaume-Uni et au Japon, ce chiffre dépasse les 500%. La dette, rappelez-vous, est l’hommage que l’avenir rend au passé. Elle doit être entretenue, payée… et remboursée. Elle doit être prise en compte, d’une manière ou d’une autre.
Or le coût de la dette augmente ! Au cours des six dernières semaines, les taux d’intérêt ont augmenté d’environ 15% — une hausse stupéfiante pour le marché paresseux de la dette. Combien de temps avant que les taux d’emprunt à long terme reviennent à la "normale" ?
A 5% d’intérêt, une dette représentant 3,5 fois vos revenus coûtera environ un sixième de votre salaire. Avant impôts. Si l’on tient compte des impôts américains, il vous faudra travailler une semaine pour tenir le rythme (sans même parler de commencer à rembourser !). C’est un lourd fardeau. Et c’est particulièrement désagréable quand c’est quelqu’un d’autre qui s’est endetté. Parce qu’alors, vous êtes esclave de la dette. Telle est la situation des jeunes gens d’aujourd’hui. Ils doivent endosser la dette de leurs parents. Même les serfs du Moyen-Age s’en sortaient mieux. Ils ne devaient travailler qu’un jour sur 10 pour leurs seigneurs et maîtres.
En l’état actuel des choses, on attend des jeunes d’Europe, des Etats-Unis et du Japon qu’ils travaillent toute leur vie pour payer des choses que leurs parents et grands-parents ont consommé des décennies auparavant.
▪ Les jeunes, victimes de la dette
C’est même pire encore… Parce que le fardeau impayé de la consommation passée réduit la capacité de la génération suivante à gagner de l’argent. Un ami nous envoie cet e-mail :
"Je viens de regarder un article sur CNN concernant le chômage des jeunes en Europe".
"Proportion de 16-25 ans au chômage :
Grèce 62%
Espagne 56%
Portugal 50%
Grande-Bretagne 24%"
"Ils appellent ça ‘la génération perdue’."
"C’est exactement ce que j’essayais de dire durant notre réunion. Quand on entend parler des Etats-Unis avec leur chômage à 7,5% ou 8%, ça ne semble pas si épouvantable — jusqu’à ce qu’on regarde le détail des chiffres".
"Aux Etats-Unis, le chômage sur cette même catégorie d’âge se situe entre 20% et 50% selon le degré d’éducation et l’origine ethnique. Je ne sais pas ce que ça donne au Brésil, mais je suis sûr que c’est un problème grave".
"Jusqu’à ce que tout ça soit corrigé, il me semble que les jeunes continueront de se révolter — avec raison".
"Imaginez, quatre années d’études, 23 ans et un futur morose ! Qui ne serait pas d’une humeur massacrante ?"
Voyons voir. Refusez du travail à un jeune et vous lui refusez une carrière. Refusez-lui une carrière et vous lui refusez le moyen d’entretenir une famille ; refusez-lui une vie de famille et qui sait ce qui arrivera ?
Le couple, le travail, la famille — sans eux, un homme pense différemment. Sans le joug du mariage ou les traces d’une famille, il perd le nord. En Chine, les "arbres sans fruits" — des jeunes hommes qui ne pouvaient trouver d’épouse — se sont soulevés. La révolte des Nian, entre 1851 et 1868, a coûté 100 000 vies et a failli renverser la dynastie Qing.
Les jeunes d’aujourd’hui accepteront-ils leur lot… et resteront-ils dans une docile servitude toute leur vie ? Ou bien se lèveront-ils… comme le suggère M. Graeber… pour brûler des T-Bonds en place publique… mettre Wall Street à sac… voire pendre Ben Bernanke devant la Réserve fédérale de New York ?