La Chronique Agora

Dette : Bruno Le Maire sort le Tipp-Ex (1/2)

Bruno Le Maire

Bruno Le Maire envisage l’étalement, voire l’annulation des dettes des entreprises françaises. La question est de savoir… s’il sait vraiment de quoi il parle ?

Vous avez entendu la dernière de Bruno Le Maire ? Il a déclaré vouloir effacer la dette des entreprises en difficultés.

Bruno : profession « effaceur ».

Il veut tout effacer, notre Bruno : la dette de la France par la croissance, la dette privée par un coup de Tipp-Ex. Il est comme ça notre Bruno !!

Invité sur RMC/BFMTV le 14 avril, il déclarait :

« Je proposerai d’ici quelques semaines un dispositif de concertation et de conciliation qui doit permettre à toutes les entreprises qui sont en train d’arriver face à ce mur de la dette, de leur proposer une solution sur mesure.

[…] On ne va pas attendre que l’entreprise se prenne le mur, on va regarder sa situation, l’étudier tous ensemble et voir s’il faut étaler sa dette, voire annuler sa dette en partie. »

J’adore entendre Bruno parler de choses dont il n’a pas la moindre idée. Il ne sait pas ce qu’est une entreprise. Il parle de mur de dettes, alors que c’est lui qui a poussé les entreprises dans le mur en les empêchant de fonctionner, puis qui les a poussées à s’endetter à des niveaux impossibles à rembourser.

C’est son rêve de gosse qui se réalise : il voulait être pompier, alors il a mis le feu pour mieux pouvoir l’éteindre !

Et voilà où cela nous mène…

Pompier-pyromane

On a donné indifféremment des aides à toutes les entreprises, qu’elles soient viables ou non, pour compenser l’absence d’activité depuis un an, mais on leur a permis et on les a même souvent poussées à s’endetter avec de l’argent artificiellement gratuit.

La politique de taux très bas que l’on connaît depuis maintenant plusieurs années ne permet pas de faire le tri entre un modèle économique qui fonctionne et un autre qui ne fonctionne pas. Autrement dit, on a fabriqué pendant des années des légions de zombies, créant des surcapacités, et donc une pression à la baisse sur les prix.

Les entreprises saines n’ont plus de pricing power, elles sont entraînées vers le fond par les entreprises « subventionnées ». C’est de la concurrence inégale. Les zombies sont des petites et moyennes entreprises, mais aussi de très grandes entreprises et même des pays.

Ces entités, ne fonctionnant que grâce à la dette, ne créent pas de croissance, juste une illusion de croissance. Et elles creusent leur tombe. Surtout que cette dette ne sert généralement pas à financer des projets qui généreront plus tard des profits ou a minima des économies, mais servent plutôt à couvrir des dépenses de fonctionnement, à remplacer du chiffre d’affaires ou encore à faire de mauvais investissements qui ne rapporteront jamais rien.

Donc, Bruno a une idée !!

Il faut supprimer cette dette, c’est si simple la vie avec Bruno !!

On entre dans un monde sans responsabilités, sans sanctions. C’est l’Ecole des fans permanente ! Tout le monde gagne, tout le monde est noté 10 sur 10. Lorsque vous montez une société, vous n’avez plus besoin de vendre un produit ou un service. L’Etat sera votre seul client ; la dette, votre chiffre d’affaires !

Rassurez-vous, cette dette ne restera pas inscrite à votre bilan, puisque Bruno l’effacera d’un trait de plume. C’est tellement pratique qu’on se demande bien pourquoi on n’y avait pas pensé plus tôt !!

Donc, si j’ai bien compris, Bruno va former une équipe composée probablement de gens à son image qui n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise. Ils vont décider de qui on effacera la dette ou non. Ces gens ne seront certainement responsables de rien et auront droit de vie ou de mort sur les entreprises.

Je m’autorise à penser que les amis du pouvoir seront les premiers, voire les seuls, à bénéficier de ce tour de passe-passe…

Les problèmes auxquels notre effaceur n’a pas pensé

Les problèmes sont multiples.

– C’est un problème juridique : un prêt est un contrat de droit privé entre un prêteur, la banque, et un emprunteur. Ce qui veut dire que Bruno va avoir du mal à annuler un contrat où il ne figure pas. Coquin de Bruno, tu essaies de te glisser dans un dîner en tête-à-tête et d’imposer le menu, tu vas te faire virer !!

– C’est un problème de concurrence : l’annulation de dettes fausse la concurrence entre les entreprises, ce qui, d’une part, va valoir de multiples procès à l’Etat français de par le monde et, d’autre part, va avoir un poids économique considérable.

Lorsque vous permettez à des canards boiteux de rester en activité alors même que leur modèle économique est inefficient, vous mettez les autres entreprises en difficulté jusqu’à les faire toutes couler.

– C’est un problème bancaire. Les résultats des banques ne proviennent pas, et depuis longtemps, de leur métier de base, mais de leurs activités sur les marchés financiers, ce qui les rend évidemment très aléatoires. Ils devraient presque être comptabilisés en résultat exceptionnel (et non opérationnel).

Si les taux bas et les quantitative easings leur permettent de gagner de l’argent ces dernières années, cela les conduit aussi à prendre de plus en plus de risques.

Non seulement leur métier de base, la banque traditionnelle, ne gagne plus d’argent à cause des taux bas – mais en plus, il leur coûte à cause de la digitalisation qui implique des fermetures d’agences et des programmes de licenciements massifs.

Souvenez-vous que les banques, de la Deutsche Bank à la Société Générale en passant par les banques italiennes et espagnoles, étaient en grandes difficultés avant le Covid-19.

A la lecture des derniers résultats, elles ont beaucoup moins profité de la bonne orientation des marchés que les banques américaines qui ont annoncé des résultats records. Toutes les récessions sont accompagnées de leurs lots de faillites, de dégringolades des marchés, de découvertes d’escroqueries, d’explosion des défauts sur créances…

Toutes sauf la dernière, déclenchée par la pandémie : à suivre…

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