La Chronique Agora

Désir de domination

Guillaume le Conquérant, élite, peuple

La force brute qui sous-tend les efforts toujours renouvelés des élites pour obtenir plus de pouvoir…

« Ainsi je ne peux m’empêcher de parler de la cité terrestre, une cité qui cherche la domination, qui tient des nations en esclavage, mais qui est elle-même dominée par ce désir de domination. »
~ Saint Augustin

Il y a dix jours, alors que nous faisions route vers notre maison poitevine, nous avons appris que la température locale dépassait déjà les 32°, et était censé atteindre les 37° le lendemain.

Cette maison n’a pas d’air conditionné. Mais les habitants du coin savent comment lutter contre la chaleur. Fermer volets, fenêtres et rideaux durant la journée, rester à l’intérieur jusqu’au soir. Puis, ouvrir les fenêtres pour laisser entrer l’air frais nocturne.

Mais, comme nous accueillions notre fille, son mari et leurs trois enfants en bas âge – tous fortement habitués à la climatisation – nous avons jugé préférable de tous rester en Normandie jusqu’à ce que la vague de chaleur soit passée.

Viols et pillages

C’est ainsi que nous avons mené la famille à Falaise, pour visiter le château où Guillaume le Conquérant est né. La ville était morte. Presque désertée. Mais le château était rempli de touristes.

Le clou de la visite était une projection sur l’un des murs du château de Guillaume en personne, expliquant ses actions… et illustrant nos arguments. Les élites dirigent. L’Histoire est en grande partie un récit d’une élite remplaçant une autre… et chacune exploite les masses tant qu’elle le peut. Les grandes lignes de l’histoire des Etats-Unis sont marquées par l’émergence des « riches hommes au nord de Richmond ». Le reste est obiter dicta.

Guillaume était le fils illégitime de Robert, duc de Normandie, qui mourut au retour d’un pèlerinage en Terre sainte. Sa mort (et le soutien de barons locaux) fit de Guillaume, à seulement 7 ans, le nouveau duc.

La Normandie, alors habitée depuis un peu plus d’un siècle par des descendants de vikings, était une région difficile. Les nobles se battaient entre eux pour le pouvoir et les richesses. Ils construisaient de solides fortifications pour se protéger… et embusquaient leurs adversaires, ou assiégeaient leurs châteaux. Des fermes étaient incendiées. Des châteaux capturés… et repris. Des paysans massacrés. Les soldats tuaient. Les femmes étaient violées… pendant des décennies. Puis, croyant qu’il pouvait légitimement prétendre au trône d’Angleterre après la mort d’Edouard le Confesseur, son cousin, Guillaume parti en tournée avec son spectacle norman. Il a lancé sa fameuse conquête en 1066.

Voyez à quel point ce monde était merveilleusement simple ! Si vous vouliez de la richesse ou un meilleur statut, le moyen de l’obtenir était bien connu – vous le preniez à qui l’avait. Les gens formaient des groupes – tribus… factions… alliances. Vos chances de succès dépendaient souvent de la taille du groupe de combattants que vous pouviez assembler à vos côtés.

Les vrais combats sont toujours entre les élites – souvent liées par le sang, la classe, l’éducation ou le mariage. Les gens du commun ne sont qu’électeurs, contribuables et chair à canon – trop occupés par leur vie personnelle pour comprendre l’agenda des élites, et d’autant plus pour avoir leur propre agenda.

La volonté de puissance

L’homme du commun est le sujet, pas le dirigeant… il est un lancier, pas un général… il fait partie du « Peuple », pas des décideurs. C’est une pilule difficile à avaler pour les Américains. Ils ont appris qu’ils sont tous égaux… et que leur gouvernement existe « pour, par et du Peuple ». Ils croient que leurs votes vont déterminer le cours de l’Histoire.

Mais ça n’est pas vraiment le cas. A la place, même dans une démocratie, il y a ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés. La vraie compétition dans une démocratie consiste à voir quelle partie de l’élite peut manipuler les masses de la manière la plus efficace… ou les armées de quel camp – formées des « petits gars » qui pensent être « des patriotes » – peut remporter la victoire sur le champ de bataille.

Le désir de dominer est inhérent à l’espèce humaine. Un type a besoin de montrer à un autre type qui est le patron. L’un est esclave et l’autre est maître. L’un remporte la Coupe du monde. L’autre est perdant.

Saint Augustin appelait cela le « libido dominandi », ou le « désir de domination ». Nietzsche y faisait référence avec « la volonté de puissance ».

Cela provient, selon nous, des instincts animaux les plus basiques, le désir lui-même… celui de se reproduire. Un cerf en rut… des éléphants s’encornant… des coqs utilisant leurs ergots – beaucoup d’animaux mâles combattent, parfois jusqu’à la mort, simplement pour pouvoir se reproduire. Il est probable que les humains primitifs faisaient quelque chose de similaire. Le chef riche et puissant avait de nombreuses femmes… l’homme pauvre n’en avait aucune.

Après la nécessité de s’alimenter, aucune pulsion n’est aussi puissante ni astucieuse. Dans les humains, elle prend de nombreuses formes et déguisements… des implants capillaires aux triathlons en passant par les tentatives de reconquérir Constantinople.

Et concernant la question de quand un groupe essaye d’en dominer un autre, la réponse est simple : quand il peut se permettre de le faire.

Monnaie de sang

Aux Etats-Unis, l’élite yankee a vite rendue clair le fait que les électeurs n’auraient pas d’autre dieu avant eux. La guerre de Sécession a conclu l’affaire ; dès lors, les Etats n’étaient plus libres de choisir leur propre gouvernement ou de suivre leur propre voie. Les autorités fédérales étaient en charge.

Puis, alors qu’elles gagnaient en puissance, les élites ont commencé à s’en servir – au Mexique (que des troupes américaines ont envahi quatre fois), au Nicaragua, à Cuba, en Colombie… aux Philippines… en France… en Corée… au Viêtnam… en Irak, en Afghanistan… et maintenant en Ukraine ! (En oubliant des dizaines de plus petits conflits qui ne méritent qu’à peine d’être mentionnés.)

Le système bancaire est tombé sous leur contrôle avec la création de la Fed en 1913. Dans les années 1930 et 140, ils ont posé leurs mains baladeuses sur l’assurance, l’investissement, le commerce, l’assistance sociale, le logement – et des dizaines d’autres secteurs. En 1971, ils ont transformé le dollar en monnaie qu’ils pouvaient contrôler. Plus tard durant la même décennie, ils ont abandonné toute prétention d’atteindre des budgets ou des balances commerciales équilibrés.

A la fin des années 1990, ils garantissaient Wall Street, où leur richesse était stockée. Après 2008, ils illuminaient l’économie entière avec leurs taux d’intérêt négatifs falsifiés. Et en 2020, ils ont rejoint le pays des Merveilles… remplaçant presque l’intégralité de la production américaine honnête – biens et services – par de la « monnaie » qu’ils créaient et contrôlaient.

Injustice pour certains

Leur palmarès, depuis 1945 – aux Etats-Unis comme ailleurs – est rempli d’échecs, d’incompétence et de morts. Des guerres perdues. Des milliers de milliards de dollars gaspillés. Des millions de victimes et de corps. La pauvreté, les drogues, le terrorisme – tout ce qu’ils ont essayé d’arrêter a prospéré. Tous ce qu’ils ont encouragé a dépéri. Durant la période la plus riche de l’histoire humaine – le XXIè siècle – ils ne peuvent toujours pas équilibrer leurs budgets, ajoutant environ 27 000 Mds$ à la dette publique quand ils auraient dû rembourser les emprunts précédents.

Et peu importe la monstruosité du crime… la taille de la perte… ou la stupidité de l’erreur, ils n’ont jamais à rendre de comptes. George W. Bush est toujours un homme libre, malgré qu’il ait gaspillé 5 000 Mds$ et causé la mort d’un million de personnes… sur de faux prétextes… et sans autorité légale et constitutionnelle. Ont-ils mené Barack Obama à la chaise électrique pour avoir faiblement suivi les pas de son prédécesseur – ajoutant des milliers de milliards à la dette du pays et des milliers de morts supplémentaires ? Pas du tout.

Les élites des Etats-Unis dominent. Mais elles sont dominées par leur propre désir de dominer. Et si l’histoire est un bon guide, cela les mènera à la ruine… tout comme nous.

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