La Chronique Agora

Des taux qui demeurent éternellement bas durant… 24 heures !

▪ Le feu d’artifice haussier pressenti mardi après-midi à Wall Street a tourné au fiasco. Les scores pourraient être décalqués sur ceux de la veille, avec un Dow Jones qui a clôturé dans le rouge (-0,03%) après avoir égalé son record annuel à 11 450 points.

Le S&P a grappillé 0,05% (sous 1 224 points) et le Nasdaq 0,13% (sous les 2 600 points)… mais ces deux indices clôturent au plus bas du jour. La configuration intraday apparaît nettement baissière aux yeux des chartistes.

Les haussiers se sont vraiment fait piéger avec une glissade lente mais inexorable des indices américains tout au long de la séance. Cela a invalidé le gap d’ouverture, générateur d’achats-stop qui n’ont clairement pas fonctionné.

▪ Nous avions attiré hier votre attention sur le pronostic du stratège en chef de Goldman Sachs David Kostin. Tout son scénario haussier attendu à l’horizon 2013 (dont +20% pour le S&P dès 2011) reposait sur l’hypothèse de taux demeurant "très bas très longtemps" — tout comme le pronostic haussier d’octobre 2007 s’inspirait de la hausse éternelle des prix immobiliers.

Quel cinglant démenti ! Les marchés obligataires US ont enregistré une de leur pire correction de l’année 2010 avec un rendement du T-Bond à 10 ans qui bondit de 23 points — passant de 2,94% à 3,17%. De son côté, le 30 ans s’envole de 4,25% vers 4,425%.

Il s’est clairement produit une rupture sur le front des bons du Trésor US. La digue des taux bas a été littéralement emportée, initialement par le jeu des arbitrages au profit des actions, ensuite par le biais d’allègements de précautions suite à la cassure du seuil technique et psychologique des 3% sur le "2020".

▪ Rétrospectivement, le rally surprise des indices boursiers européens apparaît encore plus surréaliste. Une hausse inopinée s’était enclenchée vers 10h hier, puis s’était accélérée de nouveau vers 10h30 (aucune nouvelle identifiable dans le fil de l’actualité n’expliquait ce mouvement à ce moment précis).

Le principal bénéficiaire en a été le marché parisien qui accusait un fort retard depuis une quinzaine de jours sur Francfort et Wall Street. Le CAC 40 a affiché jusqu’à 2,3% de hausse tandis que le DAX 30 ne parvenait pas à franchir les 1,3% au plus fort de la vague acheteuse.

Le soufflé est quelque peu retombé en fin de séance puisque le CAC 40 s’est adjugé au final 1,63% à 3 810 points (ce niveau correspond à l’ex-gap baissier du 22 novembre) tandis que le DAX 30 se contente de +0,65% à 7 000 points tout rond. Cet objectif psychologique est loin d’être anodin car l’indice germanique a maintenant presque doublé de valeur en 18 mois — le CAC 40 n’avait progressé au mieux que de 62% en testant les 3 960 points début novembre.

▪ Bien que surpris par l’envol des indices au bout de deux heures de cotation, les opérateurs n’ont pas tardé à juger qu’il s’agissait de la chose la plus naturelle du monde.

Ils citaient pêle-mêle les déclarations de Ben Bernanke concernant l’extension du "QE2"… l’amorce des habillages de bilan de fin d’année… la hausse des matières (prélude à une accélération de la croissance)… Il y avait également le compromis largement prévisible entre Barack Obama et les républicains sur la prolongation des baisses d’impôts mises en place par l’administration Bush– y compris en faveur des ménages aux revenus les plus élevés, en contrepartie de l’allongement des indemnisations consenties aux chômeurs de longue durée.

▪ Wall Street pouvait alors se féliciter que la taxation des valeurs mobilières demeure l’une des plus accommodantes de la planète. Les revenus financiers (plus-values ou dividendes) ne sont fiscalisés qu’à hauteur de 15% pour les particuliers, alors que les bénéfices des entreprises, par exemple, sont ponctionnés à hauteur de 30% en moyenne.

Si les riches actionnaires gardent leurs privilèges pour deux années supplémentaires, ils peuvent espérer que ce régime leur reste définitivement acquis en cas de retour au pouvoir d’une administration républicaine à l’automne 2012.

▪ L’humeur des investisseurs américains repassant au beau fixe, la crise des dettes souveraines européennes est passée au second plan. Le parlement irlandais adoptait pourtant mardi après-midi le projet controversé de réduction des six milliards d’euros des dépenses, annexé à la loi de finances 2011. La réaction de la rue pourrait cependant s’avérer très négative.

Les cambistes ne semblaient pas convaincus que tous les nuages disparaîtront durablement de l’horizon après la décision des ministres des Finances européens de ne pas accroître la dotation du fonds de stabilité (le fameux MES).

La raison serait qu’il n’y pas lieu de s’en préoccuper aujourd’hui puisque les circonstances ne l’exigent pas. L’excuse est aussi valable que de laisser les extincteurs vides après usage sous prétexte qu’une même parcelle de garrigue ne saurait brûler deux fois au cours du même été… alors que des braises rougeoient encore au niveau des dernières crêtes atteintes par les flammes fin novembre.

La hausse de l’euro, censée refléter un regain d’appétit pour le risque, s’est interrompue en fin d’après-midi. La monnaie unique a reflué de 1,34 $ jusque vers 1,325 $, entraînant dans son sillage le pétrole. L’or noir a glissé de 90,3 $ le baril jusque vers 88,5 $ en l’espace d’une demi-séance à New York.

La fin de l’après-midi fut également marquée par une franche correction baissière sur le métal précieux. L’once d’or a chuté de 1 430 $ vers 1 410 $, le palladium a perdu 2,5% et l’argent 4%.

Avec une telle flambée des taux US, il n’est pas étonnant que l’aspect "rendement" ait scié les jambes de la spéculation au moment où les métaux précieux escaladaient de nouveaux sommets… et, plus inquiétant pour les actions, alors que les indices américains dessinent des "double sommets".

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