La Chronique Agora

Des mesures sévères concernant les terres rares

▪ Que devons-nous penser de la récente annonce émanant de Pékin selon laquelle le ministère chinois de la Terre et des Ressources vient d’acquérir 11 mines de terres rares ? Le ministre a annoncé que les 11 mines en question, qui couvrent un territoire de 2 534 km2, étaient les premières d’un ensemble de "zones minières planifiées par l’Etat" pour les terres rares.

Selon les dernières informations, les autorités chinoises ont affirmé que l’objectif du gouvernement est de renforcer "la protection et un développement raisonnable" du secteur des terres rares. Vraiment ? Pourquoi ne pas tout simplement dire que le moment était adéquat pour nationaliser quelques mines de terres rares supplémentaires ?

▪ Consolidation et hausse des prix
Cette information à propos des terres rares n’est pas nécessairement un coup de semonce de la part de la Chine. Mais dans ces circonstances, cela touche un nerf sensible parce que la Chine contrôle déjà près de 97% des ressources en terres rares de la planète. En effet, comme vous le savez probablement, ces derniers mois, la Chine a resserré son contrôle sur les terres rares en réduisant les quotas d’exportations, en mettant fin aux exportations illégales, en augmentant les taxes d’exportation et en mettant un frein aux mines hautement polluantes.

En réalité, la Chine consolide une industrie anciennement fragmentée. Le résultat est — et continuera à être — une consolidation industrielle, un contrôle étatique renforcé et des prix généralement plus élevés dans le futur.

La Chine recueille déjà les bénéfices de la diminution de ses exportations de terres rares. Il y a quelques jours, le ministre du Commerce chinois a annoncé que les exportations chinoises de terres rares se sont élevées au total à 35 000 tonnes au cours des 11 premiers mois de 2010, surpassant ainsi l’objectif demandé de 30 300 tonnes en quota annuel. Les prix à l’international explosant à la hausse, la valeur des exportations chinoises de terres rares a grimpé de 171% depuis 2009.

Concernant l’avenir, le ministre du Commerce a annoncé le mois dernier qu’il réduisait les quotas d’exportation de terres rares d’environ 35% pour les six premiers mois de l’année.

Selon un compte-rendu publié par le New York Times, étayé par un solide reportage de Keith Bradsher, l’exploitation minière "dans le sud de la Province du Jiangxi a été placée sous l’autorité de la planification nationale [chinoise]. Cette mesure ôte au contrôle provincial et municipal la surveillance administrative".

▪ La vision chinoise
Je souhaiterais ici développer quelques points, basés sur mes observations au fil du temps, ainsi que sur ce que j’ai entendu dire par les officiels chinois au cours d’un récent voyage à Hong Kong:

1. Les autorités chinoises considèrent les terres rares comme un réel centre de gravité stratégique actuel et futur pour le développement économique du pays, pour les futures technologies et, naturellement, pour la puissance militaire. En d’autres termes, ils "ont tout pigé". Ils géreront ce problème des terres rares depuis les hautes instances, élaborant une politique et répartissant les actifs et les capitaux comme il convient.

2. Les pratiques d’exploitation minières passées ont provoqué d’immenses dégâts environnementaux dans le pays ; elles utilisaient des techniques peu avancées qui ne maximisaient pas la production ni le retour sur investissement. Ceci n’est plus du tout acceptable dorénavant et la nature stratégique de ce problème des terres rares fait que c’est maintenant le bon moment pour nettoyer tout ce gâchis — au sens propre comme au sens figuré.

3. Le marché noir illégal des terres rares chinoises s’est élevé à 40% (peut-être plus) de la production totale jusqu’à récemment — les deux dernières années grosso modo. Ceci est totalement inacceptable dans un Etat communiste avec une économie théoriquement "planifiée". En d’autres termes, on est en train de démanteler la mafia des terres rares en Chine.

4. A l’avenir, la Chine "coopérera" avec la communauté internationale au sujet des exportations en terres rares — mais uniquement dans la mesure où le processus global bénéficie à la Chine. Autrement, les Chinois auront toujours une excuse pour faire ou ne pas faire.

5. Selon moi, la Chine donnera priorité à ses exportations de terres rares qui entrent dans la composition d’articles à valeur ajoutée devant ensuite revenir en Chine pour être utilisés dans d’autres fabrications. Une main lavera l’autre. Autrement dit, ne vous attendez pas à ce que le Chine ouvre les portes de ses exportations de terres rares juste pour permettre aux entreprises occidentales (non-chinoises) de fabriquer des objets qui ne bénéficieraient pas d’une façon ou d’une autre à la Chine.

6. Les Chinois sont assez intelligents pour identifier les marchés potentiels pour les terres rares qui sont en concurrence avec la Chine. Ils feront tout leur possible — prendront des mesures actives comme passives — pour détourner les exportations de ce type de marchés.

En conclusion : il y a un grand avenir pour l’industrie des terres rares en Occident… mais vous devez faire attention à être dans la course au bon tempo. Vous devez investir judicieusement, en vous intéressant particulièrement aux entreprises qui sont capables de livrer un produit fini après avoir géré des années de dépenses du capital et avoir formé des systèmes de systèmes.

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