La Chronique Agora

Des investisseurs et des insectes

** De temps en temps, il arrive de trouver un petit insecte — une mite ou un moustique — fossilisé dans une goutte d’ambre. L’insecte a atterri sur un morceau d’arbre gluant il y a des millions d’années, avant d’être recouvert de sève, laquelle s’est ensuite transformée en ambre.

* Les prix que l’on constate actuellement sur les marchés reflètent toutes les dernières idées, informations, idées reçues et hallucinations des investisseurs — la sève du moment. L’instant d’après, ils entrent dans l’histoire, on les conjugue au passé… et l’investisseur, comme ce pauvre insecte… est coincé. La sève semble attirante… mais une fois qu’il s’y est posé… il est fichu. Il obtient ce qu’il mérite.

* La sève continue de couler… et de surprendre les moucherons. Alors d’où viendra la surprise de demain ? Nous voyons deux possibilités. Soit le ralentissement mondial se révèle être bien plus éprouvant que le pensent les investisseurs — c’est-à-dire qu’au lieu d’un atterrissage en douceur pour l’économie mondiale, on assistera à une collision qui mettra les actions, l’immobilier et les obligations bien plus bas que le prévoient les gens… avec des milliers de milliards de dollars de moins-values, des dizaines de millions de ménages faisant faillite et une récession étonnamment profonde et douloureuse.

* Soit une autre surprise nous attend : les annonces de la mort de l’inflation ont été exagérées. L’inflation pourrait n’être pas morte du tout, mais simplement en train de faire une sieste. Le pétrole baisse peut-être, mais il est peu probable de le voir revenir à ses niveaux de 2002 (comme le confirme Simone Wapler ci-dessous). Dans la mesure où l’or noir est si nécessaire à l’économie moderne, un pétrole coûtant plus cher continuera probablement de se répercuter peu à peu dans les prix à la consommation partout dans le monde. Et peut-être que la Chine, l’Inde et la Russie ne sombreront pas dans un ralentissement si profond qu’elles cesseront d’utiliser tant de pétrole et autres matières premières. Peut-être aussi que leurs coûts de main d’oeuvre continueront de grimper de 10% par an — ce qui gonfle leurs prix à l’exportation à des taux à deux chiffres.

* Et — c’est peut-être le plus important — ni les gens ni les théories des banques centrales modernes n’ont changé. Ils sont liés à un système basé sur le dollar… un système qui garantit presque l’inflation.

* Nous ne savons pas ce qui va se passer — demain est un autre jour, après tout — mais nous savons comment les banquiers centraux fonctionnent. Plus un ralentissement récessionniste resserre son étau sur le monde, plus Bernanke & Co. lutteront. Et ce ne sera pas à la loyale — mais avec de la fausse monnaie.

** C’est "la fin de la partie pour Fannie et Freddie", déclarait le journal Barron’s cette semaine. On a appris que "les Etats-Unis vont probablement recapitaliser Fannie et Freddie". Nous n’en attendions pas moins. Les deux organismes de prêts hypothécaires vaudraient -50 milliards de dollars chacun — soit un total de 100 milliards de dollars dans le rouge. Bien entendu, les autorités américaines n’ont pas franchement 100 milliards de dollars sous la main. Mais pas de problème… ils ont de la devise fantaisie en abondance. Et à mesure que la fin de partie se rapproche pour un nombre croissant d’entreprises et de ménages américains, vous pouvez vous attendre à voir bien plus d’argent fantaisie se faire passer pour du véritable argent.

* Alors quelle surprise est la plus probable ? Un ralentissement déflationniste plus profond ? Ou un tour encore plus décoiffant sur les montagnes russes de l’inflation ?

* Nous continuons à penser que ce sera les deux.

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