La Chronique Agora

Des chiffres et des lettres

▪ Jetons quelques chiffres sur la table. Les chiffres mentent. Le 5 est tordu. Le 8 ne va nulle part. Le 0 n’est rien — si le rien est quelque chose.

Alors jetons-les.

15, 34, 92, 98 888, 21…

Jetons-les tous.

Ou bien… et si nous procédions plutôt ainsi ?

14 $. C’est la chute enregistrée par l’or en une seule séance jeudi dernier. Pourquoi l’or baisse-t-il ? Comme on pouvait s’y attendre, la Grande Correction continue. L’inflation des prix à la consommation américaine reste modérée. Les spéculateurs commencent à s’inquiéter. Ils ont acheté de l’or… à prix d’or. Et s’il y avait vraiment une reprise ? Qui aurait besoin d’or ? Et les prix menacent désormais de baisser.

Nous ne serions pas surpris de voir l’or passer sous les 1 300 $. Ou sous les 1 200 $. Voire sous les 1 000 $.

Mais ne confondez pas un creux avec un changement de direction. Le marché haussier de l’or ne se terminera pas avant la fin de la crise financière. Laquelle ne se produira pas de sitôt. Voici un autre chiffre pour prouver ce que nous avançons :

1 500 000 000 000

Que diable est-ce là ?

▪ C’est le nombre de dollars dont le gouvernement américain devrait avoir besoin cette année pour remplir le fossé entre ce qu’il récolte en taxes et ce qu’il dépense.

C’est le déficit, en d’autres termes. Et c’est beaucoup d’argent.

Mais rappelez-vous, ce n’est qu’un chiffre. Et on ne peut pas faire confiance aux chiffres. Parce qu’il y a quelques mois seulement, on entendait dire que le déficit budgétaire serait beaucoup, beaucoup plus restreint. Vous vous souvenez de ces chiffres ? Moins de 1 000 milliards de dollars. Puis moins de 1 200 milliards.

Des chiffres, des chiffres… 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 — nous les avons tous vus !

Mais la chose la plus importante n’est pas le chiffre lui-même… Un peu comme les cadeaux de Noël, c’est l’intention qui compte. Et derrière chaque chiffre du budget fédéral, on trouve l’Esprit de Noël… enfin, ce serait l’Esprit de Noël si le Père Noël était kleptomane et qu’il redistribuait le butin entre tous ses amis et lui.

Nous ne nous en plaignons pas. C’est simplement ce qui arrive dans une économie mûre et dégénérée. On trouve plus de gens passant leur temps à essayer de trouver comment redistribuer de la richesse qu’à essayer d’en créer.

Dans le cas présent, l’équipe Obama redistribuera 1 500 milliards de dollars de plus qu’elle ne peut en collecter en impôts. Jetons quelques chiffres encore. Cela fait 5 000 $ par tête de pipe américaine… 20 000 $ pour une famille de quatre. Et nous parlons-là de dépenses qui dépassent les recettes fiscales. Ce n’est que le déficit. Il vient se rajouter aux 8 000 $ par personne environ que l’on prend à un contribuable pour les donner à d’autres.

Donc… les autorités dépensent 1 500 milliards de dollars de plus que ce qu’elles encaissent. Soit quatre dollars de dépenses pour 2,50 $ d’impôts. Est-ce un problème ?

Oui… Vous imaginez la solidité d’un tel phénomène. C’est comme si vous gagniez 100 000 $ et que vous en dépensiez 160 000 $. Faites-le une fois… et vous vous en sortirez peut-être. Le faire tous les ans, en revanche…

Or les autorités américaines le font alors que l’économie est censée croître au taux de 3% à 4%. Si elle se développe plus lentement, voire pas du tout, le déficit empire.

Vous remarquerez également que ces 1 500 milliards de dollars représentent environ10% du PIB. Vous remarquerez enfin — puisque nous nous amusons vraiment avec tous ces chiffres — que si l’on continue à additionner 10% du PIB à la dette, on ne tarde pas à en avoir bien plus que ce que l’on souhaitait.

Voilà pourquoi nous étions si déçu du discours d’Obama sur l’état de l’Union. Il a donné une fausse impression. Il a parlé de "gagner l’avenir" en faisant croire que ce n’était qu’une question de mieux faire les choses. Ce n’est pas vrai. Les Américains doivent faire les choses différemment. Ils ne gagneront jamais l’avenir de la sorte.

Ils doivent changer les chiffres. On ne peut pas emprunter 10% du PIB, année après année, sans perspective de changement, et espérer avoir malgré tout une économie saine. On ne peut pas espérer gagner l’avenir de la sorte. Il faut regarder les choses en face : c’est le meilleur moyen de sortir perdant.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile