La Chronique Agora

Démocratie et baratin

** L’Irlande est au bord de la faillite. Sa dette a été rétrogradée il y a quelques semaines. Le chômage frôle les 14%. La déflation est à 5,4% — son plus haut niveau depuis la Grande Dépression des années 30. Et ce n’est pas terminé. Il est "trop tôt" pour parler de reprise, selon Brian Lenihan, ministre des Finances.

* Et en Californie ? Cette semaine, The Economist nous donne un nouveau chiffre pour le déficit budgétaire californien — 26 milliards de dollars, par rapport aux 24 milliards annoncés il y a quelques temps. Une photo publiée un peu partout montre Arnold Schwarzenegger fumant le cigare… confiant, apparemment, dans le fait que les problèmes de l’état s’arrangeront d’une manière ou d’une autre.

* Bien entendu. Ils s’arrangent toujours. Mais pas nécessairement comme les gens l’espéraient. La Californie est la huitième économie mondiale. Elle peut imprimer des reconnaissances de dette lorsqu’elle se retrouve à court d’argent. Mais aucune loi ne dit que les banques doivent les accepter. Et elles ont cessé de les accepter la semaine dernière… mettant la Californie dans le pétrin.

* Ce qui affecte la Californie affecte les Etats-Unis dans leur intégralité — et une bonne partie du reste du monde. Les politiciens ont trop promis… et ne sont pas prêts à lever les fonds nécessaire pour tout payer. Solution : dépenser moins. Ou taxer plus. Ou un peu des deux.

* Arnold aurait dû nous demander, en fait ! C’est si simple.

** Mais attendez. La Californie est une démocratie. Et la démocratie, c’est du baratin. Nous l’avons déjà expliqué : ça se divise en deux parties. Une partie ressemble à du catch professionnel — plein de brutalité, de vantardise et de gestes creux. Un groupe veut empêcher ses voisins de fumer. Un autre veut un drapeau encadré de jaune. Un autre encore veut se venger de ses voisins parce qu’il se sent vexé. Impossible de calculer… ou de prédire… la direction que prendra la foule.

* L’autre partie de la démocratie est plus rationnel. Le citoyen veut savoir non pas ce qu’il peut faire pour son gouvernement mais ce qu’il peut en retirer. Cette seconde partie ressemble à une bombe à retardement. Une fois que les citoyens réalisent qu’ils ont le pouvoir de voter pour vider les poches de quelqu’un d’autre, le système est condamné. Ils ne lâchent pas avant de l’avoir plumé.

* On peut voter pour un candidat promettant un drapeau jaune. Ca ne fait pas de mal. Mais lorsqu’on vote pour le candidat qui promet plus d’"avantages" aux dépens des autres, on est en route pour l’enfer.

* "Au Congrès américain, les démocrates proposent de mettre en place un impôt supplémentaire de 1% pour les couples gagnant plus de 350 000 $", rapportait le Financial Times ce matin. L’argent est utilisé pour verser des allocations santé.

* Si vous gagnez moins de 350 000 $, vous avez l’impression d’obtenir quelque chose en l’échange de rien. Mais cet argent — s’il n’avait pas été confisqué — n’aurait pas disparu. Il aurait été mis au travail d’une manière ou d’une autre — ajouté à la formation de capital national, prêté au gouvernement, utilisé pour acheter une nouvelle voiture ou partir en vacances. Au lieu de ça, il sera ponctionné sur les bénéfices économiques et utilisé pour donner à des gens quelque chose qu’ils ne peuvent pas se permettre.

* Pour être élus, les politiciens doivent promettre de plus en plus de ces "avantages". On ne peut ni reculer… ni faire demi-tour. Même lorsque le gouvernement file tout droit vers la faillite. Si un politicien hésite, un autre clown prendra sa place.

* Là, cher lecteur, vous avez peut-être une objection. "Le système politique américain fait appel aux meilleurs, dans un pays comptant 300 millions d’habitants", direz-vous peut-être. "Quand même, ils sont capables de faire ce qu’il faut pour le bien des générations futures".

* Ils sont certainement capable de prendre des décisions rationnelles. Mais ce qui est rationnel pour eux — esquiver les problèmes graves… entretenir l’illusion que les électeurs peuvent obtenir quelque chose en l’échange de rien — est fatal pour la république.

* C’est comme ça. Une institution mûrit… et les parasites l’envahissent. Les retraités, les cadres avec leurs parachutes dorés, les boiteux, les employés, les gestionnaires, les pique-assiettes, les avocats, les comptables, les entrepreneurs… tout le monde a intérêt à ce que les affaires continuent. Les dirigeants veulent leur bonus… les retraités veulent leur pension… les avocats veulent leurs honoraires. Tous peuvent voir que la situation n’est plus ce qu’elle était. Tous savent que l’assiette au beurre ne sera pas éternellement pleine… mais cela ne les rend que plus avides d’en profiter tant que ça dure. Ils trafiquent donc les chiffres pour que les résultats trimestriels ne semblent pas si épouvantables… bidouillent les informations pour qu’on puisse croire que les institutions ont de l’avenir… et truquent le système tout entier pour que personne ne mentionne même le fait qu’ils sont en train de couler.

* Comme le disait Prança Dantafas, qui avait 500 ans d’avance sur les économistes du "laissez-faire" :
 
* "L’homme vit sous le toit qu’il a lui-même construit. S’il lui tombe sur la tête, c’est comme ça…"

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