La Chronique Agora

Dégonflons les bulles et n’oublions pas les baudruches !

** Le caractère cyclothymique des marchés financiers n’est pas un scoop mais ils nous en offrent, à 24 heures d’intervalle, une nouvelle preuve éclatante. La bourse de Paris (+0,98%) a terminé largement en tête du peloton européen ex aequo avec Amsterdam et Milan — quel joli tir groupé — mais loin devant Francfort (+0,15%), Milan et Zurich (+0,45%) ou encore Londres (+0,8%). L’Euro Stoxx 50 affichait péniblement 0,45% de progression… mais c’est toujours mieux que les +0,25% du S&P 500 ou les -0,1% du Dow Jones !

Les valeurs françaises ont su tirer pleinement profit de la hausse du dollar (+0,75% à 1,5435/euro. La devise américaine a rebondi après les commentaires de Ben Bernanke concernant les aspects négatifs, notamment en termes d’inflation, du repli du billet vert. Ces propos sont inhabituels, puisque la Fed ne s’exprime pratiquement jamais sur l’évolution du dollar. Ils renforcent en tout cas la perspective d’un durcissement de la politique monétaire (les taux à deux ans remontent à 2,55% et le prime rate est fixé à 2%) malgré une croissance en berne et un secteur de l’immobilier américain qui ne parvient toujours pas à trouver son plancher.

Les craintes de récession aux Etats-Unis ont cependant été apaisées vers 16h par l’indice des commandes à l’industrie. Ces dernières s’inscrivent en progression de 1,1% au mois d’avril, à 445,2 milliards de dollars, après une hausse de 1,5% en mars — révisée après +1,4% en estimation initiale — et une baisse de 0,6% au mois d’avril. L’avenir ne s’annonce peut-être pas très souriant en Europe mais cela n’a pas empêché l’agence européenne de la statistique de s’offrir un satisfecit rétrospectif concernant la croissance du produit intérieur brut des 15 pays constituant l’Euroland. La hausse aurait atteint 0,8% contre 0,7% et s’établit à 2,2% en rythme annuel, confirmant la prévision initiale.

Mais pourquoi nos statisticiens officiels ne sont-ils pas parvenus à nous convaincre que tout allait aussi bien au premier trimestre 2008 ? Aurions-nous passé sous silence certaines études qui battaient en brèche le sombre tableau que nous brossons depuis mars 2007 ?

** Nombre de nos lecteurs font preuve d’une vigilance qui force notre admiration : ils n’hésitent pas — et pourquoi le devraient-ils ? — à nous adresser leurs commentaires et critiques portant sur tel ou tel point de nos Chroniques dès que nous commettons une erreur ou omission qui dessert le thème abordé… et nous ne manquons pas d’y faire référence, le plus souvent sous forme de clin d’oeil — les auteurs des mails s’y reconnaissent généralement lors la Chronique suivante.

Certains d’entre vous jugent que nous avons trop souvent la dent dure envers des institutions (BCE, Fed, OCDE…) qui ne veulent que notre bien (!). D’autres nous reprochent parfois notre mansuétude envers des personnages grassement payés ou qui se poussent du col devant les caméras ou dans les colonnes des journaux les plus prestigieux pour débiter des platitudes ou de parfaites contrevérités — c’est tout un métier que de soutenir des thèses que l’on sait fausses à destination d’un public que l’on croit crédule !

Les 48 pages de notre futur hebdomadaire, le magazine de la pensée économique plurielle, seront largement consacrées à la restauration d’un certain équilibre entre le discours mainstream et des angles de vue plus originaux. Nous comptons bien également mettre l’accent sur les thèses les plus performantes et dénoncer celles qui ne visent qu’à embrouiller les esprits, noyer le poisson ou vous induire en erreur.

Nous ne pouvons cependant nous permettre de réaliser une revue quotidienne du pire de la pensée économique — bien que cet exercice ait quelque chose de jubilatoire — car nos Chroniques seraient interminables… Cependant, nous ne résistons pas à reproduire ci-dessous le mail d’un de nos lecteurs qui a glané une véritable perle dont vous apprécierez toute la pureté et la pertinence compte tenu des dernières déclarations de M. Strauss-Kahn une fois que nous vous aurons éclairé sur le pedigree de son auteur.

** Voici ce que nous a fait parvenir notre lecteur, Philippe P. :

« J’ai été plus que surpris que personne ne relève les propos  [du petit nouveau] que Strauss-Kahn vient de nommer économiste en chef du FMI. Je le cite : ‘il faut être relativement optimiste… j’ai l’impression que l’on comprend à peu près les problèmes auxquels nous sommes confrontés’. Mieux encore : ‘après la phase initiale qui a duré pendant la deuxième partie de l’année dernière au cours de laquelle on a été un peu perdus, je crois qu’ont été mises en place des politiques à peu près adaptées’ sic. ‘C’est une des crises les plus standard qu’on puisse avoir’ […] ‘la flambée des prix du pétrole aura […] des conséquences limitées’. »

« Pour la récession américaine : ‘… un ralentissement aura lieu. Son ampleur ? Je n’en ai pas la moindre idée’. »

Et notre lecteur, sarcastique, de nous demander de « démonter » l’heureux nominé (mais avec des termes moins choisis…).

C’est avec grand plaisir que nous accomplissons cet exercice. M. Philippe P. fait référence à l’éminent économiste français Olivier Blanchard, professeur au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) en remplacement de Simon Johnson — ex-professeur émérite issu de la crème de la crème des effectifs du même MIT.

Olivier Blanchard peut s’enorgueillir du titre de vice-président de l’Association économique américaine (AEA), de membre de l’Académie américaine des sciences ainsi que de son rôle actif auprès du Conseil d’analyse économique (CAE), lequel travaille en liaison étroite avec le gouvernement français.

Selon Dominique Stauss-Kahn — qui vient de lui attribuer le poste d’économiste en chef — l’intéressé offrira au FMI « une combinaison unique de savoirs et d’expériences de niveau mondial et l’aidera beaucoup dans ses efforts pour adapter le Fonds au XXIe siècle ».

Il s’agit de « l’un des universitaires les plus réputés et respectés dans le domaine de la macroéconomie internationale… Ses impressionnantes publications couvrent presque tous les domaines concernant le FMI, tant les déséquilibres financiers internationaux que les bulles financières ou encore les processus de décision des politiques monétaires ».

Pour le plaisir, nous vous offrons un dernier « ralenti » de ses déclarations les plus fracassantes : « c’est une des crises les plus standard qu’on puisse avoir… la flambée des prix du pétrole aura des conséquences limitées… un ralentissement aura lieu. Son ampleur ? Je n’en ai pas la moindre idée ».

Nous non plus, mais 7% d’inflation réelle, 950 milliards de pertes sur les subprime et une croissance négative aux Etats-Unis ne constituent pas une situation « standard » à nos yeux.

Si vous trouviez ce genre d’arguments dans nos Chroniques, vous cesseriez de nous lire avant longtemps !

Philippe Béchade,
Paris

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