La Chronique Agora

Déficits record et indifférence générale (1/2)

Les dépenses publiques s’envolent, les déficits budgétaires atteignent des niveaux sans précédent depuis la Deuxième guerre mondiale… mais visiblement, cela n’inquiète personne.

En matière de débats politiques, il semble désormais clair que si vous souhaitez avoir l’air d’un excentrique aux idées démodées, le meilleur moyen d’y arriver consiste à exprimer vos préoccupations au sujet du poids des dépenses publiques et du déficit budgétaire.

De telles préoccupations sont désormais autant prises au sérieux par les politiciens à Washington que la question de la constitutionnalité du Patriot Act [loi antiterroriste faisant l’objet de critiques pour son caractère liberticide, NDLR.].

Pratiquement plus personne ne s’en soucie.

Certes, le manque d’intérêt pour le contrôle des dépenses publiques était déjà une réalité avant que la crise du coronavirus ne débute.

Sous la présidence Trump, les dépenses étaient déjà hors de contrôle. Les dépenses fédérales ajustées en fonction de l’inflation avaient même dépassé le précédent sommet atteint en 2009, lorsque le gouvernement fédéral avait réagi dans la panique face à la crise financière et à la Grande récession.

Avec ou sans crise, on dépense de la même manière

En d’autres termes, l’administration Trump a autant dépensé qu’en période de crise alors qu’il n’y avait aucune crise.

Il n’est donc pas surprenant que les déficits budgétaires aient également été remarquablement élevés sous la présidence Trump, y compris au cours des années qui ont précédé la crise du coronavirus.

En 2019, Trump a approuvé un budget en déficit de près de 1 000 Mds$, une décision considérée par beaucoup comme absurde en période d’expansion économique.

Ces chiffres – y compris ceux correspondant à la période de la crise financière au cours de laquelle plusieurs plans de sauvetage ont été votés – semblent toutefois modestes en comparaison à l’explosion des dépenses qui s’est produite en 2020 et 2021 dans le contexte de la panique provoquée par le coronavirus.

Une comparaison parlante

Comparons l’évolution des dépenses au cours de ces deux périodes. De 2019 à 2020, les dépenses fédérales ont augmenté de 54%, passant de 4 500 Mds$ à 6 500 Mds$, étant donné que le Congrès et la Maison Blanche ont dépensé sans compter au travers de plusieurs plans de sauvetage et de soutien à l’économie.

En revanche, suite à la crise financière, de 2008 à 2009, les dépenses n’ont augmenté « que » de 14%, passant de 3 600 Mds$ à 4 200 Mds$.

En termes de dépenses par Américain, les chiffres sont similaires. Les dépenses fédérales par habitant ont augmenté de 13% entre 2008 et 2009, passant de 12 000 à 13 700 $ par citoyen américain. Mais entre 2019 et 2020, les dépenses par habitant ont augmenté de 44%, passant de 13 600 $ à 19 700 $ (l’ensemble de ces chiffres sont ajustés en fonction de l’inflation).

Des niveaux de dépenses proches ceux de la Deuxième guerre mondiale

A ce stade, les partisans de cette politique de dépense effrénée affirmeront généralement que le seul indicateur qui importe réellement est le ratio de dépenses publiques par rapport au produit intérieur brut (PIB).

Alors intéressons-nous à cet indicateur. En 2020, les dépenses fédérales se sont envolées pour atteindre 31% du PIB, leur plus haut niveau depuis 1945.

De la même manière, le déficit fédéral a explosé pour atteindre 15% du PIB en 2020. Cela correspond également au plus haut niveau depuis 1945.

A noter : les comparaisons de ce type ont tendance à minorer l’importance de l’accroissement de la dette et des dépenses par rapport au PIB global. En effet, les dépenses publiques sont elles-mêmes une composante du PIB, et comme le PIB est mesuré en dollars, l’expansion de la quantité de monnaie en circulation, même sans véritable croissance de l’activité économique, peut également alimenter l’augmentation du PIB.

Les dépenses fédérales s’envolent elles aussi

Il est également important, d’un point de vue politique, de noter que pendant que les dépenses fédérales s’envolaient au cours des 18 derniers mois, les dépenses des Etats et collectivités locales ont en revanche pratiquement stagné, avec un rythme de croissance ralenti à tout juste 0,38% par rapport à l’année précédente.

Il s’agit du plus faible taux de croissance des dépenses des Etats et collectivités locales américains depuis 2011, dans le sillage de la crise financière de 2008. Pourtant, dans le même temps, les dépenses fédérales se sont accrues de 25%, soit la plus forte augmentation annuelle depuis la guerre de Corée.

Le poids des dépenses fédérales a ainsi bondi pour représenter plus des deux tiers de l’ensemble des dépenses publiques aux Etats-Unis en 2020. La dernière fois que les dépenses fédérales ont autant surpassé les dépenses des gouvernements locaux en Amérique, c’était à la sombre époque où la guerre froide et la guerre du Vietnam faisaient rage.

Tout cela reflète le fait que les Etats et les collectivités locales sont véritablement affectés lors des crises économiques.

Autrement dit, lorsque l’activité économique et les revenus chutent, les recettes fiscales et les dépenses des Etats ainsi que des collectivités locales diminuent. Ce n’est pas le cas du gouvernement fédéral qui, grâce à volonté de la banque centrale de poursuivre son programme d’achat de bons du Trésor, peut beaucoup plus facilement emprunter pour financer ses dépenses que les Etats et les collectivités locales.

A suivre…


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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