La Chronique Agora

Les déficits de l’Etat ont fait l’épargne des ménages

épargne des ménages

Depuis le début de la pandémie, les autorités ont endetté les Etats pour protéger les ménages. Est-ce bien la leçon qu’il fallait retenir de l’austérité ayant suivi la crise des subprime ?

La macroéconomie n’est pas une science.

Contrairement aux sciences physiques, où les résultats sont invariants quelle que soit la situation politique ou sociale, la macroéconomie est une question de contexte. Il s’agit de choisir le bon cadre et les bons outils pour gérer la situation actuelle.

Les contours du paysage macroéconomique post-pandémique commencent à se dessiner. L’échec ou l’hypothèse de l’échec commence à émerger. Cela fait écho à ce qui s’est passé en 2009 et après, en réaction à la grande crise financière (GFC). La possibilité d’une nouvelle erreur de politique économique se profile, tout aussi conséquente que celle commise pendant la récupération de la GFC.

Post-GFC : un échec de la politique budgétaire

L’après-GFC a commencé par une expansion budgétaire, au début de la crise financière. Puis cela s’est terminé par des craintes concernant la soutenabilité de la dette et l’austérité. Souvenez-vous des imbécillités de Rogoff et Reinhart sur le seuil critique de la dette, fixé à 100% des PIB. Ils ont donné le coup d’envoi de l’austérité !

Ces craintes et l’austérité qui ont suivi ont ensuite conduit à une période de croissance lente, avec la résignation au thème de la croissance séculaire durablement misérable popularisé par Lawrence Summers. Et la période s’est terminée par un développement des populismes dans les principales démocraties occidentales, alors que le keynésianisme avait précisément été inventé dans les années 1930 pour éviter cela.

En d’autres termes, l’austérité post-GFC a été un échec de la macroéconomie.

Depuis la pandémie, par contre, la situation est très différente…

Post-pandémie : un échec de la politique monétaire ?

Notre paysage actuel est bien sûr très différent de celui de 2009. La perspective post-pandémique est celle où les bilans des ménages, contrairement à la période post-GFC, sont plus solides que jamais, car ils ont été gorgés d’épargne.

C’est un monde où la politique budgétaire est très favorable à la reprise. Cependant, les problèmes de soutenabilité budgétaire ont été mis de côté. On oublie tout : les déficits, les dettes, les seuils… Le bilan de l’Etat joue le rôle d’amortisseur et, un peu partout, sans bien sûr le dire, on s’est rallié à l’esprit de la théorie monétaire moderne (TMM), c’est-à-dire que les Etats peuvent s’endetter autant qu’ils le veulent sans risque, même l’Italie.

L’échec post-GFC de l’austérité à contretemps a rappelé les leçons du keynésianisme. Il pourrait très bien céder la place à l’échec post-pandémique, qui serait un échec à comprendre les leçons du monétarisme.

Là où la politique monétaire a réussi

La pandémie a nécessité une réponse budgétaire sans précédent, ce qui signifie que l’épargne des ménages dans les industries protégées a été transférée à ceux qui travaillent dans les secteurs non protégés.

Parallèlement à cette réponse budgétaire, la politique monétaire – par le biais d’un « assouplissement quantitatif » (ou quantitative easing, QE, en bon anglais) – a fait en sorte que l’épargne du secteur privé se constitue par le biais de véhicules monétaires, c’est-à-dire que l’épargne des ménages s’est manifestée à travers des créances financières ou monétaires dans des proportions jamais vue en dehors des temps de guerre. Cette augmentation progressive des créances monétaires implique une amélioration de la fortune nette des ménages dont les médias se sont faits l’écho partout.

Pour le dire autrement : les ménages ont constitué des matelas. Par comparaison, lors de l’après-GFC, en 2009, les bilans des ménages étaient très dégradés.

L’après-pandémie se caractérise par la solidité des bilans des agents autres que l’Etat, ce qui résulte simplement des équivalences keynésiennes : les déficits des uns font l’épargne des autres. Ici, les déficits de l’Etat font l’épargne des ménages.

Je l’avais expliqué dans un texte intitulé « Le contraire de l’apocalypse » le 4 décembre de l’an dernier. Ainsi, alors que l’après-GFC nécessitait une redécouverte du keynésianisme, l’après-pandémie pourrait apporter une appréciation renouvelée du monétarisme.

C’est ce que nous verrons demain…

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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