La Chronique Agora

Déficit US de 13%, 79% du PIB mobilisé…

** Tous aux abris ! J.-C. Trichet détecte des signes d’embellie en Europe.

A peine venait-il d’apporter sa contribution à la campagne d’intoxication des médias et des députés européens peu au fait des "détails" qui préoccupent l’OCDE et le FMI qu’il était immédiatement démenti par les chiffres de la production industrielle au premier trimestre 2009 en France et en Italie. Le recul de l’activité s’y établit respectivement à -6,1% et -6,9% et -24,6% et -23,8% en taux annualisé.

Et puisque le patron de la BCE affirme qu’il y a du mieux, demandons-lui comment il interprète l’évolution des scores en France : -24,6% après -24,4% au dernier trimestre 2008… Peut-être que cela traduit ce merveilleux phénomène — si porteur d’espoir aux yeux de Ben Bernanke — du ralentissement du rythme de la contraction économique.

C’est un peu comme si nous affirmions que l’équipage d’une montgolfière dont l’enveloppe surchauffée s’est déchirée peut commencer à dé-stresser parce vu depuis le sol, l’état du ballon a effectivement cessé de se détériorer. Le vrai problème, c’est qu’une fois en chute libre, il est impossible de remettre en marche le brûleur : cela ne regonflerait plus rien, sans oublier que cela risquerait de mettre le feu à ce qui reste de tissu au-dessus de la nacelle.

La montgolfière des dérivés de crédit a explosé et l’économie réelle reste suspendue en dessous, subissant inexorablement les effets de l’attraction terrestre.

Tant que la nacelle contenant les malheureux passagers n’a pas encore touché le sol, il existera toujours de bonnes âmes pour les informer par radio que la chute s’est apparemment ralentie — souvent par un simple effet thermique provenant de l’air plus chaud qui offre un peu plus de portance lorsque l’on se rapproche du sol.

Lorsqu’un accident de ballon se termine mal, c’est souvent un drame collectif… Cependant, dans le cas qui nous occupe, ceux qui pilotaient et qui ont mis plein gaz, au-delà des normes prescrites par le constructeur, ne feront pas partie des victimes.

Un bon nombre d’entre eux ont pu sauter en vol, bien protégés par le port d’un parachute doré ; les autres n’ont plus qu’à prier pour qu’une grosse botte de foin se trouve par miracle au point d’impact… en espérant qu’une fourche ne soit pas plantée au milieu !

De toute façon, même si le miracle a lieu, beaucoup de gens se retrouveront sur la paille, au propre comme au sens figuré.

** Aux Etats-Unis, ils sont plus d’un demi-million à perdre leur emploi chaque mois. Ils sont aussi des centaines de milliers à voir également leur logement saisi (et le taux de recoupement entre les deux catégories est important). Et lorsqu’il n’y a pas de parachute doré, il n’y a rien du tout, pas de filet de sécurité sociale, pas de recours massif aux emplois aidés.

Pourtant, malgré l’absence de ce poste de dépense qui plombe les comptes des pays sociaux-démocrates du Vieux Continent, les Etats-Unis sont pratiquement en faillite.

La Maison Blanche vient de rendre publique une nouvelle estimation du montant du déficit attendu en 2009. Il s’élèverait à 1 840 milliards de dollars, soit 12,9% du produit intérieur brut américain. 2010 ne s’annonce guère mieux avec un déficit budgétaire prévisionnel de 1 260 milliards de dollars.

Où est allé tout l’argent injecté dans l’économie américaine ? Dans les coffres des banques en difficulté, nous l’avons assez souligné. Fort bien ! Avec le stress test, les contribuables allaient au moins avoir droit à une opération vérité sur les comptes des établissements de crédit qu’ils sponsorisent bien malgré eux.
 
Mais même la simple vérité apparaît encore trop coûteuse — à moins que les contribuables américaines ne l’aient pas encore payée assez cher pour la connaître ? En tout cas, les chiffres dévoilés à grand renfort de fausses fuites distillées dans la presse sont largement fictifs ; ils ne constituent que le résultat d’un arrangement entre le Trésor et les banques pour abuser l’opinion avec des montants de recapitalisation "acceptables".

Nous savons depuis ce week-end que les besoins en argent frais pour renforcer les ratios tier one sont supérieurs à 100 milliards de dollars (et non 75 milliards comme les acteurs de cette farce ont voulu le faire croire)… Et encore, ce n’est qu’une photographie à un instant T, qui ne préjuge pas des besoins réels en fin d’année si la crise gagne en intensité dans le secteur des cartes de crédit.
 
** En ce qui concerne l’état global de l’économie américaine, les besoins en capitaux ont été gigantesques, au-delà de ce qu’aucun livre d’économie a jamais décrit, ni lors de la crise de 1929, ni jamais !

Les analystes du FMI ont calculé qu’entre la recapitalisation des banques, les liquidités qui leur ont été avancées, les rachats d’actifs et les garanties apportées à leurs émissions, les Etats-Unis ont mobilisé 79% de leur PIB : à titre de comparaison, la France n’a eu besoin que de s’engager à hauteur de 19% mais l’Irlande est à… 263%.

Mais ce n’est pas ce genre d’information qui aurait pu déstabiliser les marchés depuis la mi-mars… surtout quand la hausse semble aussi savamment orchestrée. Ecarts maximum mais mise de fond minimum — et des medias qui s’extasient, certains poussant l’impertinence jusqu’à s’interroger sur le caractère artificiel du mouvement, bien convaincus que les spectateurs répondront d’eux-mêmes par la négative.

Une telle bonne fortune après tant de malheurs boursiers, ce n’est qu’un retour à un juste l’équilibre… et les marchés sont là pour anticiper le moment où tout ira mieux encore.
 
** Il va falloir faire preuve de patience car Bercy s’est résolu à revoir en forte baisse ses anticipations concernant le PIB de la France en 2009. La récession se situerait entre -2,5% et -3%, loin de l’estimation initiale de -1,5%, si peu crédible lorsque l’Allemagne, notre principal partenaire commercial, pourrait avoir enregistré une contraction de 6% de son PIB au premier trimestre.

La Bourse de Paris, qui cherchait peut-être un prétexte pour consolider, s’est rapidement orientée à la baisse lundi après une ouverture à l’équilibre. Le CAC 40 cèdera jusqu’à 2,8% (soit près de 100 points) avant de se reprendre in extremis à l’approche des 3 218 points (niveau du 31/12/2008).

En clôturant en repli de -1,9% mais au contact des 3 250 points, l’indice préserve également le canal ascendant moyen terme inauguré le 9 mars dernier.

A Wall Street, le repli du Dow Jones a été strictement équivalent à celui du CAC 40… Et ce n’est pas la première fois que les places européennes servent d’indicateurs avancés aux marchés américains depuis le début de la reprise. C’est comme si les marchés plutôt étroits du Vieux Continent servaient de terrain d’entraînement avant la finale qui a lieu en début de soirée outre-Atlantique — une répétition presque grandeur nature, histoire d’être bien sur que le scénario préétabli n’éveillera aucun soupçon.

Le résultat, qui ne semble surprendre personne, c’est qu’à Wall Street, il n’y a plus jamais de surprise.

Philippe Béchade,
Paris

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