La Chronique Agora

LE DEFAUT AMERICAIN DU 17 OCTOBRE 2013, C’EST SERIEUX ?

LE DEFAUT AMERICAIN DU

17 OCTOBRE 2013, C’EST SERIEUX ?

 

QUELLES CONSEQUENCES POUR VOUS

ET LE RESTE DU MONDE

 

Encore un instant, Monsieur le Bourreau…
La comtesse du Barry avant de passer à la guillotine

 

« Vous ne voulez pas savoir », a répondu M. Dimon, le patron de la première banque américaine, J.P. Morgan, à la question de savoir quel serait l’impact d’un éventuel défaut de paiement. « Les conséquences pour le monde d’un défaut de paiement américain seraient tellement graves qu’il ne vaut mieux pas y penser », a-t-il estimé samedi, relate les Echos.

Bigre. Cela fait froid dans le dos. On vous parle du shutdown, du plafond de la dette américaine qui pourrait vous tomber sur la tête mais que risquez-vous véritablement dans cette affaire ? Est-ce véritablement une nouvelle crise de 2008 qui nous pend au nez ?

Certains commentateurs ou professionnels de la finance craignent que ce soit pire que la chute de Lehman Brothers. Pour eux, certainement… mais pour vous ?

 

Ce qu’est exactement un défaut

Le mot défaut nous vient du vieux français « défaute » et signifie « manque ». Un défaut est un manquement et, dans le cadre d’un Etat, un manquement à ses obligations financières.

Voyez-vous, un Etat jouit d’immenses privilèges :

Tous ces privilèges font des emprunts d’Etat des valeurs sûres, en théorie. Ce sont les livrets A des banquiers centraux qui possèdent des réserves de change, et des fonds de pension qui gèrent les retraites par capitalisation.

Il ne vous a pas échappé que le stock de dettes grossissait dans tous les pays développés. En fait, ces pays ne remboursent jamais le principal. Ils se contentent de « rouler » leurs dettes, c’est-à-dire qu’ils empruntent à nouveau pour rembourser le principal lorsqu’une de leur dette arrive à échéance. La Chine, par exemple, possédait à fin juillet 2013 pour 1 277,3 Mds$ d’obligations américaines selon les propres chiffres du Trésor américain. Ces obligations – qui arrivent à échéances à des dates très diverses – lui rapportent 36 Mds$ par an d’intérêt soit 2,82%. L’économie chinoise pèse 8 230 Mds$.

Un Etat fait défaut lorsqu’il ne peut acquitter soit les intérêts, soit le principal, d’une dette qu’il a contractée. Un Etat ne fait pas défaut lorsqu’il ne paie pas une dette qu’il doit à ses citoyens. C’est une taxe, un prélèvement autoritaire, du vol… ce que vous voulez, mais pas un défaut.

 

Ce qu’est le plafond de la dette

Les Etats-Unis n’ont pas de « règle d’or », de loi interdisant le déficit budgétaire. Mais ils ont un « plafond » sur la dette qui est le cumul de déficits. La dette publique ne doit pas dépasser un certain montant, voté par le Congrès US. Ce plafond a été fixé par le Congrès lors de la Première Guerre mondiale en 1917 car il apparaissait que les dépenses pourraient devenir incontrôlables. Il est légalement fixé à 16 400 Mds$ par le Budget Control Act de 2011. Par comparaison, le PIB des Etats-Unis, la somme des dépenses du pays, est de 15 685 Mds$.

Depuis 1962, le plafond a été relevé 74 fois mais depuis des artifices ont été trouvés… Le plafond légal a déjà été atteint le 4 février 2013,

Aujourd’hui, la dette des Etats-Unis ne doit pas dépasser 16 700 Mds$… pour le moment. L’Etat américain dépense 60 Mds$ par jour. Il restera dans les caisses au 17 octobre 2013 seulement 30 Mds$.

 

Et le shutdown, qu’est-ce exactement ?

Le shutdown, la fermeture de certaines administrations, permet aux Etats-Unis de faire des économies rapidement. Certains fonctionnaires se retrouvent au chômage technique et les traitements ne sont pas payés. Par exemple, en France, l’accès aux cimetières américains, surveillés par des fonctionnaires américains, a été fermé. A New York, la Statue de la Liberté ne se visite plus.

Pourquoi la plus grande puissance économique mondiale dépense-t-elle toujours plus que ce qu’elle a ?

Les Etats-Unis importent beaucoup plus qu’ils n’exportent depuis des décennies, essentiellement depuis que la raréfaction de leur pétrole les oblige à en importer.

Vous voyez sur ce graphique que la balance commerciale des Etats-Unis commence à déraper au moment des chocs pétroliers des années 1970 à 1980.

Le dérapage budgétaire et les déficits commerciaux vont de pair. A partir de 1980, l’économie mondiale prend l’allure d’un marché de dupes :

Le reste du monde accepte cet état de fait. . Au rythme moyen de 100 Mds$ par an durant 30 ans, les Etats-Unis ont exporté pour 3 000 Mds$ de dettes.

Mais il y a un problème : la dette augmente et les ressources (la croissance de l’activité économique rentable) diminuent.

Imaginez que vous ayez un gros client à qui vous vendez depuis des années à crédit. Vous apprenez par une indiscrétion de votre banquier que ce gros client a un passif qui n’arrête pas de gonfler, que son résultat est chroniquement dans le rouge et qu’il emprunte pour vous rembourser… Vous êtes un peu anxieux non ? Votre problème est que c’est un gros client, que vous ne pouvez pas trop vous permettre de lui dire « ça suffit » (il fait 75% de votre chiffre d’affaires) et que si, par malheur, il n’honorait pas ses vieilles créances vous seriez vous-même dans une situation très délicate.

Tant que les pays exportateurs veulent vendre leurs produits aux Etats-Unis, ils sont bien obligés d’accepter la dette américaine et l’économie mondiale continue à tourner, cahin-caha. Mais il faut absolument que les banquiers centraux continuent à croire qu’ils s’enrichissent en entassant des bons du Trésor. C’est vital pour les Américains.

 Les pays émergents essaient désormais de développer leur consommation intérieure pour moins dépendre de leurs exportations, et de nouer des contrats directement entre eux sans passer par la case dollar, à l’image des contrats Chine – Brésil. Leurs banquiers centraux sont également acheteurs d’or depuis 2000 pour « diversifier leurs réserves de change« .

 

Que retenir à ce stade

Les Etats-Unis exportent de la dette qu’ils ont de plus en plus de mal à rembourser et importent des biens qu’ils consomment.

Un signe d’insolvabilité est une dette qui grossit, tandis que parallèlement, la richesse produite diminue.

Les pays créditeurs (les pays émergents) essaient de trouver des moyens de commercer directement entre eux. Leurs banquiers centraux achètent de l’or depuis 2000. La réserve d’or de la Chine est désormais d’une taille comparable à celle déclarée par les Etats-Unis.

 

Les Etats-Unis ont déjà fait défaut le 15 août 1971

Avant le 15 août 1971, tout détenteur étranger de dollars pouvait présenter ses billets à la Fed américaine pour les échanger contre de l’or. Le dollar était réputé « as good as gold », aussi bon que de l’or. Son statut de monnaie d’échange internationale était alors justifié car les Etats-Unis étaient à la fois le plus gros exportateur et le plus gros importateur mondial. Leur balance commerciale était équilibrée, comme vous l’avez vu.

Avec les premiers chocs pétroliers, les premiers déséquilibres commerciaux apparaissent (cette minuscule ondulation de la courbe précédente, qui à l’époque paraissait monstrueuse). Certains détenteurs de dollars ont alors commencé à se dire qu’il valait peut-être revenir à la « monnaie marchandise » et se sont présentés au guichet de la Fed pour demander l’échange dollar contre or. Le 15 août 1971, la Fed a fermé arbitrairement et unilatéralement le guichet de change, à jamais. Cette date marque la fin des accords de Bretton Woods, la fin de la convertibilité du dollar en or, et le début de la dévaluation du billet vert. Ce fut le premier défaut des Etats-Unis puisque l’engagement de change n’était plus respecté.

Le monde allait désormais vivre sous le régime de la « monnaie dette » et non plus de la « monnaie marchandise » ; les Etats-Unis obtiennent le quasi monopole de la « monnaie dette », l’immense privilège de pouvoir payer avec des dettes contractées dans leur propre monnaie. L’or prend acte de cette dérive et augmente rapidement de 1970 à 1980.

 

En 1979, les Etats-Unis ont connu un défaut sélectif et technique sur 120 M$ (oui, il s’agissait bien de millions à l’époque) de Treasury bills, qui est de la dette à court terme. C’était – déjà à l’époque – dû à un retard de la part du Congrès dans le relèvement du plafond.

Que retenir à ce stade

Les Etats-Unis ont déjà fait défaut par le passé en 1971 et en 1979.

La confiance dans la « monnaie dette » qu’est le dollar est malgré tout restée intacte, même si la « monnaie marchandise » qu’est l’or donne parfois des signes d’agitation.

 

Un défaut américain est-il possible ?

Bien sûr, rien n’est impossible mais un défaut est cependant très improbable à ce stade de la crise. Ce serait un parfait « Cygne Noir » : un événement très rare mais dont les conséquences pourraient être terribles. J’ai du mal à y croire totalement – même si je mets en place toutes les stratégies pour se protéger au cas où – pour les raisons suivantes :

On n’a jamais vu un pays émettant de la dette dans une monnaie qu’il peut créer à volonté faire défaut. Ce serait simplement idiot ! D’ailleurs l’épisode de 1979 était dû à une erreur de transcription des consignes du Congrès. Ce qui ne veut pas dire cependant que ce pays ne peut pas faire faillite. Nous y reviendrons.

Supposez que vous signiez des reconnaissances de dette en goublos mais que vous puissiez imprimer vos goublos : vous arriverez toujours à rembourser les goublos que vous devez. En revanche ce qu’il vous faut, c’est trouver des gens qui acceptent de vous donner des choses en échange de vos reconnaissances de dette en goublos. Mais si vous êtes très bien armé, cela n’est pas vraiment un problème.

Que se passerait-il si le plafond de la dette n’était cependant pas relevé le
17 octobre prochain ?

Si malgré tout, le plafond de la dette résiste, les Etats-Unis feront probablement tout pour éviter le défaut. Ce qui veut dire qu’ils tenteraient de flouer d’abord leurs propres citoyens – je vous rappelle qu’un défaut est un manquement à ses obligations étrangères et pas à ses citoyens. Ils leur suffiraient par exemple d’imprimer des dollars et de faire savoir qu’à partir de maintenant les traitements, pensions, allocations sont versés en cash. Pour continuer à faire croire que ces dollars ont une valeur, les convois seraient des camions de la Brinks.

Ceci est caricatural (quoique…). Nous allons probablement avoir droit à un habillage plus subtil. Nous avons eu ZIRP, TALF, TARP, TWIST, QE1, QE2, QE3, QE¥… Nous aurons peut-être un DCCR (Debt Ceiling Controlled Raise, mais je viens de l’inventer), une terminologie technocratique qui permettra à Janet Yellen d’être encensée comme la sauveuse de l’économie mondiale. De doctes économistes vous expliqueront que tout ceci est LA bonne solution, la seule pour éviter le pire.

Mais ne vous leurrez pas : ces termes cacheront un défaut, purement et simplement. Seulement, le défaut des Etats-Unis ne ressemblera pas au défaut de l’Argentine, de la Grèce ou de Goublosland. Car ce sont les Etats-Unis, pardi, et qu’ils ont plus d’un tour dans leur sac pour faire bonne figure.

M. Le Marché croit-il au défaut ?

La Finance Sans Visage croit un peu au défaut, mais pas vraiment, enfin si un peu quand même.

Un peu parce que :

malgré tout, le rendement du bon du Trésor US à 1 mois s’est envolé. Cela veut dire que les institutionnels vendent la dette américaine à 1 mois (sur le marché obligataire lorsque les rendements montent les obligations baissent) : ils n’en veulent plus. Les banques britanniques ont pris leurs précautions contre un défaut américain et le volume des CDS sur les Etats-Unis (les CDS sont des assurances crédit) s’envolait le jeudi 10 octobre, le marché de Hong-Kong prenait aussi ses précautions, révélait le Financial Times.

Le FMI a élaboré trois scénarios de crise pour le pire, le chaos budgétaire américain. Mais le FMI a un record de prévisions foireuses…

Les marchés actions jouent au yoyo au gré des petites phrases et sont ultra-nerveux.

Mais pas vraiment car la Finance Sans Visage ne vend pas le bon du Trésor US à 10 ans dont le rendement ne s’est pas envolé.

Or, si la Finance Sans Visage croyait à la Grande Apocalypse Financière, les rendements des bons du Trésor à 10 ans seraient déjà largement au-dessus de 5%. Comme cela s’est passé pour l’Irlande, l’Islande, la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Italie…

Que retenir à ce stade

Le marché croit à un incident mais pas à un défaut majeur

 

Et si malgré tout, le pire se produisait (un incident suivi d’une panique), qu’est-ce que cela implique ?

Ce serait effectivement la GAF (Grande Apocalypse Financière).

 

Ce serait vraiment la fin de partie : échec et mat.

 

Mais c’est vraiment possible ça, la GAF ?

Oui, c’est possible et même très probable. Mais pas dans 3 jours, pas dans quelques semaines, dans plus longtemps. Je vous ai dit que pour l’heure, je pensais que les Etats-Unis trouveront n’importe quel acronyme pour faire bonne figure, proposant encore des petites solutions bidon pour gagner du temps. Et ils en gagneront.

Mais c’est possible parce que n’importe quel enfant de plus de sept ans est capable de comprendre que quand on a moins d’argent, inutile d’en emprunter toujours plus pour faire croire que tout va bien. Une économie qui doit s’enfoncer dans la dette pour survivre est une économie absurde et condamnée.

La prise de conscience de cette évidence n’est cependant pas pour demain ou dans quelques mois. Vous lisez à longueur de journaux des articles d’économistes prétendant que toute réduction de l’endettement public serait une catastrophe pour la croissance. Pour le moment nous sommes simplement dans une fin de partie, le endgame. Il y a de moins en moins de pièces sur l’échiquier, mais le mat est loin.

L’échec et mat se produira lorsque les pays émergents – Chine en tête – le décideront. Ce sont eux qui ont la main puisque ce sont eux qui détiennent le plus de créances (pourries) américaines. Le jour où ces pays décideront de ne plus acheter la dette des pays occidentaux et de ne plus leur financer un train de vie qu’ils ne peuvent plus assumer, ce jour-là ce sera la GAF.

Le niveau d’endettement des pays occidentaux est celui de la Seconde Guerre mondiale, sauf qu’il n’y a pas de guerre.

C’est vrai pour les Etats-Unis , mais c’est aussi vrai pour nous en Europe et encore plus en France.

 « Si l’Europe représente aujourd’hui à peine plus de 7% de la population mondiale, environ 25% du Produit intérieur brut (PIB) mondial et doit financer 50% des dépenses sociales au monde, alors il est évident qu’elle devra travailler très dur pour maintenir sa prospérité et son mode de vie« 
Angela Merkel

Ou bien les Occidentaux acceptent l’austérité, c’est-à-dire se serrer la ceinture pour commencer à rembourser (saigner les épargnants, baisser les salaires et limiter les domaines d’intervention de l’Etat providence) ou bien les pays émergents serrent le robinet.

 

Comment nous prémunir ou même – soyons carrément ignoble – en profiter

Vous devez vous préparer au pire et espérer le meilleur.

Vous préparer au pire :

Débancarisez votre épargne. Fractionnez vos dépôts. Mettez-en hors du circuit bancaire (compte Paypal, Veracarte).

Détenez vos actions en direct (régime dit du nominatif).

Détenez de l’or physique en dehors du circuit bancaire ; l’or est la seule monnaie qui ne soit la dette de personne.

Ayez une petite réserve d’espèces vous permettant de faire face à vos dépenses courantes durant un mois.

Faites aujourd’hui les travaux d’entretien de vos biens immobiliers et fonciers.

Tout cela, je l’explique en détail dans ma lettre, La Stratégie de Simone Wapler, au fil des jours. J’ai rédigé par exemple un dossier sur le risque de saisie de votre épargne en cas de défaut de l’Etat.

Par ailleurs, le dernier numéro de ma Stratégie porte justement sur la manière dont vous devriez conserver votre argent hors du système bancaire. Vous y trouverez également des explications détaillées sur la manière dont vous devriez conserver de l’or PHYSIQUE en dehors du système bancaire.

Des solutions existent – et ce ne sont pas des montages difficiles ou douteux, au contraire. Ce sont des mesures concrètes, que vous pouvez mettre en place dès aujourd’hui. Il est plus que temps au moins d’en avoir connaissance et d’y réfléchir. Ce n’est pas au pied du mur que l’on peut prendre les bonnes décisions… car à ce moment, il n’en reste aucune !

 

Espérer le meilleur

Même dans les pires crises, des entreprises sont nées et ont prospéré. Ainsi en 1929 : Campbell, International Business Machine (IBM), Disney…

Ayez en tête qu’à la fin de cette crise, ceux qui auront encore des liquidités pourront rebondir et les bonnes affaires fourmilleront.

Maintenant, ceux qui veulent spéculer sur la GAF doivent être très avertis. Il existe quelques instruments vous permettant de parier sur la baisse de l’obligataire, vous pouvez aussi prendre des options. Mais en cas d’effondrement brutal, il n’est pas garanti que l’établissement payeur survive à la GAF…

 

Que retenir

L’économie de la croissance par la dette est moribonde.
La « monnaie dette » va retourner à sa valeur intrinsèque qui est zéro.

La bonne nouvelle : il vous reste probablement plusieurs mois pour vous préparer.

La mauvaise nouvelle : la prochaine crise dépassera probablement en intensité tout ce que le monde a jusqu’à présent connu.

La fin d’un monde – celui de la prospérité par la dette – n’est pas la fin du monde.

Ceux qui savent s’adapter, qui mettent en place des stratégies pour se protéger mais aussi d’améliorer face aux imprévus, s’en sortent. Si vous supportez le changement c’est que vous êtes vivant !

Stratégiquement vôtre


Simone Wapler

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