La Chronique Agora

Le Deep State a dompté Donald Trump

Les règles qui gouvernent les interactions humaines évoluent. L’instinct, en revanche, ne disparaît jamais. Il nous pousse à choisir un camp.

Donald Trump sur l’état de l’Union mardi soir.

Ce que nous trouvions rafraîchissant, chez DJT, c’était qu’il était prêt à dire des choses que les autres n’osaient pas — souvent idiotes mais vraies à l’occasion.

Il a dit que les marchés boursiers, par exemple, traversaient « une grosse bulle bien moche ».

Il a dit que la politique étrangère américaine était « un désastre ».

Il a dit qu’il fallait « assainir le Marigot ».

Tout cela est vrai.

Mais mardi soir, ce n’était que du blabla.

Depuis qu’il est entré à la Maison Blanche, M. Trump a été partiellement — pas entièrement — dompté par le Deep State.

Il ne voit plus le mal dans les cours boursiers en ébullition. Il n’entend plus le mal dans les mésaventures du Pentagone à l’étranger. Et il ne s’exprime plus contre le mal qui vient du « Marigot » dont il est censé être désormais le maître… et qui est devenu environ 500 Mds$ plus profond au cours des deux dernières années.

Son discours était si alambiqué, si grand public, que même Barack Obama aurait pu le prononcer.

Le marché se moque des aides ou entraves du gouvernement

Quant à l’économie actuelle, il était à côté de la plaque. Notant que les créations d’emploi duraient depuis 100 mois, il a déclaré que « la seule chose qui puisse empêcher cela sont la politique, les guerres idiotes et les enquêtes ridiculement partisanes ».

Il se trompe, c’est certain.

Les phases d’expansion engendrent toujours des créations d’emploi. L’expansion actuelle en a créé moins que d’habitude. Puis, à un moment ou à un autre, les emplois cessent de naître… et l’expansion s’arrête.

Pas besoin d’aide ou d’entraves de la part des autorités. Elles peuvent retarder et fausser les forces du marché, elles ne peuvent pas les arrêter.

Dans le cas présent, les autorités ont simplement ajouté plus de mauvaises dettes et de cours boursiers surchauffés, ayant bien besoin de corriger. Lorsque ce sera le cas… la correction sera plus profonde et plus longue que d’ordinaire.

Un pays socialiste dont l’Etat contrôle la moitié de l’économie

Trump a également annoncé que « les Etats-Unis ne seront jamais un pays socialiste ». Là encore, ce ne sont que sottises vaniteuses. Le pays est déjà lourdement étatisé, la moitié de sa production étant directement ou indirectement contrôlée par les autorités.

Ceci étant dit, on ne s’attend pas à des informations honnêtes dans un tel discours. Le but n’est pas d’éclairer mais d’obscurcir… et d’unifier.

Comme d’antiques exhortations prononcées autour du feu tribal… ou d’élégante tirades prononcées devant le Sénat romain… il faisait échos aux gloires de générations passées — il y avait même l’astronaute Buzz Aldrin dans la galerie ! — et appelait l’assemblée à mettre de côté les bisbilles partisanes, à se prendre la main et à marcher vers l’avenir… ensemble.

L’un de ces discours les plus mémorables — et les plus instructifs — est celui de l’oraison funèbre prononcée par Périclès durant la guerre du Péloponnèse. Le grand dirigeant grec rappelait les sacrifices faits par des générations d’Athéniens… et encourageaient ceux qui respiraient encore à en faire plus.

Le seul combat qui mérite d’être mené…

La plupart de ces discours du soir sont oubliés avant que le soleil ne se lève. Certains, cependant, mènent à l’action.

Dans le cas de Périclès, la guerre qu’il soutenait se termina par une défaite totale pour Athènes, bon nombre de jeunes hommes tués et le reste de la population réduit en esclavage.

Aujourd’hui, la dernière chose dont les Etats-Unis ont besoin, c’est ce dont M. Trump affirme justement qu’ils ont le plus besoin : que les deux partis oublient leurs différences et fassent cause commune.

Impasses, shutdowns et enquêtes — cet équilibre de la stupidité est la seule chose qui nous protège de nouvelles calamités.

Nous prédisons que cette heureuse désunion ne durera pas. Parce que… dans le « eux contre nous » qui compte vraiment, tant les républicains que les démocrates sont du même côté.

Un logiciel hérité qui pousse aux rassemblements par camps

Nous y reviendrons. D’ici là, retournons à notre thème de la semaine.

Nous avons vu que nous avons hérité à la fois du hardware et du logiciel de nos ancêtres. Le hardware, c’est notre cerveau. Le logiciel nous dit quoi faire avec.

L’une des parts les plus anciennes et les plus profondément gravées de notre logiciel, c’est l’instinct de rassemblement. C’est « eux contre nous ». Démocrates ou républicains… blancs ou noirs… Mexicains ou Américains… protestants ou catholiques…

… Ce « nous » change avec les modes. Les règles qui gouvernent les interactions humaines évoluent elles aussi. L’instinct, en revanche, ne disparaît jamais.

C’est pour cette raison que nous nous enflammons pour telle ou telle équipe durant la Coupe du monde… ou que nous nous soucions que ce soit l’armée américaine ou l’EI qui gagne une escarmouche en Syrie.

Cela ne signifie rien pour nous matériellement… ou d’une manière pratique et identifiable. Néanmoins, cela nous importe.

Nous choisissons donc notre camp… notre parti… notre drapeau… notre équipe. Nous sommes bons ; l’autre côté est mauvais.

L’une des choses les plus irritantes, avec nos chroniques, c’est que nous ne sommes ni de droite ni de gauche. Nous irritons les deux côtés.

Mais qui a le monopole de la vérité ou de la beauté ? Les républicains ? Les démocrates ? Qu’en est-il de la grâce, de la dignité ou de l’intelligence ? Chacun des partis en a-t-il la moindre trace, aussi infime soit-elle ?

Notre instinct nous dicte de choisir un camp. Mais lequel ? Comme Groucho Marx, nous nous méfions profondément d’un club qui nous accepterait comme membre. Et nous nous méfions encore plus des autres.

Nous en reparlerons demain.

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