La Chronique Agora

Une décennie de destruction du dollar

Moviepass

Certaines entreprises zombies ne le sont que depuis la dernière crise, mais d’autres accumulent les pertes depuis bien longtemps. En voici une qui a fêtée cette année ses dix ans, sans pour autant aller mieux qu’à ses débuts.

La société MoviePass a fait les gros titres, la semaine dernière, car elle a été rachetée pour être sauvée de la faillite.

L’idée qui en est à l’origine est remarquablement stupide. Il s’agit d’un service par abonnement créé en 2011. Vous vous inscriviez… versiez 10 $ par mois et vous pouviez aller voir autant de films que vous le souhaitiez… dans des salles de cinémas.

Bien avant que le Covid-19 ne frappe, il s’est avéré que c’était la mauvaise idée au mauvais moment. La société n’avait aucun accord avec les salles de cinéma : elle achetait simplement des tickets et perdait de l’argent à chaque fois qu’un client en demandait un.

Cela l’a conduite à une stratégie de réduction des coûts radicale : elle a désactivé son site internet de sorte que les clients ne pouvaient plus commander de tickets de cinéma !

Qu’est-ce que vous en dites ? Voilà une excellente idée d’entreprise destructrice de valeur. Et quand elle connait un tel succès qu’elle ne peut plus suivre le rythme de ses pertes, elle floue tout simplement ses clients.

Cette technique a mené l’entreprise au tribunal des faillites d’où elle vient de ressortir sous la direction de l’un de ses cofondateurs : Stacy Spikes.

Il dit qu’il a une nouvelle idée.

Mais au moins, l’ancienne idée était cohérente avec les réalités du marché. C’est-à-dire absurde.

Venez faire la fête !

Quand l’argent s’en va, tout s’en va. Et le premier à partir, c’est le cerveau.

La Réserve fédérale maintient son taux directeur en dessous du taux d’inflation depuis près de 11 ans. Alors les emprunteurs peuvent réellement avoir de l’argent pour rien. Et forcément, cela leur a ramolli le cerveau.

Dans un monde normal, vous investissez dans des entreprises qui produisent des biens et services en réalisant un profit. Ce profit représente la valeur supplémentaire que génère l’entreprise… et qu’elle partage avec ses propriétaires, lesquels s’en servent pour rembourser les dettes. C’est ainsi que la société prospère et progresse.

Mais, dans un monde où l’argent est falsifié, pourquoi se donner cette peine ? Il est plus facile d’emprunter… et de faire la fête. En rachetant vos propres actions pour en faire augmenter le cours. Ou en achetant vos propres produits pour augmenter vos profits.

Ou en achetant la cryptomonnaie Shiba Inu… ou un NFT.

Vous n’allez peut-être pas réaliser un profit réel. Mais qui s’en soucie ? C’est le « demolition derby » appliqué au capital.

Vous avez bousillé votre vieille guimbarde ? Pas de problème. Avec des taux négatifs, vous pouvez en acheter une neuve.

Cela dit, n’ayez pas peur que les taux grimpent.

CNBC est là pour nous rassurer :

« Les taux d’intérêt pourraient ‘éternellement’ demeurer à leurs plus bas record, selon un gérant d’actifs, bien qu’un grand nombre des banques centrales du monde s’empressent de normaliser leurs politiques, dernièrement.

La semaine dernière, Julian Howard, de GAM Investments, a déclaré à Squawk Box Europe sur CNBC que, selon lui, ‘il était totalement cohérent, historiquement, de parler de taux éternellement bas’. »

Un capital dilapidé

Quelle rigolade : de la tôle froissée, des collisions, des esquives, des « trick trucks », et des pilotes clownesques…

Des taux grotesquement bas, des cours grotesquement élevés, des « MEW » [NDLR : Mortgage Equity Withdrawal, terme utilisé quand les particuliers empruntent de l’argent sur la valeur réelle de leur maison, aux Etats-Unis], des NFT, Rivian, l’Effet Elon, les cryptomonnaies canines, et tout le reste !

Dommage que cela nous appauvrisse.

Ce n’est pas parce que son climat est excellent que la Suisse est plus riche qu’Haïti. C’est parce que sa population a accumulé du capital au fil des générations : de l’épargne, des compétences, des infrastructures, des usines, des machines… Et, chose cruciale : des habitudes.

Les Etats-Unis ont connu eux aussi l’expansion sous le règne de l’argent honnête et de gouvernements dont le champ était limité. De nombreuses années d’argent falsifié, de faux taux d’intérêt et de construction d’empire ont depuis lors fait des ravages.

L’esprit américain a été réduit en bouillie. Les secteurs manufacturiers sont partis : ce sont les Asiatiques et les Mexicains qui se forment aux compétences cruciales.

La coutume consistant à épargner de l’argent a elle aussi été exterminée par plus d’une décennie de taux d’intérêt artificiellement bas (le taux directeur de la Réserve fédérale a été inférieur à zéro, la plupart du temps, depuis 2009).

A présent, les Etats-Unis dilapident leurs précieux capitaux en projets inutiles et ruineux, dans des entreprises zombies, des œuvres d’art et monnaies de pacotille, et des idées stupides.

En tête de la course

Et Amazon (AMZN), que nous qualifions de « rivière sans retour » depuis une vingtaine d’années, est probablement en tête de ce demolition derby du capital.

Amazon a eu une chance éblouissante, ces 18 derniers mois. Elle vend des trucs sur internet… et les livre chez vous (parfois par drone : quelle rigolade !).

Que pouvait-elle espérer de mieux qu’une bonne pandémie mondiale qui bloque tout le monde chez lui avec de l’argent de l’Etat à dépenser ?

Et bien sûr, son chiffre d’affaires s’est envolé.

Quoi ? Les ventes ont triplé sur les cinq dernières années. Et Amazon, avec tous ses capitaux sous la main, a dépensé près de 57 Mds$ en nouveaux investissements sur les 12 derniers mois. Mais sa trésorerie d’exploitation ne s’est élevée qu’à 54,7 Mds$.

Amazon nous montre donc comment cela fonctionne : levez des fonds, dépensez l’argent, perdez-le, et votre action grimpe.

Le cours d’AMZN a grimpé de 1 900 $ en début de pandémie à 3 750 $ à son dernier sommet, le vendredi 19 novembre.

Et le derby continue…

BOUM ! BAM ! BANG !

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile