La Chronique Agora

Une décennie de chaos

Chine, Mao, Empire romain, élite

Deux exemples historiques permettent d’anticiper l’avenir des politiques envisagées ou menées par les gouvernements occidentaux actuels.

A la fin des années 1950, sous l’impulsion du grand décideur Mao Zedong et du parti communiste, la Chine a élaboré ce qui deviendrait l’une des décennies les plus sombres de l’histoire de l’humanité. Cette politique reposait sur des mensonges et a engendré un désastre financier et social. Un véritable chaos.

Il s’agissait d’une croisade ambitieuse. Toute la société (le gouvernement, les politiques, l’économie, le monde de la finance et l’industrie) s’est rassemblée comme une armée pour transformer la Chine en puissance industrielle moderne.

A cette époque, la Chine était une société agraire. La plupart des gens travaillaient encore la terre et suivaient un mode de vie traditionnel. Ce n’était pas l’économie la plus avancée au monde. Mais elle parvenait à pourvoir aux besoins de 600 millions de personnes.

Avec le nouveau plan de Mao, les agriculteurs furent obligés de travailler dans des fermes collectives. Les parcelles privées furent déclarées illégales. Les gens qui essayaient de conserver leurs propres jardins étaient considérés comme des « contre-révolutionnaires » et étaient souvent torturés, emprisonnés, simplement tués, ou bien condamnés aux travaux forcés, jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Les coutumes de la campagne furent également interdites. Le gouvernement prétendait que les « vieilles choses » freinaient l’essor de la Chine. Les mariages, les funérailles, les foires – tous les rituels traditionnels de la société rurale –, furent proscrits. Ils furent remplacés par des réunions de propagande et des « sessions de lutte » au cours desquelles ceux qui exprimaient leur désaccord étaient battus, contraints d’admettre leurs « crimes »… et, souvent, exécutés.

Plus le mensonge est gros, plus il faut le protéger de la vérité.

Un grand bond en arrière

Dès le début, Mao a joué un coup fourré à ses ennemis. Il les a invités à formuler des critiques. Cela lui a permis d’identifier ses adversaires, les intellectuels conservateurs et les « éléments bourgeois ». Ce sont eux qui furent pris pour cible par la suite. Les intellectuels furent envoyés à la campagne, où ils furent forcés de travailler et réduits à la famine. Ceux qui résistaient furent torturés, jugés et tués.

Les détracteurs du régime apprirent à se taire. Même au plus fort de cette folie, alors même que des millions de personnes mouraient et qu’il était évident que la croisade de modernisation était un échec retentissant, les critiques et débats étaient presque inexistants.

Pour quel résultat ? Le plus grand chaos de l’histoire : des erreurs combinées à des mensonges et l’arrogance d’un pouvoir sans limite.

Le monde change. Pas les gens.

Ils dépendent de l’argent honnête. Lorsqu’il vient à manquer, tout s’effondre.

Peu de gens savent que le Grand Bond en avant a eu lieu après que la Chine a été complètement détruite par l’inflation. Entre 1941 et 1949, l’indice des matières premières de la Bourse de Shanghai est passé de 16 à 150 000 000 000 000.  C’est ce qui a permis à Mao et au parti communiste d’accéder au pouvoir.

Ce n’était pas le premier dictateur à accéder au pouvoir à cause d’une vague d’inflation. C’est la vague d’inflation qui a touché l’Allemagne au début des années 1920 qui a permis à Hitler d’accéder au pouvoir.

Lorsque les gens ne peuvent pas avoir confiance en leur argent, ils apprennent à se méfier du gouvernement ou de leurs voisins. Lorsque cela se produit, comment faire pour maintenir l’équilibre de la société ?  L’exercice brutal du pouvoir.

Par exemple, dans la Rome antique, durant la période que les historiens appellent la « crise du troisième siècle », le denier d’argent, la monnaie fondatrice de l’économie romaine, a été progressivement vidé de sa teneur en argent, jusqu’à ne contenir plus que 1% d’argent. Cette forme d’inflation a réduit la valeur du denier de 99,9%.

Cela déstabilisa tellement la société romaine que seule l’armée parvint à maintenir l’ordre. Entre 235 et 285, Rome a connu 21 empereurs, presque tous issus de l’armée. Parmi eux, Carus est mort foudroyé alors qu’il se reposait après une victoire, tandis que Claude le Gothique est mort de maladie. Tous les autres ont été assassinés, souvent par leurs propres troupes.

Un pivot pour rien

De retour au présent, risquons quelques prédictions…

  1. Sous la pression, la Fed va « pivoter ».  Cela pourrait arriver dans les prochaines semaines.
  2. L’inflation va accélérer. Les prix augmenteront par à-coups, mais ils augmenteront.
  3. S’ensuivra une décennie de chaos, marquée par un effondrement du pouvoir d’achat et de nombreuses crises imprévisibles.

Oui, les élites américaines ont commencé leur propre version du Grand Bond en avant, un bond vers ce qu’elles considèrent être un meilleur avenir. Et, sauf si vous prenez vos précautions, ce futur ne vous plaira pas.

Malheureusement, dans les affaires publiques, la « mauvaise » conclusion est souvent la bonne. Si personne ne contrôle la mainmise des élites fortunées américaines sur Washington et Wall Street, les dix prochaines années seront un véritable chaos pour les États-Unis d’Amérique, un cocktail destructeur d’inflation, de politiques restrictives, de désordre social et de pertes financières considérables.

Dans le meilleur des cas.  Comme le montre l’exemple de la Chine, les conséquences pourraient être bien plus graves.

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