La Chronique Agora

De l'analyse macro-économique comme parallèle à la théologie…

** Même si la plupart des acteurs des médias financiers bêlent que "l’économie se reprend", l’économie semble quant à elle ne pas entendre ce choeur ovin. Apparemment, l’économie ne se rend pas compte qu’une reprise est en cours.

– Quand votre correspondant examine le déploiement de données et de preuves anecdotiques qui dansent devant ses yeux, il n’y voit pas la fin du monde, mais il n’y voit pas non plus la fin de la récession. Votre chroniqueur californien voit clairement que la bourse a grimpé de 50% par rapport à son plus bas du 9 mars, mais il ne voit pas l’apparition de la reprise que semblent voir tant d’investisseurs.

** De l’aveu de tous, l’analyse macro-économique, comme la théologie, est un exercice subjectif. Mais comme la théologie, l’analyse macro-économique n’est pas SEULEMENT un exercice subjectif. Il existe des faits qui se rapportent à cette analyse, même si nous ne les comprenons pas complètement… voire pas du tout. Ainsi, l’analyse macro-économique, comme la théologie, nécessite l’association du raisonnement déductif et de la foi.

– Plus le déficit de raisonnement empirique est important, plus il est nécessaire d’avoir la foi. Mais ce n’est pas un problème — la foi peut l’emporter sur la raison. C’est du moins ce qu’espèrent les haussiers de la bourse.

– Votre chroniqueur ne remet pas en question la foi qui pousse un investisseur à acheter dans une bourse en pleine ébullition alors que l’économie n’en est encore qu’à se calmer. Mais il questionne sa foi. Et il craint que l’optimisme envahissant des investisseurs ne soit mal avisé.

– Comme l’explique Nassim Taleb, auteur du Cygne Noir, dans une interview passionnante accordée à CNBC : "[Je suis] seulement une personne qui voit les risques et met en garde contre ces risques. Ce n’est pas forcément du pessimisme".

– Les données et les anecdotes qui apparaissent dans les médias jour après jour semblent contenir plus de preuves d’une récession que d’une reprise. Aux Etats-Unis, l’emploi continue à baisser, par exemple, comme toutes les composantes importantes du pouvoir d’achat des ménages, les revenus et le crédit. Ces tendances perturbantes ne poseraient certainement pas problème si les dépenses des consommateurs ne représentaient pas 70% du PIB des Etats-Unis. Mais comme c’est le cas… c’est un problème.

– Les restaurants et les vendeurs au détail continuent à ressentir les effets de l’austérité nationale. Les consommateurs réduisent leurs dépenses, à commencer par les repas à l’extérieur.

– Les consommateurs réduisent également leurs dépenses en achetant moins de ces magazines en papier glacé qui expliquent comment dépenser l’argent que personne n’a. Le New York Observer remarque que les membres du personnel de Condé Nast, l’éditeur de Vanity Fair et Glamour, "emmènent leurs clients manger des sandwichs plutôt que des sushis ; et que les bouteilles d’eau premier prix ont remplace les bouteilles d’Evian, Orangina et Red Bull dans les frigos des bureaux"…

– L’austérité est la nouvelle tendance. Les magazines de Condé Nast font l’apologie d’un mode de vie haut de gamme, mais la direction de ces maisons d’édition force les employés à passer à un mode de vie beaucoup plus bas de gamme.

– "Quand j’ai commencé, on avait un petit réfrigérateur, et il était rempli de boissons de marque", ajoute une des sources de l’Observer. "San Pellegrino, Orangina, Red Bull. Et l’eau n’était pas une eau premier prix, c’était de l’Evian. Je me souviens, quand j’ai commencé à travailler ici, j’ai envoyé un e-mail à toutes mes connaissances en disant : ‘il faut absolument que je vous dise tout ce qu’on a comme boissons !’ Mais en décembre, quelques mois après que Condé Nast a ordonné aux éditeurs et aux chroniqueurs de réduire leurs budgets de 5%, les boissons ont disparu. L’Evian a été remplacée par de l’eau premier prix. Pire encore, au lieu d’être dans un frigo, les bouteilles d’eau ont été stockées dans un placard où il fait chaud".

– Alors là, vraiment, c’est pas sympa.

– Mais voilà : la tendance baissière est la nouvelle norme… et peu importe combien de points les investisseurs ajouteront à l’indice Dow Jones.

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