La Chronique Agora

De Goldman Sachs à JP Morgan, les banques ne vont pas si bien

** Comme nous le savons tous, la dépression est terminée.

* C’est en tout cas ce que semblent penser les marchés. Apparemment, ils ont hâte de grimper. Et vendredi dernier, deux banques de plus — Bank of America et Citigroup — ont annoncé des résultats impressionnants. A elles deux, elles ont gagné 5,4 milliards de dollars au trimestre dernier.

* Ces chiffres suivaient les résultats, plus tôt dans la semaine, de JP Morgan et de Goldman Sachs. Goldman a donné le rythme en annonçant avoir réussi à gagner plus d’un milliard de dollars par mois au deuxième trimestre. La société affirme y être parvenue en aidant ses clients à obtenir de l’argent… refinancer… et restructurer. Des accords, des accords, des accords.

* Goldman a gagné tant d’argent qu’elle a pu mettre de côté plus de 11 milliards de dollars à ce jour cette année en rémunération pour ses dirigeants — soit près de la moitié de ses revenus, selon The Economist. Dans le même temps, les actionnaires ont reçu 4,4 milliards de dollars, à peine le tiers.

* On parle là, au passage, de la société qui a frôlé la mort avec le reste de Wall Street il y a environ six mois. Pour se sauver, elle s’est tournée vers Washington pour obtenir du cash. C’est à ce moment-là qu’à la Chronique Agora, nous avons remarqué l’état consternant du capitalisme américain moderne — les capitalistes n’avaient pas de capital. Qu’était-il arrivé à tout cet argent ? Ils l’avaient versé aux dirigeants et aux ouvriers. Lehman Bros., par exemple, s’est retrouvée à court de fonds en 2008 et a dû être euthanasiée. La société était très profitable durant les années de bulle — mais 55 milliards de dollars ont été versés aux employés durant les 10 années précédentes.

* Lehman aurait dû donner plus d’argent aux politiciens quand la société avait les poches pleines. Les autorités avaient du cash ; après tout, c’est elles qui le fabriquaient. Son compétiteur Goldman n’avait qu’à siffler et le gouvernement américain — dominé par les ex et les futurs pros de Wall Street — obéissait. Les autorités ont versé l’argent en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Et maintenant que Goldman est à nouveau plein aux as, est-ce que la société gère soigneusement ses ressources, remplit ses réserves et ses coffres de sorte à ne plus être un fardeau pour les contribuables si les choses tournent mal ? Noooooon… elle dépense jusqu’au moindre centime, certaine qu’elle pourra s’appuyer sur le gouvernement le mois prochain comme le mois dernier.

* Et voilà. Malgré tous nos gémissements et nos plaintes au sujet des renflouages — ils doivent fonctionner, non ? Les grandes banques gagnent à nouveau de l’argent… beaucoup d’argent. Et ça doit signifier que l’économie est en voie de rétablissement. Elles prêtent… elles spéculent… elles font rouler les dés et… alléluia ! Une paire de six !

* Mais attendez. Ken Lewis, de Bank of America, déclare que "la profitabilité, au second semestre, sera bien plus difficile [à obtenir] que durant le premier semestre".

* Comment se fait-ce ?

* Parce que l’activité principale des banques empire, en fait ! L’activité principale des banques, c’est de prêter de l’argent à des gens qui sont capables de le rembourser — grâce à des revenus. Si l’emprunteur compte sur une hausse des prix des maisons… ou des prix des actions… pour lui permettre de refinancer avec de meilleurs termes, le prêteur risque des ennuis. Les prix pourraient grimper… ou baisser. Et s’ils baissent, le nantissement du prêteur baisse aussi… ainsi que ses espoirs d’être remboursé.

* Les banques ont fait de grosses erreurs durant les années de bulle. A présent, elles en paient le prix. Jusqu’à présent, toutefois, elles n’ont versé que la première mensualité. Les prêts subprime ont commencé à mal tourner il y a deux ans. Puis les gens ont commencé à perdre leurs emplois… et les prêts de toutes sortes se sont retrouvés en difficulté.

* Il n’y a aucun signe que ce processus est terminé. On dirait plutôt qu’il se poursuit en bon ordre… comme on pouvait s’y attendre.

* La Californie a perdu 65 000 emplois supplémentaires en juin. Et en Pennsylvanie, 17 800 personnes vont se retrouver à court d’allocations chômage. Ce groupe est à la pointe d’une nouvelle tendance gigantesque — des gens qui sont non seulement au chômage, mais sans aucune allocation. Selon une estimation, ils seront plus d’un demi-million au Etats-Unis à la fin septembre. Vous pensez qu’ils réduisaient leurs dépenses le mois dernier ? Attendez de voir ce qu’ils feront en octobre. Et voyons ce qui arrivera à leurs dettes… ces prêts "Alt-A", jumbo et prime

* … voyons voir aussi ce qui arrivera aux dettes sur cartes de crédit… et aux prêts commerciaux. On apprend que les propriétés commerciales new-yorkaises frôlent les 23% de taux d’inoccupation… Les acheteurs n’achètent pas… les boutiques et les restaurants ferment leurs portes… le chômage grimpe… on dirait bien que la dépression pourrait n’être pas terminée…

** Une étape importante vient d’être franchie : Henry Allingham, le plus vieil homme du monde, est mort samedi à l’âge de 113 ans. C’était un vétéran de la Première Guerre mondiale. A quoi attribuait-il sa longévité ? "Aux cigarettes, au whisky et aux p’tites pépées"…

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