La Chronique Agora

De Gaumont à Europacorp, pourquoi il ne faut pas investir dans le cinéma

▪ La moisson de récompenses remportées par The Artist est, de toute évidence, une très bonne nouvelle pour le cinéma français. Alors, peut-être avez-vous pensé à investir dans le cinéma pour jouer justement l’enthousiasme et la vague The Artist qui permettra sans doute de nouveaux projets — à succès, qui sait ?

Je comprends votre raisonnement… mais non. Décidément non, je ne suis pas pour investir dans le cinéma. Le succès d’un film ne doit pas nous faire oublier que le secteur est assez atypique. Le succès d’un film ne présage en rien des succès à venir. Rien n’est jamais sûr dans cette industrie. Je m’explique…

Quand vous travaillez dans le ciment comme Lafarge ou dans l’automobile comme Peugeot, vous n’êtes certes pas à l’abri d’une récession économique mais vous n’avez pas d’énormes fluctuations de chiffre d’affaires d’un mois sur l’autre. L’année peut être mauvaise parce qu’un choc exogène a eu lieu, parce que la croissance ralentit mais vous avez et vendez des produits, et avez des amortissements. Il en va complètement autrement pour le cinéma car chaque film est un nouveau pari.

Pour moi, l’industrie du cinéma s’apparente à du capital risque. La Bourse et les investisseurs ont vraiment du mal avec cette industrie extrêmement cyclique qui ne dépend que du succès de tel ou tel film. A chaque nouveau film, les compteurs sont remis à zéro et tout est à jouer. C’est un peu comme pour une biotech en fait : votre avenir dépend à chaque fois du succès d’une molécule, d’un test, et vous ne pouvez pas capitaliser sur votre précédent succès.

▪ Prenons par exemple Gaumont
La firme à la marguerite, fondée en 1895, produit des longs métrages et détient un catalogue de plus d’un millier de films. Son premier semestre a été franchement mauvais avec par exemple une perte nette de 0,6 million d’euros. Mais l’année a été sauvée par Intouchables, le film aux plus de 17 millions d’entrées sur lequel Gaumont est intéressée sur les recettes en tant que co-producteur. Le chiffre d’affaires au quatrième trimestre de l’exercice 2011 a bondi de 89% alors qu’il était en baisse de 25% sur le troisième trimestre. Toute l’année de Gaumont s’est donc faite sur un film. Quelle volatilité… Les résultats du groupe seront connus prochainement. Mais tout laisse supposer qu’ils seront largement bénéficiaires grâce à Intouchables.

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Sauf que, si vous investissez maintenant, qui vous dit que la boîte de production réitérera le même exploit l’année prochaine ? Rien n’est moins sûr… Lorsqu’on se penche sur l’histoire boursière de Gaumont depuis cinq ans, on est frappé par l’hétérogénéité des résultats : forte perte en 2007, léger bénéfice en 2008, bénéfices quasi équivalents en 2009 et 2010. Les investisseurs se bousculent peu sur ce dossier. La volatilité des résultats se traduit donc par une volatilité forte sur le titre.


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Certes, depuis trois mois, grâce à Omar Sy et à François Cluzet, l’action prend 27%. Mais sur un an la baisse atteint 5,6% et même 40% sur cinq ans. A noter également qu’en raison d’un très faible flottant, le volume échangé est extrêmement réduit sur le titre — à peine 300 titres sur les cinq dernières séances pour un titre qui s’échange autour des 45 euros…

▪ Après Gaumont, passons maintenant à ma bête noire : Europacorp…
Et là c’est franchement encore moins glorieux. Si vous me suivez sur le site, vous savez que vraiment, je n’aime pas cette boîte… Le titre a perdu 52% en un an et 86% en cinq ans. Il accumule 40 millions d’euros de pertes sur les deux derniers exercices et l’assurance de perdre encore de l’argent sur l’exercice actuel. Le troisième trimestre a notamment été très mauvais pour la société de Luc Besson avec un recul de l’ordre de 58% de son chiffre d’affaires en raison d’entrées en salles moins importantes que prévues — pour ses films…

Par ailleurs, le fait que le tournage d’un film avec Angelina Jolie initialement prévu pour mai soit décalé laisse supposer que l’exercice 2012 sera assez médiocre. Franchement, je reste réservé sur ce dossier qui ne cesse de décevoir depuis son entrée en Bourse.


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Le talent de Luc Besson est sans doute immense — nous nous rappelons tous du Grand Bleu, de Léon ou de Nikita, et plus récemment du succès d’Arthur et les Minimoys. Certes, plusieurs productions du groupe ont été en tête du box-office aux Etats-Unis — Le Transporteur 2 en 2002 et Taken début 2009. Mais l’action reste encore extrêmement dangereuse pour les investisseurs et je ne m’y risquerai pas pour l’instant.

Première parution dans Small Caps Confidentiel le 28/02/2012.

 

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