D’un côté, les salariés, de l’autre les capitalistes. Et, parmi ces derniers, un sentiment d’avoir gagné la lutte.
La lutte des classes n’est pas une réalité sociale.
C’est une réalité logique, conceptuelle qui découle de l’analyse serrée et non idéologique du mode de production capitaliste, lequel divise le monde entre deux ensembles, celui des « détenteurs du capital » et celui de « la masse des salariés ».
Que les uns ou les autres en aient conscience, que les capitalistes aient conscience d’être capitalistes ou que les salariés aient conscience d’être salariés ne change rien : la réalité logique est celle-là.
Il y a ceux qui travaillent et il y a ceux qui, sans travailler, ont droit à une part du produit du travail des salariés.
Il y a ces deux classes, et par définition elles sont antagoniques ; leurs relations sont dialectiques, conflictuelles. Les uns ont besoin des autres, et les autres ont besoin des uns, c’est ainsi que fonctionne le système. Et c’est, de façon plus ou moins parfaite et pure, le nôtre.
L’erreur des révolutionnaires du siècle dernier a été de croire que les gens avaient conscience de cela ; que les salariés avaient conscience d’être prolos, exploités et qu’à ce titre, ils se révolteraient.
Vous le valez bien
La conscience de classe en tant que telle existe de moins en moins ; elle se voile, s’estompe de plus en plus, et elle fait à peine parti du vocabulaire post moderne. La mystification l’a emporté. Elle est certes vécue, ressentie douloureusement, mais elle ne monte plus à la conscience. Plus vous êtes exploité, et moins vous conservez la conscience de l’être dans le monde post moderne. Comme dit la pub infecte de l’Oréal, vous êtes extraordinaire : « vous le valez bien ». Plus vous êtes minable et aliéné, étranger à vous-même, et plus ils vous flattent et exacerbent vos egos mystifiés.
Si des grandes voix ne vous disent plus que vous êtes exploités, vous le ressentez, certes, mais vous ne le formulez pas ; vous en vivez les effets sans en verbaliser les causes. Vous ne savez plus que c’est de cette situation que vous souffrez et vivez mal.
« Un peuple, cela se nomme » disait De Gaulle. De même, un prolétariat, cela se nomme. Le peuple ne prend conscience de lui-même et de son appartenance à un groupe, à une classe ou à une nation, que si cela lui est dit.
Les gôches actuelles, lesquelles sont au service du très grand capital, préfèrent vous faire prendre conscience de votre homosexualité latente ou de vos tendances polymorphes, plutôt que de votre statut de prolo exploité et dépossédé de sa propre vie !
La lutte est gagnée
Le système capitaliste de la production pour le profit, de l’attribution d’une part du surproduit aux détenteurs du capital et de la possibilité d’accumuler sans fin produit un ordre social, qui conceptuellement oppose les uns – le capital –, aux autres – les salariés. On n’y peut rien, c’est ainsi, c’est un système ; et il fonctionne ainsi, de façon plus ou moins pure. C’est un moment de l’Histoire de nos sociétés, un moment qui correspond au développement des forces productives et à l’état de l’ordre social que ceci produit.
Le 18 juin 1940, De Gaulle a nommé la Nation Française ; il a nommé le peuple français et ce faisant il l’a convoqué.
Warren Buffett, lui, a convoqué les riches !
Warren Buffett, l’un de hommes les plus riches du monde et l’un des plus cyniques a dit : « La lutte des classes existe et nous l’avons gagnée. »
C’est vrai, la classe des capitalistes est devenue une ultra classe, une « hyper-classe », et elle a gagné le combat au point de nous faire croire que c’était la fin du mouvement de l’Histoire, la mort de la dialectique, le règne de l’éternité bourgeoise. Cette « hyper » ou « ultra-classe » a conscience d’elle-même ; elle s’enhardit, devient de plus en plus cynique, et je dirais même stupide et imprudente.
Mais elle n’a pas compris que ce qui fait l’Histoire, ce ne sont pas les hommes, c’est les réalités objectives, le jeu des forces objectives, et que le système en lui-même, de façon endogène, produit sa propre destruction.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]