La Chronique Agora

De la croissance à l’inflation, nous imitons le Japon…

▪ Sommes-nous en train de devenir japonais ?

Nos lecteurs de longue date trouveront cette question familière… voire ennuyeuse. Nous la posons depuis près de 15 ans — depuis que nous avons vu les Etats-Unis suivre les traces du Japon, passant d’un gros boom… à un gros krach.

Tout a commencé, pour nous, lors d’un trajet en voiture à la campagne il y a de nombreuses années. Pour distraire les enfants — ils étaient cinq avec nous à l’époque –, nous leur avons demandé ce qu’ils voulaient être quand ils seraient grands. Imaginez notre surprise. Parmi les pilotes d’avion de chasse et les stars de la télé se trouvait un petit garçon qui répondit : "je veux être japonais".

Les mangas étaient populaires, à l’époque, de même que les jeux vidéo japonais. Les valeurs nippones, en revanche, ne l’étaient pas. Après avoir dépassé les 38 000 en 1989, l’indice Nikkei est tombé à 7 000 points en avril 2000. Parallèlement, toutes les cheminées d’usine au Pays du Soleil Levant ont semblé faire une pause… tous les travailleurs ont pris 10 ans… et tous les journalistes financiers se sont demandé ce qui n’allait pas chez ce peuple qui était si dynamique juste quelques années auparavant.

Nous avions prévu la même chose pour les valeurs américaines.

Peut-être n’étions nous que 14 ans — et plus — en avance. Ou peut-être avions-nous simplement tort

Peut-être n’étions nous que 14 ans — et plus — en avance. Ou peut-être avions-nous simplement tort.

Le Financial Times a pondu un éditorial particulièrement benêt sur le sujet du Japon dans son édition de mardi. Après avoir passé en revue tous les échecs du Premier ministre, le journal conclut que même si "[…] l’exubérance a quitté les Abenomics, M. Abe soit tenir le cap et ne pas se laisser distraire".

▪ Hmmm… vraiment ?
De toute évidence, le Premier ministre japonais ferait mieux d’aller jouer au golf. Ses interventions, pour l’instant, ont été soit inefficaces soit désastreuses, selon la manière dont on les considère.

Le pauvre homme est entré en fonction en promettant de briser un long cycle perdant. Depuis 1990, les valeurs et l’immobilier du Japon ont été passés à la moulinette… sa machine économique autrefois ronronnante tousse et crache… sa population vieillit et décline… tandis que sa dette augmente. Comme le dit le Financial Times, lorsqu’il a pris son poste, Abe a apporté "un gigantesque stimulant budgétaire, suivi d’une dose massive de quantitative easing. Cela a semblé faire sortir le Japon de sa torpeur déflationniste".

Tout ce que M. Abe semble avoir vraiment accompli, c’est une augmentation d’impôts

Jusqu’au deuxième trimestre. Ensuite, il est devenu évident que le Japon était en réalité dans une torpeur déflationniste encore plus profonde, avec MOINS 7,1% de croissance — la pire performance depuis le tremblement de terre, le tsunami et la catastrophe nucléaire de 2011. Tout ce que M. Abe semble avoir vraiment accompli, c’est une augmentation d’impôts et une dette gouvernementale japonaise approchant les 250% du PIB.

A nos yeux, M. Abe est une nouvelle donnée confirmant notre hypothèse :

Les décideurs modernes (et plus particulièrement les banquiers centraux) sont soit des idiots soit des escrocs. Leur programmes n’ont ni sens ni utilité. Leurs théories ne sont rien de plus que des sottises et du vent.

Mais nous admettons que nous vivons une époque formidable. Nous sommes prêt à être impressionné. Le problème, c’est que les Abe modernes semblent manquer d’imagination. Qu’est-ce qui ne va pas chez eux ? Il doit quand même bien exister une chose que les autorités puissent faire, à part réessayer exactement les recettes qui n’ont jamais fonctionné. On ne peut pas guérir une crise de dette avec plus de dette. Pourquoi ne pas essayer moins de dette ?

Et maintenant, tant l’Europe que les Etats-Unis deviennent japonais, comme nous l’avions prédit il y a plus d’une décennie.

Au lieu de voir le taux de croissance du Japon rattraper le niveau du reste du monde développé… la croissance ralentit partout, rejoignant les niveaux japonais. Au lieu que les rendements obligataires et les taux d’inflation grimpent au Japon, toujours pour correspondre à ceux du reste du monde, ils chutent en Europe et aux Etats-Unis pour correspondre à ceux du Japon. Enfin, au lieu de voir le taux de natalité japonais augmenter pour maintenir la population à peu près équivalente à celle de ses rivaux, les femmes en Europe et aux Etats-Unis ont moins d’enfants elles aussi.

Et bien entendu, inutile de vous dire que les habitants du monde développé vieillissent tous… comme les Japonais.

Comment les autorités réagissent-elles face à ce défi ? Elles sont devenues japonaises elles aussi…

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