▪ La croissance, c’est ce qu’on obtient quand on utilise plus d’énergie, ou quand on utilise mieux l’énergie qu’on a. La croissance — plus de PIB… plus d’emplois… plus de revenus… plus de gens –, c’est aussi ce dont tous les gouvernements du monde développé ont désespérément besoin. Sans elle, leurs dépenses déficitaires (ils sont tous dans le rouge) mènent à une dette de plus en plus lourde et, en fin de compte, au désastre.
Or non seulement le taux de croissance du monde développé décline, mais il en va de même pour la vitesse des reprises économiques. Voici ce qu’en dit Clayton M. Christensen, professeur à Harvard :
« Durant les sept reprises qui ont suivi les récessions entre 1948 et 1981, selon le McKinsey Global Institute, l’économie est revenue à ses sommets d’emploi pré-recession en six mois environ, avec une précision mécanique […] ».
« Au cours des trois dernières reprises, cependant, le moteur économique des Etats-Unis a émis des sons que nous n’avions encore jamais entendus. Il a fallu à la reprise de 1990 15 mois, au lieu des six habituels, pour atteindre les sommets de performance économique pré-récession. Après la récession de 2001, il a fallu 39 mois pour sortir de la vallée. Et aujourd’hui, notre machine tourne depuis 60 mois pour tenter de retrouver ses niveaux d’avant récession — et nous ne savons pas quand et comment nous y arriverons, ni même si nous y arriverons. La machine économique est déséquilibrée et perd de sa puissance. Mais pourquoi ? »
Pourquoi ? La raison est évidente : nous avons atteint le point de rendement déclinant sur l’énergie. J’utilise le terme « énergie » au sens large — comprenant l’énergie intellectuelle, ainsi que notre temps et notre attention, en plus de l’énergie dérivée de carburants fossiles. Le retour sur investissement a atteint des niveaux marginaux.
▪ Le train de la dette
En 2012, le Congressional Budget Office a regardé vers l’avenir et vu qu’un train approchait à toute vapeur. Si les dépenses fédérales restent sur leurs rails actuels, les Etats-Unis ajouteraient 10 000 milliards de dollars de dette supplémentaire au cours des 10 prochaines années. Le Congrès US, pour contrer cette urgence, a passé une loi qui, si on la laisse en l’état, réduirait la dette additionnelle à 8 700 milliards de dollars. Le train continue d’approcher.
Surtout, ce train est bien plus gros et plus puissant que le pense le CBO. Le véritable déficit fédéral américain en 2012 n’est pas de 1 100 milliards de dollars comme on l’entend partout. Si l’on inclut les engagements non-provisionnés pour Medicare et la Sécurité sociale, on dépasse les 7 000 milliards de dollars. Sur la même période, le PIB a augmenté d’environ 320 milliards de dollars. En d’autres termes, la dette augmente 21 fois plus vite que l’économie sous-jacente. Déjà, si l’on calculait le passif du gouvernement selon les normes comptables en vigueur pour les entreprises, on se retrouverait avec un trou de 86 000 milliards de dollars. Et au rythme où les déficits s’accumulent, il deviendra deux fois plus profond au cours des 10 prochaines années — à plus de 150 000 milliards de dollars.
On peut envisager tout ça d’une autre manière, en regardant de quelle manière les démocraties modernes se financent. Depuis l’époque de Bismarck, elles prennent de l’argent aux citoyens et en reversent une bonne partie sous la forme de divers programmes sociaux. Un politicien qui veut réussir laisse les dépenses dépasser les revenus autant que possible — mais pas au point d’avoir l’air irresponsable. Plus il peut promettre d’avantages sociaux plausibles aux électeurs, plus il a de chance d’avoir le pouvoir… et plus il peut aussi faire passer des ressources aux groupes qu’il privilégie.
La croissance de ces 100 dernières années — en termes de population, de PIB, de salaires, de prix — a rendu possible l’expansion significative des dépenses gouvernementales, en anticipation de générations plus nombreuses et plus riches, qui entretiendraient leurs parents moins nombreux et plus pauvres.
Le principe mathématique de ce système a relativement bien tenu le coup — jusqu’à récemment. A présent, les taux de croissance démographique chutent un peu partout dans le monde développé — y compris aux Etats-Unis, où un gigantesque groupe de baby-boomers s’apprête à prendre sa retraite et s’est attribué les avantages les plus somptueux de l’histoire. Sans croissance, ce système de financement public est voué à un échec retentissant. Augmenter les dépenses n’arrangera pas les choses ; ce sera calamiteux. Plus il y a de brindilles sèches sur le sol, plus l’incendie sera violent.