▪ Nous avions besoin d’une bonne paire de chaussures de travail ; le week-end, nous restaurons un corps de ferme du XVIIIe siècle. Nous n’avons jamais pu trouver de chaussures françaises qui nous conviennent — nous sommes donc allé sur Internet, histoire de voir si nous ne pouvions pas commander directement une paire de souliers américains.
A notre grand plaisir, une vieille marque favorite — Red Wings — a des boutiques dans plusieurs villes d’Europe ; elle livre en France. Elles étaient absurdement chères — 299 $ –, mais nous nous sommes dit qu’elles nous dureraient jusqu’à la fin de nos jours.
Les souliers sont arrivés samedi ; ils étaient exactement semblables à ceux que nous avons achetés il y a 40 ans. Même construction rigide et robuste. Même riche parfum de cuir et de durabilité. Même simplicité typique du Minnesota.
Il y avait une différence, toutefois. Avec les chaussures se trouvait un magazine célébrant l’histoire de l’entreprise. C’était un ouvrage marketing très stylé ; nous n’aurions pas attendu ça d’une boutique de godillots d’ouvriers en sueur. Les photos étaient encore plus remarquables — elles montraient de jeunes gens dans divers cadres urbains branchés. Brooklyn, San Francisco, Berlin. Tous étaient des hipsters ! Pas une seule image ne montrait d’hommes soulevant, transportant, martelant, coupant, soudant — le genre de choses qu’on est censé faire avec ce genre de souliers. A présent, visiblement, ils sont faits pour traîner… aller dans des bars… et avoir l’air cool. Ils sont devenus un accessoire de mode.
▪ Que s’est-il passé ?
Comment se fait-il que les meilleures chaussures de travail des Etats-Unis ne s’adressent plus aux travailleurs américains ? |
Comment se fait-il que les meilleures chaussures de travail des Etats-Unis ne s’adressent plus aux travailleurs américains ? Une raison ? Les travailleurs américains n’en ont pas besoin. Voici ce qu’en dit Alan Donelson :
« Quand bien même l’économie américaine a créé un nombre étonnamment solide de nouveaux emplois net, à 271 000 pour le mois d’octobre, l’industrie manufacturière n’a généré aucun gain durant cette période. En conséquence de cela entre autres, le niveau d’emploi absolu du secteur est désormais inférieur à celui de janvier — une série de 10 mois qu’on peut qualifier de récession et qui résulte sans aucun doute de la récession de production dans laquelle l’industrie est elle aussi embourbée ».
Ce n’est qu’une partie du tableau. Selon les gros titres de la semaine dernière, le taux de chômage aux Etats-Unis a chuté à 5% — le signe d’une économie robuste. Mais creusez un peu, et vous ne trouverez rien de tel. Jim Davidson explique :
« … La croissance de l’emploi tant vantée (les 271 000 emplois susmentionnés] était surestimée à cause de facteurs d’ajustement saisonniers extraordinaires et passés sous silence.
Tout aussi suspect (ou intéressant, au moins) : le rapport selon lequel quasiment tous les emplois gagnés concernaient des travailleurs de 55 ans ou plus. Depuis 2007, selon le Bureau américain des statistiques de l’emploi, les travailleurs de 55 ans ou plus ont gagné plus de 7,5 millions d’emplois tandis que les travailleurs de moins de 55 ans ont perdu au total 4,8 millions d’emplois. Je pense qu’il y pourrait y avoir là un problème de falsification des données au sein des résultats du CPS (Recensement de la population US), dont sont extraits les détails sur le chômage. L’Inspecteur général du département du Commerce a précédemment confirmé les dires de John Crudele, dans le New York Post, qui avançait que les résultats du CPS étaient ordinairement falsifiés.
A part cela, il y a le sujet de la surévaluation chronique de la croissance de l’emploi attribuable à des biais haussiers dans le modèle Naissance-Décès. John Williams, de ShadowStats, suggère que ‘bien au-delà de 200 000 emplois’ sont désormais déclarés de manière infondée sur une base mensuelle.
Sur une base sans ajustement saisonnier, d’une année sur l’autre, la croissance de la main-d’oeuvre en septembre et octobre était à un plus bas de 17 mois ».
▪ Et les chaussures, dans tout ça ?
Red Wings a des problèmes plus profonds, ceci dit.
Tout d’abord, les acheteurs peuvent obtenir des chaussures moins chères ailleurs. Fabriqués à l’étranger, avec des matériaux synthétiques, les nouveaux souliers sont probablement tout aussi solides et bien moins coûteux.
L’Inspecteur général du département du Commerce a précédemment confirmé les dires de John Crudele, dans le New York Post, qui avançait que les résultats du CPS étaient ordinairement falsifiés |
Ensuite, les travailleurs américains ne peuvent peut-être pas se permettre des chaussures de travail fabriquées aux Etats-Unis. En termes réels, la personne moyenne en âge de travailler aux Etats-Unis gagne moins aujourd’hui qu’en 1975 — il y a 40 ans. C’est en majeure partie parce que le « taux de participation » est de retour à ses niveaux de 1975. A l’époque, cela reflétait le fait que les femmes étaient généralement sans emploi. Elles restaient à la maison et s’occupaient du foyer. A présent, ce sont les hommes qui ont plus de chances d’être sans emploi. Ce qu’ils font n’est pas clair — en tout cas, ils n’ont pas besoin de chaussures fabriquées aux Etats-Unis pour s’en charger.
Etant donné les circonstances, Red Wing semble avoir fait le bon choix. Comme Harley Davidson, l’entreprise a positionné ses produits comme des accessoires de mode américains… des reliques de la gloire passée, non des souliers modernes.