La Chronique Agora

La croissance dépend du crédit… et donc de la Fed

▪ Nous sommes très calme. Nous pouvons dormir sur nos deux oreilles. Il n’y a plus de quoi s’inquiéter.

Christine Lagarde, à la tête du FMI, nous a rassuré.

Madame Lagarde nous dit qu’un tapering de la Fed ne signifie rien tant que la Fed agit de manière graduelle et mesurée, ce qui sera bien entendu le cas.

"Nous n’anticipons pas de conséquences massives, lourdes et graves", a-t-elle dit.

Attendez. Elle doit se tromper à ce sujet. Si la Fed devait mettre fin à son tapering, le marché boursier et l’économie entreraient en état de choc. L’économie vacillerait. Les actions chuteraient. Janet Yellen se réunirait alors avec d’autres gouverneurs de Fed et en sortirait avec une annonce : encore plus de QE !

Nous ne savons pas si Mme Lagarde en est consciente ou pas. Les économistes de la Fed doivent l’être. Ils doivent savoir que la seule chose qui empêche l’économie de glisser dans la récession, c’est l’argent de la Fed.

Les chiffres suivants nous ont été montrés par Richard Duncan. Il nous a tout expliqué. Voilà comment ça marche :

Depuis les années 80, l’économie américaine se développe à crédit. En 1964, l’économie US tout entière ne possédait que 1 000 milliards de dollars. Depuis, le crédit a été multiplié par 50. Et maintenant, l’économie en dépend. Lorsque la croissance du crédit ralentit, il en va de même pour l’économie.

Combien de croissance du crédit est nécessaire pour maintenir l’économie en mouvement ? Selon M. Duncan, il faut une augmentation d’au moins 2% après inflation, sans quoi l’économie recule. Chaque fois que la croissance du crédit est passée sous les 2%, dit-il, nous avons eu une récession. Sans exception.

Une économie en croissance, qui se développe, mène naturellement à plus de crédit. Les ménages empruntent pour acheter de nouvelles maisons et appareils ménagers. Les entreprises empruntent pour de nouvelles usines et de nouvelles machines. Les investisseurs empruntent pour financer des start-ups et des spéculations. Le gouvernement emprunte lui aussi pour couvrir ses déficits. Et tous ces emprunts mènent à une nouvelle demande, de nouveaux emplois et de la nouvelle production.

▪ Ce n’est plus le cas aujourd’hui…
Au lieu de stimuler une vraie reprise saine, cependant, les autorités ne sont parvenues qu’à en simuler une. L’économie réelle se traîne. Les revenus réels disponibles augmentent à peine. Le taux d’épargne personnelle des Américains n’est que de 4% (il était de 10% dans les années 80). Il y a peu de création naturelle de crédit. Les gens ont peu d’argent à prêter… et ne désirent guère emprunter.

Tandis que les autorités n’ont pas pu faire grand’chose au sujet de l’économie réelle… pour l’économie financière, elles ont fait des merveilles ! C’est là le secret pour comprendre les marchés, explique Duncan. Tout dépend de la différence entre la quantité de crédit dont l’économie a besoin, et la quantité de crédit que la Fed fournit. C’est l’excédent qui fait grimper les prix des actifs.

C’est pour cette raison que les riches se sont tant enrichis ces derniers temps. Les marchés prennent l’excès de liquidités de la Fed et le convertissent en prix des actifs. Les actions grimpent. L’immobilier aussi (la maison moyenne est de retour au-delà des 200 000 $). La valeur nette des ménages — lourdement concentrée dans le haut de la pyramide socio-économique — a grimpé de 8 000 milliards de dollars au cours des 12 derniers mois. Elle dépasse désormais le niveau de 2007. Cette gigantesque augmentation semble être la seule chose qui empêche l’économie de couler.

Supprimez le QE et vous supprimez le plus gros acheteur du marché. Les obligations chutent. Les actions chutent. L’immobilier chute. Et l’économie, qui n’est plus portée par "l’effet richesse" factice, est soudain plombée par un vrai "effet pauvreté".

Duncan nous dit que tous les emprunteurs combinés devraient demander pour 2 200 milliards de dollars de crédit cette année. C’est une augmentation de 3,8%… avant inflation. Retirez 2% de hausse des prix et l’augmentation réelle est inférieure aux 2% nécessaires pour éviter la récession.

Voilà donc ce qui se passe : la Fed doit ajouter de la liquidité, sans quoi l’économie tombe en récession. Une partie est absorbée par le marché du crédit (majoritairement les déficits fédéraux américains). Tout ce qui dépasse le financement de la demande de crédit, c’est "l’excès de liquidité" qui nourrit les marchés d’actifs. Les actions ont grimpé en flèche en 2013 parce que la Fed a sur-financé la demande de crédit (le déficit budgétaire américain a décliné).

"La Fed dirige l’économie", déclare Duncan.

M. Duncan ne voit pas de problèmes sur les six prochains mois. Il y aura assez d’excès de liquidité pour continuer à faire grimper les prix des actifs. Mais ensuite… attention.

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