La Chronique Agora

Le peuple perd. Le marigot de Washington gagne

commerce

Les périodes d’expansion du commerce coïncident avec les périodes de prospérité économique et inversement.

Les actions ont chuté vendredi 6 avril. Selon les commentateurs, c’est à cause des craintes de guerre commerciale. Voyons voir…

Des guerres « chaudes » et actives, mais factices, dans des pays du Proche-Orient depuis 2003.

Une guerre bidon contre la pauvreté entamée en 1964.

Une guerre bidon contre la drogue déclarée en 1971.

Et aujourd’hui… une guerre commerciale bidon en plus des autres !

Oui, cher lecteur… Les Etats-Unis bombardent, mitraillent et brutalisent le monde un peu partout, du Levant à Detroit. Le coût : peut-être 6 000 milliards de dollars… peut-être 10 000 milliards de dollars. Et peut-être un million de morts.

Un succès retentissant

Mais au moins les guerres au Proche-Orient auront-elles été un succès retentissant.

Nous le savons parce que nous avons parcouru la Virginie du Nord en voiture : les gratte-ciels luisants des fournisseurs de la défense… et les fières demeures flambant neuves des généraux… le prouvent.

Ils voulaient le pouvoir et la richesse ; les guerres étaient un moyen d’y parvenir.

Parallèlement, les forces anti-pauvreté pilonnent les zones pauvres d’Amérique depuis 54 ans.

Là aussi, nous savons que cette guerre a été un grand succès. Il suffit de regarder l’ouest de Baltimore. Des maisons comme bombardées… des magasins brûlés… des gens à la rue… Mission accomplie !

La guerre contre la drogue mérite elle aussi son défilé de la victoire. Certes, plus de gens meurent à cause des drogues. Oui, plus de gens sont accros à différentes drogues. Et oui, on trouve plus de gens prenant des psychotropes aujourd’hui qu’il n’y en avait lorsque la première bombe a été larguée.

Mais à présent… ce sont en majeure partie des drogues légales ! Sur lesquelles l’industrie pharmaceutique peut faire des profits !

Oui, la guerre, c’est la santé de l’Etat, comme l’a formulé Randolph Bourne (*). Surtout une guerre bidon. Le gouvernement américain est en pleine forme… amassant de l’argent et du pouvoir à tour de bras. Et tant pis pour ses citoyens !

Votre correspondant va se risquer à faire une prédiction hardie. Nous ne prenons pas franchement de risques en affirmant que la Guerre Commerciale sera une réussite aussi flamboyante que les autres guerres ; elle poursuivra la tendance sordide consistant à escroquer le public pour récompenser les initiés et les compères.

Le peuple perd. Le marigot gagne.

La vie politique emprunte au catch professionnel

Les guerres bidon sont écrites et mises en scène. Comme le catch professionnel, elles sont conçues pour amuser les fans… et les dépouiller de leur argent.

Dommage que les commentateurs politiques ne regardent pas le catch ; plus que la Constitution ou la Déclaration d’indépendance, cela pourrait les aider à comprendre le gouvernement tel qu’il est vraiment.

Le catch professionnel est un monde fantastique et tape-à-l’oeil… avec des personnages de dessin animé comme Gorgeous George, Haystacks Colhoun, Hulk Hogan, Stone Cold Austin, Paul Bearer, Ric Flair, Iron Sheik… et deux autres qui figureront plus tard dans notre histoire — The Undertaker (« le croque-mort ») et Mankind (« l’humanité »), également connu sous le nom de Mike Foley.

Ces interprètes sont soigneusement entraînés ; ils apprennent à exécuter les mouvements qui impressionnent le public sans s’infliger de blessures sérieuses.

Ces entraînements ressemblent un peu aux camps d’entraînement des gladiateurs qui s’affrontaient aux temps de la Rome antique. Ces combats étaient eux aussi mis en scène pour les spectateurs… et conçus pour faire passer la richesse des fans vers les propriétaires, les promoteurs et les sponsors.

Le bestiaire se battait avec des animaux. Le dimachère luttait avec une lame dans chaque main. Le rétiaire utilisait un filet pour capturer son adversaire.

Dans le Colisée, bien entendu, les gladiateurs luttaient pour leur vie. Au catch, ils se battent pour de l’argent. Et pour la célébrité.

Attendez une minute… même les guerres bidon font des victimes. Les acteurs manquent leur entrée en scène. Quelqu’un met de vraies balles dans leurs armes. On oublie de dire aux soldats que c’est « pour de semblant ».

Et parfois, la pression est trop dure à supporter. Mr. Perfect, Crash Holly, Malice, Ravishing Rick Rude et de nombreuses autres stars du catch sont morts jeunes.

Booms et krachs

Batailles bidon, guerres écrites d’avance, simulacres d’escarmouches — parfois, quelque chose tourne mal… et tout explose.

Cette guerre commerciale factice, elle aussi, a un potentiel explosif considérable. Sur les prochains jours, nous allons explorer pourquoi.

L’histoire de la civilisation… et de la création de richesse… suit majoritairement un schéma de boom et de krach. Les booms ont été marqués par une expansion du commerce ; les krachs se sont produits lorsque le commerce a reculé.

Si nous envisageons cela à travers notre propre prisme, nous constatons que les périodes prospères sont celles où les accords gagnant-gagnant pouvaient se produire librement.

Les périodes misérables ont été marquées par des accords gagnant-perdant, par de la fausse monnaie et par la guerre.

La Pax Romana, par exemple, permettait un commerce libre en Europe, au Proche-Orient et en Afrique du nord. Les citoyens étaient relativement prospères… et en sécurité.

Puis est arrivé le haut Moyen Age. Il est devenu difficile de voyager. Le commerce s’est effondré. Les populations se sont retirées dans des villes fortifiées où elles vivaient dans la misère et la pauvreté, entièrement dépendantes d’un seigneur de guerre local.

La fin de l’Histoire n’est pas survenue avec la fin de la Guerre froide

Il fallut 1 000 ans pour retrouver la prospérité de l’époque romaine.

On y parvint lorsque les accords gagnant-gagnant devinrent à nouveau possibles. Après la Guerre de Cent ans, les royaumes se fixèrent… et de nouveaux empires — notamment le Saint-Empire romain — prirent forme.

Evidemment, il y eut des reculs majeurs. Généralement, les guerres ne faisaient pas que tuer des gens et détruire des biens ; elles décourageaient aussi les marchands, inquiets pour leur sécurité — réduisant ainsi le commerce et augmentant la pauvreté.

Le 19ème siècle, après les guerres napoléoniennes, fut une longue période de paix relative et de prospérité croissante. La monnaie, c’était l’or — et c’était une bonne monnaie. Le droit de propriété était généralement respecté.

L’empire britannique et son ancienne colonie, les Etats-Unis, créèrent une gigantesque ère d’échange plus ou moins libre. Cela prit fin en 1914… avec une période de guerre et de contraction du commerce qui dura jusqu’en 1945.

Elle fut suivie d’un autre grand épisode d’expansion… surtout après que la Chine eut rejoint l’économie mondiale en 1979, suivie par la Russie en 1989.

Cette nouvelle ère fut décrite par Francis Fukuyama comme « la fin de l’Histoire ».

Pour quoi aurait-on encore eu à se battre ? La civilisation commerciale occidentale avait gagné, grâce à son dollar, sa démocratie et son engagement envers la paix et le libre-échange.

Sauf que ce n’était pas vraiment la fin de l’Histoire, n’est-ce pas ? En réalité, l’Histoire nettoyait simplement ses armes… préparant un nouvel assaut contre la décence et l’intégrité de la vie civilisée.

La Guerre froide était peut-être terminée… mais il y avait encore pas mal de sottises à commettre, pour les politiciens et les va-t-en-guerre.

A suivre demain : « l’enfer dans une cellule »… pourquoi l’expansion de 1979-2008 était condamnée d’avance… pourquoi elle était largement contrefaite… et comment cette nouvelle guerre commerciale pourrait la réduire en miettes.
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(*) Randolph Bourne (1886-1918) est un essayiste américain qui s’est opposé à l’intervention militaire des Etats-Unis durant la Première Guerre mondiale. Dans Le crépuscule des idoles, Bourne conteste la justification de la guerre par l’apport démocratie, expliquant que la plupart des gens se satisfont d’une apparence démocratique, plutôt que de véritables idées démocratiques.

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