La Chronique Agora

Fuseaux horaires, révolutions terrestres et croissance chinoise

▪ Les journées d’été paresseuses continuent, avec des marchés qui bougent à peine. L’or a un peu reperdu de terrain — c’était à prévoir, après la hausse.

Nous avons quitté Vancouver à peine quelques heures après y être arrivé. Dans l’avion pour Pékin, nous sommes resté perplexe sur l’heure et l’endroit, essayant de comprendre les mouvements de la terre, du soleil et de l’appareil.

Le vol a duré 10 heures. Selon nos brumeux souvenirs du globe terrestre, la Chine devrait être presque exactement de l’autre côté du monde par rapport aux Etats-Unis. On prendrait donc la direction nord, depuis l’Amérique, pour aller en Chine.

Ce n’était pas ce que l’avion semblait faire. Il allait vers l’ouest… ou peut-être le nord-ouest. En regardant par la fenêtre à tribord après minuit, nous avons aperçu la lueur du soleil sur l’Arctique. Nous devions être en train de nous éloigner de l’est… en allant donc vers l’ouest. Mais pourquoi ?

Vous ne voyez pas d’inconvénient, cher lecteur, à ce que nous prenions un instant pour comprendre ces importants mouvements célestes, n’est-ce pas ? Voyons voir : si l’on vole d’un point à un autre, il faut tenir compte du fait que l’endroit où l’on va ne reste pas en place pendant que l’on s’y rend. Il y a 24 fuseaux horaires sur la planète. Un vol de 10 heures donne à la planète le temps d’effectuer environ 40% d’une révolution. Cela signifie évidemment que l’aéroport de destination doit passer 10 fuseaux horaires — ou environ 16 000 km s’il est sur l’équateur — en direction de l’est pendant que vous êtes dans les airs.

L’avion doit donc viser non l’endroit où l’on va mais l’endroit où il sera quand on y arrivera, un endroit bien plus à l’est de là où il était au moment du départ.

Nous ne sommes pas certain que cela ait la moindre importance pour quiconque à part les pilotes, mais nous avons trouvé ça intéressant.

Il y a un phénomène semblable en investissement. On se soucie peu de ce que le prix de l’or est aujourd’hui. C’est ce que le prix sera dans six mois… ou six ans… qui compte.

Les révolutions sont un fait de l’existence. La planète tourne. Les marchés tournent et tournent encore, eux aussi.

▪ Que se passe-t-il en Chine ?
Il en va de même pour les économies. Nous sommes en Chine en ce moment. Vous voulez savoir ce qui se passe en Chine ? Nous n’en avons pas la moindre idée, contrairement à beaucoup de gens. Voici Paul Krugman dans le New York Times :

"Les signes sont désormais sans ambiguïté : la Chine a de gros problèmes. Nous ne parlons pas d’un ralentissement mineur sur son chemin, mais d’une chose plus fondamentale. La manière même dont le pays mène ses affaires, le système économique qui a nourri trois décennies de croissance incroyable, tout cela a atteint ses limites. On pourrait dire que le modèle chinois est sur le point d’entrer en collision avec sa Grande muraille ; la seule question maintenant est de connaître la gravité de l’accident".

Et voici Ben Levisohn dans Barron’s :

"Contrairement à ce qu’il se passait il y a trois mois, quand les investisseurs pariaient largement sur le fait que les décideurs chinois injecteraient de l’argent dans l’économie pour aiguillonner la croissance, les marchés semblent avoir accepté le fait qu’une croissance paresseuse est devenue la nouvelle norme pour la deuxième plus grande économie au monde".

Où la Chine sera-t-elle dans six mois… ou six ans ? Impossible à dire. Goldman Sachs a réduit ses estimations sur la croissance chinoise. Mais la société n’en a pas une meilleure idée que Paul Krugman ou quiconque d’autre. Les Chinois pourraient nous surprendre dans les deux directions ; l’économie pourrait être bien pire que prévu… ou bien meilleure.

Une chose semble être en train de se produire, en revanche. Après 20 ans de croissance spectaculaire, la Chine est à la recherche d’une nouvelle voie.

"Il ne suffit plus d’ouvrir une usine à Shenzhen et de fabriquer des choses pour l’exportation", a expliqué un collègue chinois. "Les jours de l’entrepreneur élevé sous le communisme puis devenu milliardaire sont terminés. C’était la première étape du développement de la Chine. C’était la phase des entrepreneurs. Elle s’est déroulée juste après que Deng Xiaoping ouvre l’économie. Les entrepreneurs ont tiré parti de l’occasion, utilisant les salaires bas pour fabriquer des choses à destination des pays développés. Les salaires chinois sont encore bas comparés aux Etats-Unis ou à l’Europe, mais ils ne sont pas assez bas. De toute façon, les pays développés ne cherchent plus à délocaliser leur production en Chine".

"La prochaine phase sera différente. Personne ne sait en quoi. Mais elle sera différente. Oui, il pourrait y avoir une révolution en Chine… mais j’en doute. Les gens sont plutôt contents des 20 dernières années. Ils pensent que les 20 prochaines iront tout aussi bien".

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