La Chronique Agora

La croissance chinoise à 7,8%… ou 3% ?

▪ Vendredi dernier, après une semaine mouvementée, j’avais bien besoin d’un peu de repos intellectuel. Je me suis donc mis à chercher un sujet qui nous changerait des problèmes éternellement repoussés de plafond légal de la dette ou de budget américain.

Il faut dire que passé le moment de soulagement après l’annonce mercredi dernier d’un accord entre les républicains et démocrates sur les deux écueils qui menaçaient la stabilité américaine, je n’ai pas pu m’empêcher d’être légèrement irritée. Accord, certes il y a eu, mais provisoire. Et je ne sais pas pour vous, mais personnellement, je n’ai aucune, mais alors aucune, envie de revivre début 2014 le psychodrame des derniers jours.

Me voilà donc à la recherche d’un sujet un peu léger, mais enrichissant (ne perdant pas cet objectif de vue), quand je tombe sur les derniers chiffres de la croissance chinoise : 7,8%.

7,8%.

Oui, je me répète mais le chiffre m’a surprise. 7,8% (et hop, une troisième fois !), c’est bien au-dessus des objectifs officiels de Pékin pour cette année (7,5%). C’est aussi mieux que les 7,5% de croissance du second trimestre et c’est également de quoi fermer le bec aux oiseaux de mauvais augure qui prédisent continuellement l’effondrement de la Chine, son implosion, son explosion, sa disparition.

Seulement voilà, dès qu’il s’agit de la Chine, il faut prendre les chiffres avec beaucoup de pincettes.

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▪ Que vaut la croissance chinoise ?
D’ailleurs, les avis des commentateurs sont très partagés. Il y a ceux qui saluent cette reprise et ceux qui soulignent la manipulation des chiffres orchestrées par Pékin. D’après Hu Xingdou, professeur d’économie à l’Institut technologique de Pékin, interrogé par Le Figaro, la croissance chinoise flirterait plus avec les 3% que les 7,8%.

Du côté des bonnes nouvelles, la consommation d’électricité qui est souvent utilisée comme thermomètre de l’activité chinoise est en hausse, de 10,4% en septembre sur un an. Et elle devait croître de plus de 9% cette année.

Mais plus que l’effectivité de la croissance, c’est sa qualité qui inquiète.

Vous le savez, Pékin tente d’orienter son économie d’une croissance reposant sur les exportations vers une croissance alimentée par la consommation intérieure. Les avantages sont évidents : montée en gamme de la production, moindre dépendance à la demande extérieure et donc aux soubresauts de l’économie mondiale…

▪ Investissements versus consommation
Mais un autre ingrédient entre en jeu et brouille les cartes : l’investissement, et en particulier celui de l’Etat. En 2008, et à chaque signe d’affaiblissement de son économie, Pékin sort l’artillerie lourde, à savoir les investissements massifs. Comme le rappelle le Financial Times, aucun pays n’a autant construit de routes, d’usines, d’immeubles, de centres commerciaux ou d’aéroports que la Chine depuis 2008.

Tant et si bien que le pays présente aujourd’hui tous les symptômes d’un surinvestissement. Je vous ai déjà parlé des villes fantômes qui ponctuent le territoire chinois, symboles les plus évidents d’investissements inutiles et non rentables. Mais il y a aussi l’exemple de l’industrie de l’acier, analysé par Yu Yongding, membre de l’Académie chinoise des sciences sociales. Les aciéries chinoises représentent à elles seules 50% de la production mondiale. Devant la hausse de l’offre et la baisse de la demande, le cours de l’acier a chuté et, selon Yu Yongding, la rentabilité du secteur de l’acier chinois atteint à peine 0,04%. Selon les chiffres officiels, la croissance chinoise dépendrait donc à 50% de l’investissement.

▪ La Chine est-elle prête à vivre de sa consommation ?
La part de la consommation dans la croissance est donc scrutée par tous. Or elle ne représente toujours que 35% du PIB, un chiffre plutôt stable au fil des années et même en léger recul, contre 60% en France ou 70% aux Etats-Unis. L’objectif de Pékin serait donc de faire grimper cette part à au moins 50% du PIB dans les 10 prochaines années.

Mais comme l’expliquait La Tribune en août dernier, le rééquilibrage ne peut pas se faire à court terme. "Si la consommation devait représenter 50% du PIB dans 10 ans (au lieu de 35% aujourd’hui), et que l’on part du principe que le taux de croissance moyen des 10 prochaines années sera de l’ordre de 6% à 7%, il faudrait que la consommation des ménages augmente de 11% par an jusqu’en 2023, une performance qu’elle n’a jamais atteinte, même dans la période de croissance à deux chiffres"…

Ajoutons à cela que selon Yukong Huang, ancien directeur à la Banque Mondiale et senior associate de la Fondation Carnegie, la Chine n’est pas prête à entamer sa transition vers une croissance de consommation. Au Japon, à Taïwan ou encore en Corée, cette mutation économique s’est faite quand le revenu annuel par habitant a dépassé les 12 000 $ à 15 000 $. Or il plafonne actuellement à 9 000 $ en Chine.

▪ La consommation cachée enfin révélée ?
Cependant, certaines études, qui ne font certes pas l’unanimité, tendraient à prouver que, comme tous les chiffres officiels, la consommation aurait elle aussi été largement sous-estimée. Selon une étude de Jun Zhang et de Tian Zhu, appartenant respectivement à la Fudan University et à la China Europe International Business School, la part de la consommation représenterait plutôt 45% à 47% du PIB.

Principale raison à cela : l’étendue de l’économie parallèle. Les plus hauts salaires chinois ne déclaraient pas tous leurs revenus — et donc minimiseraient leurs dépenses de consommation. Un avis partagé par Jonathan Garner, responsable de la stratégie Asie et pays émergents chez Morgan Stanley. Selon lui, la part de la consommation dans le PIB chinois serait déjà 46% et celle de l’investissement 41%, ce qui indiquerait que le rééquilibrage serait déjà largement en cours et que les problèmes de surinvestissement un peu moins graves qu’on ne le pensait. Pour appuyer ses dires, il s’appuie par exemple sur la croissance du secteur automobile dans l’Empire du Milieu (13%-14%).

▪ Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Quatre, cinq, 10 ans… Difficile de savoir quand la Chine réussira sa mutation vers une économie de consommation. Ou quelles seront les conséquences sur sa croissance. Les chiffres de la production industrielle et les ventes au détail de septembre indiquent déjà un nouveau ralentissement de la croissance qui pourrait de nouveau plafonner à 7,5% au prochain trimestre. C’est surtout 2014 qui inquiète, puisque la plupart des analystes s’attendent à une croissance de 7%.

Pourtant, comme toujours, les éléments encourageants sont nombreux. Les salaires augmentent (au rythme d’environ 14% par an), Pékin a lancé plusieurs mesures depuis cet été pour contrôler le crédit et le surinvestissement et les entreprises chinoises investissent de plus en plus à l’étranger — si vous n’avez pas lu l’article que Florent Detroy a consacré au partenariat entre Peugeot et Dongfeng, vous pouvez le découvrir ici.

Enfin, dans le dernier Défis & Profits, j’aijustement décidé de miser sur la hausse des salaires en Chine, qui profite aux économies meilleur marché de la région, comme le Vietnam. Les délocalisations d’usines de la Chine s’y multiplient et tous les grands groupes asiatiques s’intéressent à son formidable potentiel de croissance.

En plus, contrairement aux autres pays asiatiques, le Vietnam a fait preuve d’une grande capacité de résistance aux troubles qui ont frappés les émergents ces derniers mois. Comment investir au Vietnam pour un investisseur particulier français ? C’est que je vous propose de découvrir dans Défis & Profits ce mois-ci.

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