La Chronique Agora

Croissance économique en Chine : la fin des Années folles

▪ Mario Draghi a déclenché une émeute la semaine dernière. Les investisseurs se sont rués sur les marchés boursiers comme des pillards espérant mettre la main sur une nouvelle télévision. Les cours ont grimpé.

La cause présumée de tout ce brouhaha ? Les indications de Draghi que la BCE pourrait revenir à la charge avec un nouvel assouplissement quantitatif.

Pourquoi ferait-il une chose pareille ?

Peut-être a-t-il observé les chiffres de vente d’engins jaunes. Selon Caterpillar, non seulement les ventes ont chuté tous les mois depuis trois ans — mais ça empire. En septembre, pas une seule des régions concernées n’a enregistré d’augmentation ; la baisse était générale.

Soit CAT est une entreprise épouvantablement mal gérée… soit il se passe autre chose.

Le véritable objectif est d’aider les banques à se débarrasser de certaines de leurs erreurs en les refourguant à la BCE et au contribuable

C’est une belle journée, ici à Lausanne. Nuageux, mais pas trop froid. Ni trop chaud. Nous avons bien dormi. Nous sommes de bonne humeur. Nous nous intéressons donc à la moitié du verre que Draghi doit étudier — la moitié vide. Après tout, Draghi doit avoir des raisons de mentionner une nouvelle vague de QE. (Nous allons taire notre soupçon plus sombre : c’est purement et simplement une question d’initiés… et le véritable objectif est d’aider les banques à se débarrasser de certaines de leurs erreurs en les refourguant à la BCE et au contribuable).

▪ De la BCE à Trenton
Lorsqu’on prend le train de Baltimore à New York, on passe par la ville de Trenton, dans le New Jersey. Là, bien visible, se trouve une preuve de la gloire passée de la cité : "Trenton fabrique, le monde achète".

Ce panneau a dû être érigé dans les années 20 ou 30… alors qu’il était encore vrai. Dans les années 80, c’est Trenton qui achetait — à la Chine, en majeure partie.

Les Etats-Unis étaient la Chine du début du 20ème siècle. Ils étaient le producteur à bas coût de la planète, son principal exportateur de biens manufacturés. Durant la Première Guerre mondiale, c’est vers les Etats-Unis que la Grande-Bretagne — alors le principal empire — s’est tournée. La Grande-Bretagne avait besoin de ravitaillement, de carburant, d’armes, de camions et de tout ce qu’il fallait pour mener une guerre. Les Etats-Unis ont pris les commandes avec joie, jusqu’à ce que le Royaume-Uni fasse faillite.

Ce n’était pas la fin de l’histoire. Après la guerre, l’or a continué à affluer aux Etats-Unis, en remboursement des dettes de guerre. L’or était la fondation de la masse monétaire américaine, et elle a planté le décor pour un gigantesque boom économique. Les Années folles étaient, fondamentalement, une bulle économique et financière. Elle avait été générée par le fait d’avoir plus d’argent à prêter et dépenser, et par la manipulation des banques centrales. En 1927, la Fed décida d’abaisser les taux d’intérêt aux Etats-Unis dans le but de réduire la valeur du dollar. Pour autant que nous en sachions, c’était la première fois que la Fed intervenait sur les marchés du crédit dans le but d’améliorer l’économie.

▪ Ce fut un désastre
Les actions s’envolèrent. M. et Mme Tout-le-Monde se ruèrent sur les marchés, espérant devenir riches. La dette de marge augmenta. Les usines ajoutèrent de la capacité. Les dépenses grimpèrent en flèche. Puis le marché s’effondra. La situation se serait probablement résolue toute seule assez rapidement si l’esprit d’activisme n’avait pas infecté le reste du gouvernement. Hoover se mit au travail… suivi par Roosevelt, tous deux tentant maladroitement de "faire quelque chose" pour mettre fin à la correction. Leurs actions prolongèrent une correction normale, la transformant en Grande dépression.

Mais c’est une longue histoire. Ce que nous contons aujourd’hui, c’est comment les "relances" monétaires ont mis une économie en surchauffe, menant à un krach et une dépression. C’est arrivé à la plus grande nation exportatrice du monde — les Etats-Unis — dans les années 20 et 30. On peut affirmer qu’il arrive une chose similaire au plus grand exportateur du monde aujourd’hui.

Le taux de croissance réel de la Chine pourrait n’être que la moitié des 7% déclarés

A présent, c’est la Chine qui fabrique et le reste du monde qui achète. Mais le taux de croissance réel de la Chine pourrait n’être que la moitié des 7% déclarés, selon certains analystes. Nombreux sont ceux qui disent que la Chine fonctionne selon des règles différentes, un ensemble différent de principes économiques. Oui, oui…

En ce qui nous concerne, nous sommes d’avis que les lois de la gravité s’appliquent en Chine comme ailleurs. Après ses propres "Années folles" dans les années 80, 90 et 2000… la Chine doit être en train de revenir sur terre. Et nombre d’autres choses chutent aussi. Lorsque les usines chinoises tournent moins, elles ont besoin de moins de fer, de cuivre, d’étain et de pétrole. Et lorsqu’elles ont besoin de moins de ces ressources, les pays qui les produisent ont moins d’argent à dépenser.

Ils ne sont pas les seuls. La Chine s’est développée pour répondre à la demande de ses clients à l’étranger — nombre d’entre eux aux Etats-Unis. A présent, ces clients ont eux aussi moins à dépenser. Moins d’argent part en Chine… ses réserves étrangères chutent… sa masse monétaire décline… son économie ralentit… et toute l’économie mondiale avec.

C’est très probablement la signification du dernier rapport de Caterpillar — les ventes mondiales étant en baisse pour le 11ème mois consécutif à des taux à deux chiffres.

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