La Chronique Agora

Faire de la crise des réfugiés une opportunité de « laissez-faire »

Migrants embargo sanctions

L’Union européenne a récemment inauguré sa nouvelle agence de contrôle des frontières en la dotant d’un budget de 320 millions d’euros. Mais elle ne mettra pas fin aux flux de personnes qui cherchent à fuir l’oppression et la misère.

Il est avéré que les restrictions migratoires favorisent l’essor du trafic clandestin de migrants auquel sont notamment affiliés des groupes criminels et terroristes. L’Europe dit vouloir lutter contre cette industrie qui n’existe pourtant qu’en raison des contraintes qu’elle fait peser sur le commerce légal des transports et la circulation des personnes.

L’illusion « sécuritaire » des restrictions migratoires

Pourquoi un réfugié irait-il dépenser jusqu’à 2 000–3 000 euros pour embarquer clandestinement dans un bateau de fortune quand 400 euros suffisent à acheter un billet d’avion ?

Puisque les règles européennes dissuadent les compagnies régulières de transport de vendre leurs prestations à des individus dépourvus d’autorisation, les filières clandestines en font leur fonds de commerce.

Forcer les candidats à la migration à payer des tarifs au-dessus du prix de marché pour venir en Europe ne fait rien d’autre que les appauvrir inutilement.

Pourquoi les migrants de Calais ne veulent-ils pas du « merveilleux-modèle-social-français » ?

Les motivations premières des candidats à l’immigration ne sont pas liées aux prestations sociales auxquelles ils n’ont d’ailleurs pas droit pour la plupart. Les politiciens français feignent à ce propos de ne pas voir que les migrants de Calais fuient « le modèle social que le monde nous envie » pour rejoindre le diable britannique qui – malgré le Brexit – demeure visiblement plus attractif que certains pays européens. Interdire à ces populations de travailler revient donc à priver l’économie locale d’une main d’oeuvre productive tout en nourrissant davantage les réseaux clandestins et mafieux sur le territoire communautaire.

En France, l’insertion dans la société est rendue plus difficile qu’au Royaume-Uni. Pour travailler pour et subvenir à leurs besoins, les émigrés doivent obtenir une autorisation provisoire de travail délivrée par la préfecture « en fonction des besoins » du marché.

En France, la bureaucratie meilleur juge que le marché

La préfecture se donne le droit de refuser cette autorisation si le chômage est « trop important » dans l’industrie considérée.

Les bureaucrates de l’administration française conçoivent le marché de l’emploi comme un gâteau fixe. Pourtant, comme l’écrivait Frédéric Bastiat, il y a « ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas ». L’arrivée de nouveaux entrants sur un marché créé toujours plus de besoins à satisfaire. C’est pourquoi l’existence d’une causalité entre immigration et chômage n’a jamais été démontrée.

Le pouvoir accordé aux préfectures de refuser une autorisation de travail en fonction d’une statistique de chômage laisse entendre que des bureaucrates seraient aptes à évaluer l’utilité d’un individu sur le marché. Or cette utilité ne peut être révélée qu’à l’issue d’un processus concurrentiel libre et non en amont de celui-ci.

En France, le corporatisme encore et toujours

L’autorisation provisoire de travail n’est malheureusement pas la seule barrière à surmonter. Il faut ajouter à celle-ci les conditions de diplôme et les agréments qui restreignent l’accès à la plupart des professions réglementées. Mentionnons enfin le salaire minimum qui entrave l’inclusion des travailleurs les moins qualifiés.

Il semble que les administrations se plaisent à écouter les revendications corporatistes de quelques syndicats et autres fédérations professionnelles qui ont intérêt à élever les barrières à l’entrée contre les aspirants travailleurs. Ces barrières génèrent un véritable gâchis de ressources humaines quand on sait les réfugiés ont une forte aspiration à l’autonomie et à l’entrepreneuriat. Peu d’entre nous seraient en effet capables de supporter les épreuves auxquelles ils ont dû faire face en venant en Europe.

La mauvaise solution de l’Etat-providence

Plutôt que de permettre aux réfugiés de subvenir à leurs besoins, l’Etat s’est mis en tête de les prendre en charge dans des centres d’accueil. Nous retrouvons là les errements classiques de l’Etat-providence : à la liberté d’entreprendre qui nourrit la mobilité sociale les politiciens substituent la dépendance à la bureaucratie qui fige les populations dans leurs conditions. L’Etat casse les genoux des migrants, leur vend des béquilles puis clame haut et fort que sans lui, ils ne marcheraient pas aussi bien.

A la neutralisation des incitations productives s’ajoutent les frustrations des locaux. En effet, l’Etat substitue le jeu à somme positive qu’est le libre-échange de services au jeu à somme nulle que sont les transferts fiscaux. Ce n’est pas un hasard si les Etats-providences les plus « généreux » se trouvent dans les pays les plus ethniquement homogènes.

Là où le commerce fédère indépendamment des appartenances culturelles, l’Etat-providence divise en faisant passer les migrants pour ce qu’ils ne sont pas : des parasites qui voudraient vivre aux crochets des locaux. La plupart des autochtones se sentent ainsi dépossédés du libre-exercice de leur solidarité. Cela favorise les ressentiments et complique la coexistence entre locaux et étrangers.

Un marché libre, tout simplement

La meilleure manière d’absorber convenablement les flux de populations réside donc dans la liberté en tout.

Liberté d’échanger, d’entreprendre, et de s’affilier aux divers mécanismes de protection sociale, eux-mêmes soumis au régime de la libre-concurrence pour permettre à chacun de se protéger contre les aléas de la vie en fonction de ses préférences.

« Personne ne s’informait de ma nationalité, de ma religion, de mon origine, et – ce qui peut paraître fantastique dans notre monde d’empreintes digitales, de visas et de rapports de police – j’avais voyagé sans passeport. Il y avait là du travail qui attendait son homme, et cela seul était décisif. Le contrat était conclu en une minute, dans ces temps de liberté devenus légendaires. Sans intervention gênante de l’Etat, sans formalités et sans trade unions. »
Stephan Zweig, Le Monde d’Hier

 

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