▪ Un titre du cahier « marchés » la semaine dernière dans le Wall Street Journal :
« Les actions ne parviennent pas à sortir de la morosité ».
Se pourrait-il que nous soyons au début de l’effondrement prévu par Marc Faber ?
Oui, bien entendu. Mais on ne sait jamais. M. le Marché est un petit plaisantin. Impossible de deviner ce qu’il mijote.
Ca n’a guère d’importance. Aux prix actuels, il y a bien plus de risques à la baisse qu’il y a de récompenses à la hausse. Après avoir atteint les plus hauts bénéfices enregistrés depuis des décennies, que sont censées faire les entreprises ? Et alors que les revenus des ménages sont encore en stagnation ou en baisse, comment vont-elles le faire ?
Les lecteurs intelligents devraient sortir des marchés actions. A moins d’avoir une sélection ultra-solide… ou une perspective de très long terme… et d’être prêt à vivre un cycle déflationniste/marché baissier (qui pourrait prendre 10 ans ou plus)… vous devriez en sortir.
▪ Mais alors… où aller ?
Les obligations ? Non.
Alors quoi ?
Les liquidités !
« Je dis toujours à mes clients », a dit un courtier auquel nous avons parlé la semaine dernière, « qu’il n’y a pas de honte à avoir des liquidités. Mais ils ne veulent pas l’entendre. Ils pensent qu’on ne peut pas gagner d’argent avec le cash. Ils s’inquiètent de l’inflation. Ils veulent juste être investis. Mais en ce moment… les liquidités ne sont pas une mauvaise chose. Ce pourrait même être le meilleur investissement qu’ils puissent faire ».
Oui, cher lecteur, il y a un temps pour tout. Il y a un temps pour gagner de l’argent. Et il y a un temps pour ne pas en perdre. On est dans cette configuration actuellement : le meilleur que vous puissiez faire est probablement de ne pas perdre.
Le meilleur moyen d’y parvenir en ce moment, c’est d’avoir des liquidités. Vous manquerez peut-être une petite hausse. Mais vous éviterez plus probablement une bonne partie de la baisse. Ensuite, quand on atteindra enfin le plancher… en 2017, disons… vous aurez tout ce qu’il faut pour acheter.
Mais ne vous pressez pas. Le Japon nous montre ce qui peut arriver — à plus d’un titre.
D’abord, on peut avoir un marché baissier qui réduit de 75% la valeur de vos actions… et les maintient au plancher pendant 20 ans.
Ensuite, vous pouvez avoir les autorités qui réagissent en transformant toute l’économie en zombie. Nous brodons sur ce thème depuis des années. A présent, la presse financière grand public s’y met aussi. Voici John Plender dans le Financial Times :
« Le Japon calcule le coût ‘zombie’ de l’argent facile ».
« Le débat sur l’efficacité des mesures de politiques monétaires non-conventionnelles comme l’assouplissement quantitatif demeure peu concluant. Cependant, l’expérience du Japon suggère qu’il existe un effet clairement négatif des politiques monétaires ultra-souples : elles causent des dommages structurels à l’économie ».
« Le problème plus profond, c’est que cette souplesse monétaire tend à geler la structure industrielle existante. Si l’on prend le point de vue autrichien de Von Mises, Schumpeter ou Hayek, la bulle japonaise qui a éclaté en 1990 a favorisé des distorsions économiques — des investissements nourris par le crédit ont été faits dans des capitaux réels qui se révèlent facteurs de pertes quand une bulle du crédit implose. Les conséquences de ces décisions d’investissement malavisées mettent longtemps à s’évacuer du système, tandis que les secteurs qui se sont développés en réponse à une demande élevée durant la bulle se retrouvent avec un excès de capacité. L’élimination de cet excès et le processus d’ajustement à une nouvelle structure industrielle pour refléter le changement de demande — ce qui dans le cas du Japon signifie une réorientation des services pour répondre au vieillissement de la population — est invariablement douloureux ».
« Dans les faits, les coûts de financement bas du Japon ont entravé le processus appelé ‘destruction créatrice’ par Joseph Schumpeter parce que les entreprises ‘zombies’ ont été maintenues à flot à coût élevé pour la compétitivité des autres ».
▪ Il faut aller plus loin
Selon M. Plender, la Chine devrait être le prochain pays à être attaqué par les zombies. Afin de maintenir son taux de croissance élevé, la Chine rend le capital trop bon marché… et finance trop de capacité inutile.
Mais cette définition est trop étroite. M. Plender fait allusion uniquement aux entreprises (ou secteurs) non-profitables maintenues en activité par des coûts de financement super bas.
Ce qui se passe vraiment, c’est que le monde zombie tout entier est soutenu par le gouvernement… des bons d’alimentation aux avions de combat F-16… des banques aux constructeurs immobiliers… Progressivement, petit à petit, une quantité croissante de l’énergie et des ressources du pays va nourrir les zombies.
On pourrait se dire qu’un grand nombre de zombie va tomber de la « falaise fiscale ». C’est peu probable. Tant que les élections étaient à venir, aucun des deux partis n’avait quoi que ce soit à gagner en faisant des compromis. Obama aurait semblé faible s’il avait consenti à des réductions de dépenses. Les républicains auraient eu l’air lâche s’ils avaient accepté des hausses d’impôts.
Maintenant que l’élection est terminée, tant les républicains que les démocrates ont intérêt à se mettre d’accord pour que les zombies les laissent tranquille. Les républicains accepteront des hausses d’impôts. Les démocrates accepteront des réductions de dépenses. Tout l’exercice reviendra à des queues de prune.
La question importante, c’est de savoir quelle quantité d’énergie est consacrée au soutien des zombies plutôt qu’à une activité productive.
Les autorités peuvent faire beaucoup. Mais elles ne peuvent pas continuer à développer la dette quatre fois plus vite que le taux de PIB sans faire faillite. Personne ne le peut.
Et elles ne peuvent étayer les banques, les compagnies d’assurance, le secteur immobilier, les handicapés et les sous-traitants de la défense sans créer une économie zombie.
Il va falloir faire quelque chose.
Alors si le gouvernement peut mettre des hommes sur la Lune… pourquoi pas des zombies ?