Les initiés pourront remplir les canots de sauvetage avec des mallettes de dollars pendant quelques jours de plus, avant que la Fed ne revienne casser l’ambiance.
Janet Yellen a parfaitement instrumentalisé la carte du couperet du 31 mai à minuit pour convaincre les marchés que tout serait de la faute des politiques (ceux « du camp d’en face » forcément, au-dessus duquel plane l’ombre maléfique de Donald Trump) si Wall Street devait plonger de 45%, et si la note des Etats-Unis devait être dégradée de 2 crans puis, qui sait, se trouver ravalée au niveau de celle de la Grèce d’ici les présidentielles de novembre 2024.
Le stress avait atteint une telle intensité à 48 heures de cette « fin du monde » que le S&P 500 repassait tranquillement dans un marché haussier au-delà des 4 200 points dès ce lundi 29, et le Nasdaq composite au-dessus des 13 000, grâce à l’arrivée d’une 6ème recrue dans le club très fermé des entreprises à 1 000 Mds$ de capitalisation, Nvidia (qui se paye désormais 200 fois ses profits et 40 fois son chiffre d’affaires).
Quelques jours de répit
Finalement, le coup de bluff de l’ex-patronne de la Fed s’est conclu par un coup de théâtre digne des plus grands scénaristes d’Hollywood… spécialisés dans les séries Z à petit budget : quelques milliards de dollars ont été retrouvés – au fond des tiroirs du département du Trésor et derrière une vieille commode du Bureau Ovale –, du coup, la date du défaut des Etats a été repoussée du 1er au 5 juin.
Le Congrès a donc le temps de voter l’accord trouvé in extremis entre dirigeants des deux camps politiques, ce qui calmera les états d’âme des uns des autres.
Mais tout ceci n’est que mascarade. Les discussions achoppaient sur le plafonnement des dépenses fédérales à 1% durant 10 ans. Ce délai est finalement ramené à 2 ans, et il ne concerne pas les budgets militaires, qui devraient augmenter de 3,3% – à 888 Mds$ – en 2024.
Ce changement de date donne surtout quelques jours supplémentaires aux initiés pour gagner les issues de secours et remplir les canots de sauvetage avec des mallettes de billets. Du moins, avant que les gérants ne portent un toast à l’accord providentiel du 5 juin… puis se demandent enfin comment le Trésor américain va s’y prendre pour lever 730 Mds$ d’ici la fin de l’été (donc sur 3 mois) et 1 250 Mds$ d’ici janvier 2024.
Quand la Fed attire toutes les liquidités
Le consensus le plus répandu est que la Fed va procéder à des émissions de billets de trésorerie de maturité courte, de façon à ne pas provoquer une dégradation des taux longs… mais cela ne résout pas le problème du manque de liquidités qui est déjà patent, comme le démontre la contraction historique des volumes au quotidien à Wall Street.
En effet, 50% des échanges sont concentrés sur 10 des titres du S&P 500 ou du Nasdaq 100, et cette dizaine de titres représentent presque la totalité de la performance des indices américains cette année.
Imaginez que la Fed se mette dès le 6 juin à terroriser Wall Street avec des menaces de hausse de taux lors de sa prochaine réunion, le 14 juin, puis une fois de plus fin juillet ?
Cela résoudrait deux problèmes : les volumes feraient leur grand retour sur des marchés d’action désertés… et les capitaux en quête de sécurité fileraient s’investir sur des bons du Trésor américains qui, à l’heure actuelle, ne trouveraient pas preneur pour des montants dépassant les 240 Mds$ par mois.
Mais si les actions se mettent à brûler les doigts des gérants, tandis que le monétaire rapporte du 5,5% en disputant des parties de golf tout l’été, les arbitrages entre actions et obligations pourraient être vite réalisés.
On notera en effet que le Nasdaq 100 a déjà rapporté plus de 31% depuis le 1er janvier et le Nasdaq composite 24,5% (ce qui fait déjà une année à 36% dans le premier cas, et 30% dans le second), donc que les pertes de 2022 sont d’ores et déjà effacées avant même la fin du premier semestre.
Dans ces conditions, le golf est d’autant plus intéressant.