La Chronique Agora

Les contribuables américains et européens vont devoir vider leurs poches

▪ Plus les commentateurs en font des tonnes sur une information positive même pas vérifiable et contraire aux réglementations européennes, plus vous pouvez être certain que les raisons de la hausse du jour sont complètement bidon. Mais en même temps, comment ne pas s’attendre à des manoeuvres — dont la logique échappe au grand public — la veille de l’expiration du contrat sur le VIX qui survenait ce mercredi en début d’après-midi ?

Les manipulations indicielles — plus elles sont grosses, plus ça passe — sont devenues systématiques à la veille des échéances mensuelles depuis le mois de juin. Les marché ont en effet été saisis d’une bouffée d’euphorie complètement déconnectée de l’actualité le 19 juin (+1,75%), le 18 juillet (+1,84%) et le 21 août (+1%) — ce fut moins spectaculaire, certes, mais l’indice CAC 40 inscrivit ce jour-là son zénith mensuel !

A chaque fois, ce furent des hausses anachroniques mais les pseudos-économistes qui ne raisonnent que dans le sens du vent (le marché a toujours raison) et les inévitables permabulls s’en sont tiré avec des « moins pire que prévu » ou des rumeurs fallacieuse de sauvetage de l’Espagne dont le démenti fut ensuite pudiquement passé sous silence.

▪ Les vraies informations sont passées sous silence
Regardez ce qui s’est passé mardi. La seule véritable information du jour a été la brutale rupture des négociations entre la Troïka et le gouvernement grec, à trois jours du sommet européen. Mais les médias nous ont asséné en boucle la rumeur du recours espagnol au MES, sur la foi d’une pseudo-déclaration d’un député allemand qui a dû démentir en fin de journée l’interprétation tirée de ses propos.

Bientôt, on nous fera croire que la Bourse peut grimper de 3% par la magie d’une petite phrase glanée sur le blog du cousin du chauffeur d’Angela Merkel qui aurait entendu la « patronne » discuter avec un correspondant qui avait un fort accent chinois.

C’était pour réserver une table au restaurant Au canard laqué berlinois mais pour les marchés, la non-information se transformerait après plusieurs déformations en : « Merkel discute avec Pékin en vue d’entamer des négociations sur un rachat massif de la dette espagnole détenue par les banques allemandes ».

▪ La magie des « Trois sorcières »
Comment ne pas soupçonner que la camisole algorithmique a repris du service face à la stagnation quasi surnaturelle du Dow Jones (+0,04% au final) autour de 13 540 pendant plus de six heures — avec comme seul relief, une brève inflexion baissière (-0,25%) survenue vers 19h30.

Le Nasdaq est également resté à l’arrêt vers 3 110 points (+0,1%) et le S&P scotché aux 1 460 points (+0,4%). C’est comme si tous les opérateurs étaient partis faire un tennis dès le début de la matinée et avaient branché Wall Street sur pilote automatique — idem pour le pétrole à New York vissé sur les 92 $ — avec comme seule instruction de faire clôturer les indices sur un gain symbolique.

Mission accomplie et les opérateurs ont tout lieu de s’en féliciter. A 48 heures de la séance des « Trois sorcières », Wall Street tutoie au plus près son zénith annuel. Il ne reste plus qu’à donner une dernière petite impulsion de 0,7% d’ici demain soir pour le retracer ou le déborder à la marge.

Paris se retrouvait mercredi soir dans une situation comparable. Après avoir oscillé au sein d’un corridor de 0,5% d’amplitude pendant plus de huit heures et 20 minutes, le CAC 40 s’est arraché au-dessus des 3 520 points (ex-zénith du 21 août dernier) à un quart d’heure du fixing.

Les places européennes ont conservé un cap haussier suite au maintien de la note de l’Espagne en catégorie investment grade par Moody’s. Cette décision avait été annoncée mardi en fin de soirée, justifiant a posteriori les 2,5% engrangés quelques heures auparavant sur des prétextes dont nous avons démontré l’aspect illusoire.

Il n’a pas fallu plus de 24 heures pour avoir la confirmation du caractère décidément très paradoxal des marchés. Ils ont eu l’occasion de s’enflammer hier vers 14h30 mais n’ont pas réagi lors de la publication d’un bond très inattendu de 15% des mises en chantier de logements au mois de septembre aux Etats-Unis. Cela représente 872 000 unités en rythme annuel, soit 100 000 de plus que le montant anticipé par les économistes.

Forte hausse également des dépôts de permis de construire (+11,6%). De tels chiffres tendent à confirmer le scénario d’un redressement du marché de l’immobilier aux Etats-Unis sous l’impulsion de la politique monétaire ultra-accommodante de la Fed.

▪ Les banques ferment temporairement le robinet
En réalité, avec le ralentissement des saisies immobilières (tarissement naturel des procédures de foreclosure), les banques ont décidé avec une belle unanimité de restreindre la vente des millions de logements qu’elles détiennent en stock. Si elles avaient continué de les distiller sur les marchés, cela aurait rendu pratiquement inutile la mise en chantier de logements neufs et rendu impossible le moindre redressement des prix immobiliers depuis début 2012.

Il convient donc de considérer avec une certaine prudence les signes forts de regain de l’activité immobilière aux Etats-Unis.

Les banques américaines ont fermé temporairement le robinet. Cela redonne un coup de jeune au marché de la construction, soutient l’emploi, relance l’industrie du crédit et détourne l’attention des marchés de l’encours de biens immobiliers qu’elles continuent de détenir — par calcul — et de façon totalement délibérée.

C’est exactement la stratégie appliquée par les banques espagnoles. Ne pas vendre pour ne pas faire s’effondrer le marché. Ajoutez à cela une motivation supplémentaire : une bonne partie du stock est réellement invendable parce qu’inachevé ou carrément inhabitable.

En patientant suffisamment longtemps, les banques américaines parviendront peut-être au même résultat. Un bien inoccupé se dégrade, des volets clos et une pelouse non entretenue finissent par attirer l’attention des pilleurs et des vandales… au final, il vaudra mieux passer un coup de bulldozer.

Une stratégie doublement payante puisque la Fed se propose également de passer un coup d’éponge sur les créances immobilières des banques américaines avec les rachats de MBS prévues dans le cadre d’un QE3 qualifié d’illimité.

Tout ceci paraît merveilleusement orchestré, d’une totale pertinence en période de ralentissement économique… mais il y a forcément un loup !

Les créances pourries ne disparaissent pas comme par miracle du système financier. Nous retrouvons cette bonne vieille recette chère aux banquiers qui consiste à privatiser les gains (générés par un certain renouveau de l’activité de prêts immobiliers) et à nationaliser les mauvaises dettes !

Car c’est bien le contribuable américain qui garantit en dernier ressort les actifs douteux inscrits au bilan de la Fed, tout comme les contribuables européens ne vont pas tarder à garantir les créances achetées par le MES !

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