▪ Oh là là… Par où commencer ?
Il y a tant de sottises dans l’actualité que nous avons du mal à décider de qui rire en premier.
Que pensez-vous de ça, par Reuters :
« Le président de la Réserve fédérale, Ben S. Bernanke, a défendu la politique monétaire de la banque centrale [américaine] dimanche dernier contre les critiques disant qu’elle nuisait aux économies des pays émergents ».
« M. Bernanke a souvent défendu les actions de la Fed contre ses critiques internes, pour qui maintenir la politique de taux d’intérêt proches de zéro tout en favorisant les achats d’actifs nuit aux épargnants et fait courir le risque d’une future inflation ».
« Mais dans un discours [à Tokyo], il s’est adressé aux critiques étrangers en disant qu’une croissance plus vigoureuse aux Etats-Unis soutient aussi les perspectives mondiales, contrant les gens comme Guido Mantega, ministre des Finances brésilien, qui a déclaré que le dernier effort de relance de la Fed était ‘égoïste’. »
« Selon les critiques, les politiques peu orthodoxes de la Fed affaiblissent le dollar et soutiennent les devises des pays en voie de développement, sapant leurs capacités d’exportation ».
« ‘Il n’est pas du tout certain que les politiques accommodantes dans les économies avancées imposent des coûts nets sur les économies des marchés émergents’, a déclaré M. Bernanke lors d’un événement parrainé par la Banque du Japon et le Fonds monétaire international ».
« ‘Cette politique n’aide pas seulement la reprise de l’économie américaine ; en stimulant les dépenses et la croissance US, elle a également pour effet de contribuer au soutien de l’économie mondiale’, a dit M. Bernanke ».
« M. Mantega a dit vendredi aux 188 pays membres du fonds monétaire que cette politique était égoïste et qu’elle nuisait aux marchés émergents en leur dérobant leur part d’exportations et en favorisant les flux de capitaux et les mouvements de devise déstabilisants ».
Bien entendu, M. Mantega a raison. L’idée de la Fed, c’est de dévaloriser le dollar et de stimuler « l’instinct animal » qui pousse les investisseurs à prendre des risques et les consommateurs à vider les stocks… C’est aussi — ce qui n’est pas une coïncidence — de permettre aux plus grandes banques de la planète d’engranger des milliards de dollars de profits immérités. Il suffit de regarder les valeurs bancaires… elles sont de retour à la hausse.
Pourquoi s’en tirent-elles si bien ? Parce que la Fed distribue de l’argent. Et elles sont les premières dans la file.
▪ M. Mantega a raison !
Tout ce spectacle serait absurde s’il n’était pas aussi très amusant. En réalité, la Fed ne peut pas engendrer plus de ressources, plus de vrais capitaux, plus de savoir-faire, plus d’emplois ou plus de production. Elle ne peut que créer plus de devise papier… la donner à ses amis… et dévaluer ainsi l’argent détenu par tous les autres. Il devient plus attractif d’acheter aux Etats-Unis qu’au Brésil, par exemple. La Fed fait donc exactement et uniquement ce que M. Mantega l’accuse de faire.
Mais une fois qu’on a pris une route désespérément fausse, autant continuer ! Tel est le message que nous donnait hier matin Larry Summers dans le Financial Times.
M. Summers nous gratifiait des pleurs et grincements de dents habituels. La production mondiale est inférieure de 1 000 milliards de dollars à celle de 2007, souligne-t-il. L’économie américaine est en route pour la falaise fiscale. L’Europe ne sait plus où elle en est. Le Japon stagne.
Que faire ?
Ha ha ha… le « point de vue du soutien de la demande », dit-il, serait un moyen de « redémarrer la croissance économique et de lancer un cercle vertueux dans lequel la croissance des revenus, la création d’emploi et le raffermissement financier se renforcent mutuellement ».
Redémarrer ? Cercle vertueux ? Allons, Larry, vous pouvez faire mieux que ça ! Que pensez-vous d' »amorcer la pompe » ?
Oui, les manipulateurs retombent dans les vieux clichés et métaphores usés d’il y a un demi-siècle. Dommage qu’ils ne remontent pas un peu plus loin dans le temps. Ils trouveraient des économistes qui savaient vraiment de quoi ils parlaient.
John Stuart Mill en 1844 :
« Les tentatives du gouvernement d’encourager la consommation ont généralement pour effet de simplement empêcher l’épargne ; c’est-à-dire de promouvoir la consommation improductive aux dépens de la consommation productive, et de diminuer la richesse nationale par les moyens mêmes qui étaient censés l’augmenter. Pour s’enrichir, un pays n’a jamais besoin de consommation, mais bien de production. Là où il y a la seconde, on peut être sûr que la première ne manque pas ».
Et là où il n’y a pas la seconde — pas d’épargne, pas de formation de capitaux, pas d’investissements productifs — il n’y aura pas la première non plus. C’est pour cette raison que les salaires ne grimpent pas… que les revenus des ménages stagnent depuis 20 ans… et que la consommation réelle de la classe moyenne (par opposition à ceux qui obtiennent l’argent contrefait de la Fed) baisse.