La Chronique Agora

Les conséquences bien réelles d’une crise bancaire

▪ Le 15 septembre 2008 fut un mauvais jour pour Wall Street. Lehman Bros. déclara faillite. Le Dow perdit plus de 500 points.

Putnam Investments ferma un fonds monétaire de 12,3 milliards de dollars. Mizuho Trust and Banking divisa ses prévisions de gains par deux. Et le NYSE suspendit le titre Constellation Energy après que son cours eut chuté de 57%.

Ce n’était qu’un début.

Le jeudi suivant… la Réserve fédérale constata une tendance étrange et alarmante. Le cash était en train de disparaître. Les flux sortant des comptes de marchés monétaires dépassèrent les 550 milliards de dollars en moins de deux heures. Si la tendance s’était poursuivie…

Le parlementaire Paul Kanjorsky (Pennsylvanie) se souvient :

Les gens qui affirmaient que nous serions revenus au 16ème siècle étaient optimistes

"Pour aider, le Trésor US a ouvert les vannes et injecté 105 milliards de dollars dans le système avant de rapidement réaliser qu’il ne pouvait pas lutter contre le courant. Nous avions une ruée électronique sur les banques. Ils ont décidé de mettre fin à l’opération, de fermer les comptes monétaires… S’ils ne l’avaient pas fait, selon leurs estimations à 14h cet après-midi-là, 5 500 milliards de dollars auraient été retirés et auraient fait s’effondrer l’économie US ; en 24 heures, l’économie mondiale y serait passée elle aussi. Nous avons parlé, à l’époque, de ce qui serait arrivé. Cela aurait été la fin de notre système économique et politique tel que nous le connaissions. Les gens qui affirmaient que nous serions revenus au 16ème siècle étaient optimistes".

Neel Kashari, du Trésor US, en a dit plus. Il parlait de ce qui ne s’est pas produit en 2008-2009 :

"Littéralement, votre distributeur n’aurait pas fonctionné. On entre son code et aucun argent ne sort. Vous recevez votre salaire en chèque et vous ne pouvez pas l’encaisser".

"L’argent liquide était si limité que les distributeurs automatiques auraient pu cesser de fonctionner. Les choses auraient vraiment pu échapper à tout contrôle"… a ajouté Laurence G. McDonald, co-auteur du best-seller A Colossal Failure of Common Sense : the Inside Story of the Collapse of Lehman.

▪ L’effondrement d’un système
Peu de gens avaient compris ce qui se passait : pour la première fois de l’histoire, un système financier basé sur le crédit était en train de partir en lambeaux. Et ceux qui le comprenaient le moins étaient précisément ceux qui étaient aux commandes.

Ben Bernanke, le 10 juin 2008 :

"Le risque que l’économie ait entamé un retournement substantiel semble avoir diminué au cours du mois écoulé".

Ce soir, va à un distributeur et retire le maximum possible. Recommence demain, et encore dimanche

Tandis que M. Bernanke n’avait pas la moindre idée de la situation, d’autres avaient pigé. L’un d’entre eux savait aussi quoi faire :

"Vendredi soir j’ai appelé ma femme et j’ai dit, ‘Brooke, je ne rentre pas ce week-end. Je t’appellerai lundi. Ce soir, va à un distributeur et retire le maximum possible. Recommence demain, et encore dimanche".

Richard Burr, sénateur de Caroline du Nord, était convaincu, dit-il, "que si l’on mettait une carte en plastique dans un distributeur, la dernière chose qu’on obtiendrait, c’était du cash".

Tous les systèmes financiers doivent faire face à de la pression de temps à temps. Le choc de 2008-2009 a été sévère. Mais il n’a jamais atteint le niveau craint par le sénateur Burr.

La prochaine fois, prédisons-nous, ce sera le cas… et pire encore. Parce que les tensions, déséquilibres, distorsions et mauvais investissements qui ont causé la correction de 2008-2009 sont bien pires aujourd’hui qu’à l’époque. Et les mêmes écervelés sont aux commandes.

Les actions sont encore plus surévaluées. Il y a des bulles dans les prêts automobiles, les prêts étudiants, les obligations d’entreprises. Et il y a 8 000 milliards de dollars de dettes supplémentaires dans les secteurs public et privé — rien qu’aux Etats-Unis.

Qui plus est, la Fed a déjà joué les atouts qu’elle avait dans sa manche. Elle a abaissé ses taux jusqu’à zéro il y a six ans. Et c’est là qu’ils sont restés, servant uniquement à enrichir plus encore les 1% les plus riches… et aggravant les anomalies d’une économie déjà grotesque et déformée.

A la prochaine crise, des millions de gens suivront probablement le conseil du sénateur Burr à sa femme. Ils se précipiteront sur les distributeurs. Et les dollars — les bons vieux billets verts à l’ancienne — disparaîtront.

A suivre…

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