La Chronique Agora

Conseil pour les moins de 11 ans

Warren Buffett

Warren Buffett

Ignorez l’avis de Warren Buffett. Ce qui l’a enrichi depuis 1942 — date à laquelle il avait 11 ans — ne se reproduira pas. Voici pourquoi.

Cohen, Kim, Powell, Xi, Poutine… nous avons du mal à suivre.

Les investisseurs, eux, curieusement, sont blasés. Les marchés continuent de grimper — sans doute parce que M. Powell a dit au Congrès qu’il avait la situation bien en main… et que la Fed serait là pour aider les investisseurs.

Voici ce qu’a dit M. Powell :

« Avec une politique de taux dans le canal neutre, des pressions inflationnistes basses et certains des risques à la baisse dont nous avons parlé, le moment est bien choisi de se montrer patient et de voir comment la situation évolue ».

Plus ça change, plus c’est la même chose, en d’autres termes… mais il devient chaque jour plus évident que nous sommes en réalité dans des conditions tout à fait nouvelles — du moins du point de vue financier. A quel point, cela reste à découvrir… mais c’est notre destination du jour.

La grande aubaine économique américaine

Warren Buffett a expliqué la semaine dernière qu’il n’y avait pas à s’inquiéter de tout cela. Vous auriez pu ignorer les nouvelles — toutes les nouvelles, de 1942 à 2019… la Deuxième guerre mondiale, la Corée, le Vietnam, la Guerre froide, la crise des missiles cubains, la chute de l’Union soviétique, l’internet, l’ascension de la Chine, les dot.com, l’effondrement de l’immobilier. Il suffisait d’acheter le S&P 500 pour participer à la grande aubaine économique américaine.

Buffett :

« Si mes 114,75 $ avaient été investis dans un fonds indiciel sans frais sur le S&P 500 et que tous les dividendes avaient été réinvestis, ma part aurait grimpé pour atteindre (avant impôts) 606 811 $ le 31 janvier 2019 (dernières données disponibles avant l’impression de cette lettre). C’est un gain de 5 288 pour 1 ».

Il a raison, bien entendu. En 1942, Buffett avait 11 ans et il faisait son premier investissement boursier.

Si vous aviez acheté uniquement le S&P — s’il y avait eu un S&P en 1942… si vous étiez en vie à l’époque… si vous étiez passé par un fonds indiciel sans frais — une catégorie qui n’existait pas en 1942… si vous n’aviez jamais lu un journal… ou jamais regardé la télévision…

… Vous ne vous en seriez pas mal tiré.

Mais vous auriez manqué tant de choses !

Le discours remarquable de Richard Nixon le 15 août 1971, par exemple, durant lequel il annonçait que dorénavant, les Etats-Unis utiliseraient de la fausse monnaie.

Vous auriez aussi manqué la prouesse de Paul Volcker — qui a réussi à empêcher presque à lui tout seul l’envolée de l’inflation en faisant passer le taux directeur à un sommet de 20% en juin 1981.

Ensuite, 17 ans plus tard, vous auriez manqué la scandaleuse annonce d’Alan Greenspan assurant que la Fed serait là pour faire en sorte que les investisseurs ne perdent pas d’argent.

Evidemment, vous vous seriez épargné tout le charabia et le bla-bla de Bernanke et Yellen qui ne savaient ni l’un ni l’autre ce qu’ils faisaient… et toutes les idioties en provenance de Washington — qu’elles soient proférées par des républicains ou par des démocrates, puisque pas un seul n’avait la moindre idée de la raison pour laquelle les actions grimpaient, pas plus que Buffett lui-même.

Au moins Buffett garde-t-il un fond de malice : il démontre que l’ignorance rapporte. Si vous aviez pu voir l’avenir en 1942 et anticiper toutes les choses absurdes et destructrices qui nous attendaient (Buffett se concentre sur la dette fédérale américaine, qui allait exploser de +40 000% au cours des 77 années suivantes)… vous n’auriez peut-être pas voulu investir du tout.

C’est-à-dire que vous auriez pris à coeur le conseil de Buffett… et réalisé qu’il n’y avait aucun sens à risquer ce que vous aviez et ce dont vous aviez besoin afin d’obtenir ce que vous n’aviez pas et dont vous n’aviez pas besoin… surtout lorsque vous pouviez voir autant de tanks rouler en votre direction.

Si un investisseur avait pu prévoir toutes les insanités prévues après 1942… aurait-il été vraiment raisonnable de tout miser sur le S&P ?

Un « vent arrière » qui n’a rien à voir avec l’économie

Buffett pense que c’est le « vent arrière » américain qui l’a propulsé au-delà des crises et des sottises… des absurdités et des calamités.

Comme nous le disions hier, il est plus probable qu’il avait la Fed pour l’appuyer — ainsi que certaines circonstances très étranges et impossibles à répliquer de la période 1942-2019.

Pour commencer, les Etats-Unis ont gagné la Deuxième guerre mondiale ! Si cela n’avait pas été le cas, tout cela aurait pu prendre une tournure très différente.

Ils ont aussi gagné la Guerre froide… Richard Nixon a mis en place un nouveau système monétaire d’argent bon marché… Paul Volcker a dompté l’inflation… les taux d’intérêt sont passés à la baisse pendant 36 ans… Alan Greenspan a donné le « put Greenspan » aux investisseurs… et la Fed a ajouté 4 000 Mds$ à la base monétaire américaine depuis 2000.

En 1942, les Etats-Unis étaient en route vers de fabuleux succès… des avancées technologiques révolutionnaires… de grandes réussites dans tous les secteurs.

Après la guerre, le Etats-Unis avaient l’économie la plus solide de l’Histoire… le plus gros excédent commercial jamais enregistré… une dette nationale en déclin… un budget fédéral équilibré…

… Des taux d’intérêt fixés par le libre-échange… une devise appuyée à l’or… la société la plus libre et la plus ouverte… les entreprises les plus compétitives… et un marché boursier qui reflétait la vraie valeur des entreprises qui y étaient cotées. Les Etats-Unis étaient premiers dans quasiment toutes les catégories.

Depuis, toutes ces choses se sont dégradées, ont dégénéré… fait demi-tour et disparu. Le vent arrière est devenu vent contraire.

Les Etats-Unis sont à nouveau premiers… mais dans les mauvaises catégories. Ils doivent plus d’argent à plus de gens qu’aucun pays dans l’Histoire. Et ils dépensent plus d’argent pour leur armée que tous leurs ennemis plausibles — s’il y en avait — pris ensemble.

Leurs taux d’intérêt sont anormalement bas et leurs actifs sont artificiellement hauts. Leur gouvernement est contrôlé par un groupe limité d’initiés, le Deep State, et les deux partis politiques sont dominés par des arnaqueurs qui n’ont que leurs intérêts en tête.

Le signal de prix le plus important — le coût de l’argent — n’est plus déterminé par le marché libre mais par un groupe de 12 ronds-de-cuir. Et si les taux d’intérêt grimpent — ce qu’ils vont sûrement faire — nombre des ménages et entreprises des Etats-Unis, ainsi que son gouvernement — feront faillite.

Notre conseil aux moins de 11 ans : les marchés américains répéteront peut-être l’expérience des 77 dernières années, mais nous ne le parierions pas. Les conditions sont vraiment sans précédent.

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