La Chronique Agora

Congé paternité, huit ans déjà !

** Ce mardi 15 janvier revêt une signification à part, pour moi et mon épouse. Non en tant qu’investisseur satisfait d’assister enfin à une ébauche de rebond à Paris après trois séances de repli consécutives… mais en tant que parents d’un P’tit Bonhomme qui souffle ses huit bougies aujourd’hui (et qui nous récitera — il nous l’a promis — une poésie !).

Comme certaines dates marquent les esprits plus que d’autres, je me souviens que le Nasdaq (on ne parlait que de lui à l’époque) venait de passer, en 11 semaines de hausse ininterrompue, de 2 300 à 3 820 points — soit une envolée record de 66% en moins de trois mois. Il venait toutefois d’être victime d’un drôle de hoquet les 4, 5 et 6 janvier 2000, avec une perte sans équivalent depuis fin septembre 1998 de 10,5% en trois séances.

Mais si j’assistais à la première tétée d’un nourrisson de 3,5 kg et de 52 cm de long, mon congé paternité ne m’empêcha pas de constater que le Nasdaq (Composite) avait lui aussi repris des couleurs plus naturelles après une petite phase d’apoplexie où il passa par le rouge vif : il avait retrouvé très précisément son niveau du 31 décembre 1999, soit 3 705 points.

Un rapide calcul vous permettra de constater qu’il lui manque aujourd’hui encore un bon 50% par rapport à ses niveaux du 15 janvier 2000, et 7% par rapport au 31/12/2007.

** Forts de ce constat, les commentateurs parlaient encore lundi matin de la plus mauvaise entame d’année depuis 1981… Ils ont peut être oublié les -7% de la première semaine de l’an 2000 à Paris, mais ils se souviendront à juste titre que nous venons de vivre la plus piètre première quinzaine boursière du siècle nouveau.

La série noire pourrait enfin s’interrompre ces tous prochains jours. Cependant, la mauvaise humeur et l’aversion au risque ne se sont pas volatilisés en une seule séance, alors que le CAC 40 reprenait 0,6% (à 5 403,5 points). L’hypothèse d’un rebond indiciel un peu plus consistant commence malgré tout à séduire les acheteurs.

La liste des plus fortes hausses du jour à Paris recoupait en grande partie celle des titres les plus lourdement massacrés en 2007, à l’image des technologiques du CAC 40 : Alcatel-Lucent et Cap Gemini ont repris 3,3%, STMicro (au plus bas vendredi depuis pratiquement 10 ans) 4,35%… Le leader du classement — Unibail-Rodamco, avec +5% — appartenait au secteur non moins sinistré de l’immobilier.

** Aux Etats-Unis, les rebonds observés dans ce secteur depuis jeudi relèvent de la catégorie « rachats de découverts », mais les banques américaines n’ont pas fini de souffrir, d’après la dernière enquête de Morgan Stanley : 63 portefeuilles de CDO (collateralized debt obligations) sont menacés de faire défaut, le tout représentant un montant de 70 milliards de dollars de dettes potentielles (et autant de pertes), contre une estimation de 47 milliards de dollars, répartis sur 43 véhicules.

Les opérateurs les plus exposés demeurent les « rehausseurs de crédit » et plusieurs hedge funds de type SIV qui ne constituent le plus souvent que des structures hors bilan des plus grandes banques d’affaires américaines.

Alors que les acheteurs tentent malgré tout de reprendre la main à Wall Street, il n’est pas étonnant que leur choix se porte en priorité sur des titres peu concernés par la crise du subprime. Ils ramassent plus volontiers les technologiques laminées fin 2007 par les opérations de window dressing ou les blue chips ayant pris un mauvais départ en 2008. Ainsi, le géant Intel rebondissait à mi-séance de 3,75%, Microchip de 4,5%, Juniper Networks, Tellabs et Nvidia de 5%.

Après quatre heures de cotations, le Dow Jones et le Nasdaq gagnaient respectivement 0,9% et 1%, grâce notamment aux bons résultats préliminaires — en hausse de 24% en 2007 — annoncés par IBM, dont le cours grimpait de 6%.

** Les résultats trimestriels pourraient éclipser pendant quelques temps les statistiques macro-économiques outre-Atlantique, alors que les investisseurs surveillent avec beaucoup plus d’attention les données relatives à la croissance en Europe. En effet, la BCE juge que l’activité demeure solide (+2% anticipés en 2008), même si quelques facteurs d’incertitudes pèsent sur les perspectives du premier trimestre en cours.

La production industrielle (corrigée des variations saisonnières) apparaît sur la mauvaise pente depuis l’automne dernier ; elle s’est d’ailleurs contractée de 0,5% dans la Zone euro et de 0,3% dans l’Union européenne en novembre 2007. Sur une année glissante, la production industrielle a progressé de 2,7% en novembre 2007 dans la Zone euro et de 2,6% dans l’ensemble de l’Union européenne.

Ce sont des chiffres plutôt décevants, mais l’euro bondit de 0,9% à 1,4875/1,4880 $ car les cambistes parient maintenant sur une baisse de 50 points sur le prime rate fin janvier puis de 25 points dès la mi-mars. Un loyer de l’argent de 3,5% est donc anticipé aux Etats-Unis contre 4% ou 4,25% en Europe… un grand écart qui ne devrait pas arranger les affaires de nos exportatrices ni contribuer à la relance d’un secteur du BTP/immobilier en perte de vitesse depuis six mois.

** Avec un dollar qui flirte avec les 1,49/euro et qui menace également le plancher des 107,5 yens, tandis que la une d’un grand quotidien du soir nous avertit que Washington « accroît la pression sur Téhéran », il n’est pas surprenant de voir le métal précieux pulvériser un nouveau record historique (algébrique) à 913 $/once.

Philippe Béchade,
Paris

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