Chaque jour qui passe nous rapproche de notre scénario catastrophe du mardi 22 mai.
Chaque jour qui passe confirme l’impuissance et l’absurdité des mensonges derrière lesquels se réfugient les Européens depuis l’automne 2008.
Chaque jour qui passe confirme la stratégie de laisser-faire — et advienne que pourra — de la BCE… Laquelle attend peut-être de se voir offrir carte blanche pour sauver le monde.
Chaque jour qui passe voit grossir les rangs de ceux qui pensent, avec d’imparables arguments, que la Bourse n’est plus qu’une sorte de casino virtuel. Un champ de bataille numérique où s’affrontent des armées de robots algorithmiques pour lesquels les actions ne sont pas des entreprises opérant dans un monde réel et où les employés ne créent pas de la valeur mais de simples profils mathématiques.
Certains titres présentent des niveaux de volatilité intrinsèque et de vulnérabilité des carnets d’ordres qui rendent leurs cours parfaitement manipulables dans des circonstances de « flash krach » tel que celui observé — à la hausse — hier entre 12h59 et 13h01.
▪ La guerre des bots est déclarée
Les détails de cette guerre des « bots » que nous dénonçons régulièrement échappent à tout contrôle. En effet, tout se joue sur des échelles de temps qui défient l’entendement humain : la milliseconde et même la nanoseconde pour les super-ordinateurs les plus puissants.
Les « bots » sont associés à des logiciels d’analyse lexicale qui scannent toutes les informations disponibles sur Internet, dans pratiquement toutes les langues. C’est pourquoi dès qu’une actualité est identifiée comme un market mover (une info décisive concernant le niveau des taux d’intérêt ou les devises par exemple), cela donne lieu à une unipolarisation immédiate des marchés.
▪ Le CAC 40 bat un nouveau record
C’est ainsi que s’enclenchent des « flash krach » qui peuvent déboucher sur ce nouveau record de 45 points de hausse (entre 3 030 et 3 075 points) sans aucune cotation sur le CAC au cours de l’intervalle 12h59/13h00. Les robots ont réagi en quelques millisecondes à la publication d’une dépêche évoquant un sauvetage collectif des banques européennes via le MES… sauf que les règlements européens interdisent de recourir à un tel procédé.
C’est, sauf erreur de notre part, le mouvement de hausse le plus rapide observé à ce jour sur le CAC 40. Un tel écart — pratiquement 1,5% de hausse sans transactions — démontre que la liquidité peut disparaître à la vitesse de la lumière d’un marché représentant des trilliards de capitalisation.
Fort heureusement, nous avons assisté hier à un « flash krach » à la hausse… Mais qu’arriverait-t-il en cas de « flash krach » à la baisse sur ce même marché qui fuit le risque et se retrouve complètement déserté par les acheteurs depuis deux mois ?
Toutes les pièces du puzzle se mettent place, un trou d’air peut désormais survenir à tout instant. Le CAC 40 rechute sous sa MM7 (3 045 points), qui faisait office de support depuis le 24 mai dernier.
L’indice termine pratiquement au plus bas du jour : -2,25% à 3 015,5 points. Il n’a bénéficié d’aucune vague de rachats techniques à bon compte au cours des derniers échanges.
Le CAC 40 matérialise un avalement baissier des gains des quatre précédentes séances, ce qui retourne les oscillateurs techniques.
Un plancher a été inscrit vers 17h à 3 008 points. La cassure des 3 000 points préfigurerait, avec 90% de probabilité, un décrochage en direction du gap des 2 871 points du 25 novembre 2011.
▪ Un mois de mai qui n’a pas failli à sa mauvaise réputation… jusqu’à la dernière séance
A Wall Street, ce sont les gains de la veille qui ont également été avalés avec une chute de 1,28% du Dow Jones et de 1,43% pour le S&P. Ces scores semblaient lourds aux commentateurs qui maudissaient ce mois de mai qui n’a pas failli à sa mauvaise réputation… jusqu’à la dernière séance.
Mais même avec un repli de 160 points mercredi soir, l’indice des 30 industrielles n’a pas commis de faux pas irrémédiable. C’est peut-être le seul espoir auquel les chartistes tenteront de se raccrocher en décortiquant les graphiques des principaux indices du Vieux Continent.
L’analyse technique vous sort peut-être par les yeux — et il en beaucoup été question au sein de cette chronique. Nous n’en avons, hélas, pas encore terminé car il nous reste à évoquer le plat de résistance.
Il s’agit de ce mouvement de cours qui a dominé les conversations dans les salles de marché à la City ou à New York et dont les implications sont les plus lourdes (à la fois pour les détenteurs de bons du Trésor ou d’un portefeuille d’actions) dans une optique de court ou de moyen terme. Nous faisons allusion bien sûr à la chute de l’euro sous les 1,2400 $ puis les 1,2350 hier soir.
Nous avions passé en revue pas mal d’aspects concrets de la toile de fond macro-économique ces derniers jours sans que ceux-ci semblent avoir d’impact sur l’orientation des marchés. Des stratèges nous expliquaient que plus les nouvelles étaient mauvaises, plus cela augmentait les chances de voir les banques centrales prendre une de ces initiatives dont les marchés raffolent : faire tourner la planche à billets !
La chute de l’euro sous deux supports techniques majeurs, 1,2650$ puis 1,2500$ — ce qui nous ramène au début de l’été 2010 — suggère un tout autre scénario. Si la Fed — déçue des mauvais chiffres immobiliers parus ces dernières 48 heures et du faible niveau des créations d’emplois en mai — s’apprêtait à injecter massivement de nouvelles liquidités, alors le dollar n’aurait jamais pris 6% au cours des quatre dernières semaines.
▪ La flambée du dollar suggère que la Fed ne va pas actionner la planche à billets
Autrement dit, la flambée du billet vert suggère que la probabilité de voir la Fed orchestrer un QE3 d’ici la mi-juin est quasi nulle !
La chute symétrique de l’euro alimente en revanche les spéculations sur une baisse du loyer de l’argent en Europe (d’un quart de point à 0,75% par exemple) d’ici une semaine.
Et quel impact pourrait avoir une telle mesure ?
Aucun !
Néant !
La raison est évidente : cela ne sert plus à rien alors que le 10 ans allemand vient de tomber sous les 1,30% et le deux ans à… 0,00% (voire légèrement négatif).
Cela ne fera pas reculer les taux longs italiens plus d’un quart d’heure : ils viennent de franchir le cap des 6% mercredi matin. Cela ne changera rien non plus pour les bonos (c’est leur véritable nom) espagnols : ces derniers s’envolent au-dessus des 6,55%.
Et surtout, une baisse de taux ne résoudrait en rien la principale difficulté du moment qui consiste à recapitaliser les banques ibériques à hauteur de 50 milliards d’euros. Prévoyez à peu près le même montant pour l’an prochain, quand les auditeurs indépendants — mandatés par Mariano Rajoy — auront affiné leurs estimations et publieront leur rapport.
Une sacrée corrida se prépare entre l’Espagne et ses créanciers… mais depuis 48 heures, tout ce qui se dessine sur les marchés est d’ordre technique… et les robots se comportent comme des matadors dénués de la plus petite once d’humanité.