Dans le meilleur des cas, elles parviendront à maintenir la situation, et dans le pire, elles provoqueront une crise grave… Mais, dans tous les cas, il peut être utile de s’adapter et limiter cette dépendance.
Comme nous l’avons vu hier, les banques centrales ont pris le contrôle de la courbe des taux obligataires, forçant la rémunération de ces actifs à diminuer. Cela a créé une situation de dépendance vis-à-vis des liquidités des banques centrales.
La question est désormais de savoir comment nous pourrions en sortir, ou, dit autrement : « Comment peut-on sortir de cette économie de bulles ? »
On comprend qu’il est déraisonnable d’anticiper le défaut d’Etats insolvables, puisque les dettes publiques sont monétisées. Les krachs obligataires traditionnels n’auront donc pas lieu et on en revient au titre l’article d’hier sur l’impossibilité de remonter les taux longs.
On comprend également qu’il devient également difficile d’anticiper des krachs boursiers traditionnels.
Deux mouvements se produisent en parallèle. D’un côté, les situations de surendettement public sont aggravées et encouragées par la monétisation des dettes publiques au sein des banques centrales, tandis que, de l’autre, la hausse continue des actifs risqués (dont les actions) est encouragée là encore par la liquidité banque centrale – même si la révision à la hausse des bénéfices de certaines sociétés peut justifier la hausse du cours de leur action.
Ces deux mouvements conduisent toutefois à se poser la même question : est-ce que le porteur principal des dettes publiques (la banque centrale) peut « disparaître » ? Ou, à tout le moins, est-ce que l’une d’elle pourrait être contestée et devenir illégitime ?
Autrement dit, techniquement, une banque centrale peut-elle faire faillite ?
Avec une crise assez grave, la confiance serait brisée
La quasi-intégralité des spécialistes de l’économie répondra en cœur que c’est impossible. Mais il existe un scénario – certes extrême aujourd’hui – où cela devient possible : une crise des monnaies fiduciaires et une perte de confiance dans le système financier traditionnel.
Rappelons, par ailleurs, que la vraie dernière crise financière est celle de 2008, 2020 correspondant à un choc macroéconomique mais pas à une crise bancaire et financière.
Pour la suite, nous pensons que la prochaine grande crise financière ne sera pas non plus traditionnelle, et ne sera pas comparable à tout ce que nous avons connu sur les marchés financiers (krach boursier ou obligataire, crise des marchés émergents, etc.).
Ce sera une crise nouvelle, sans doute la dernière de l’ère de fonctionnement des marchés financiers sous laquelle nous les avons observés depuis une bonne cinquantaine d’années. Cette crise devrait être une crise des monnaies traditionnelles et donc celle de la légitimité des banques centrales.
Puisque les dettes publiques (ou tout du moins la partie de plus en plus importante détenue par les banques centrales) ne seront pas remboursées, il n’est pas déraisonnable d’anticiper – aussi surréaliste que cela paraisse – que le risque de contrepartie le plus important deviendra le risque vis-à-vis du porteur principal de ces dettes, les banques centrales, et notamment plus importantes d’entre elles (Fed, BCE, BoJ, BoE, etc.).
Mais nous avons vu précédemment que la création monétaire de la banque centrale équivalait à une dette que celle-ci émettait sur elle-même, soit une dette non exigible. Sauf que cette dette est non exigible tant que la monnaie est unanimement acceptée. Mais il faut anticiper que celle-ci pourrait l’être de moins en moins, et qu’un jour elle ne le serait plus du tout.
La solution des monnaies alternatives
Pour anticiper cette crise, il faut s’intéresser (d’abord conceptuellement, mais ensuite et surtout financièrement) à toutes les monnaies « alternatives ». Nous pensons naturellement aux cryptomonnaies, mais il est important de savoir faire le tri parmi la masse de jetons qui ne valent rien.
Il est donc utile d’identifier les avantages que les cryptomonnaies peuvent détenir.
Premièrement, puisque la défiance vis-à-vis des monnaies fiduciaires va grandir sous l’effet d’une création monétaire qui restera excessive (malgré les programmes de ralentissement d’achat d’actifs par les banques centrales), les cryptomonnaies dont la quantité est limitée sont avantagées.
Rappelons par exemple que le Bitcoin ressemble dans son processus de création à la façon dont l’or a été extrait du sol, et que sa réserve totale est plafonnée à 21 millions d’unités (dont environ 18,8 millions ont déjà été « minées »).
Contrairement aux monnaies fiduciaires, il n’est nul besoin qu’une autorité juridique ou politique unanimement acceptée par l’ensemble des membres d’une communauté garantisse sa valeur à une cryptomonnaie.
N’oublions jamais que la monnaie fiduciaire est une créature plus ou moins affirmée de l’Etat (quelle que soit sa forme institutionnelle) et que c’est en partie pour cette raison que l’inflation et les déficits existent. Or, une cryptomonnaie dont la quantité est limitée est tout le contraire d’une monnaie « manipulée » par un gouvernement ou une banque centrale.
Au même titre que l’or…
Deuxièmement, les cryptomonnaies évoluent hors du système financier et peuvent donc protéger contre les crises financières. Au même titre que l’or, certaines pourraient devenir des valeurs refuge, par exemple comme couverture contre une crise du dollar ou des monnaies fiduciaires en général, mais aussi comme couverture contre une situation durablement inflationniste.
Troisièmement, même si ce n’est pas quelque chose d’intrinsèque aux cryptomonnaies : le maintien de taux d’intérêt réels durablement négatifs.
Nous sommes en effet convaincus que les taux réels – c’est-à-dire prenant en compte l’inflation – seront de plus en plus négatifs et pour très longtemps.
D’une part, parce que des anticipations d’inflation de plus en plus fortes accréditent l’idée que l’inflation (notamment au niveau des prix de l’énergie) sera structurelle et non transitoire, contrairement à ce que les banquiers centraux affirment pour ne pas rendre leurs politiques monétaires moins accommodantes.
D’autre part, parce que les taux longs ne remonteront pas sous l’effet du contrôle des banques centrales, pour les raisons que nous avons détaillées hier.
Quatrièmement, parce qu’un nombre de plus en plus important de cryptomonnaies sont assises sur un vrai projet et sont porteuses d’une réelle utilité économique.
C’est notamment le cas dans le monde de la finance de demain, celui de la finance décentralisée (en anglais « Decentralized Finance », ou DeFi).
Nous allons de plus en plus être en présence d’un système financier alternatif, basé sur la technologie des blockchains et l’utilisation de ces cryptomonnaies, qui va offrir de nombreux services financiers sans intermédiation bancaire.
Comme en Bourse, il faut choisir les bonnes valeurs
Nous ne rentrerons pas dans cet article sur le fait de savoir si les cryptomonnaies sont des monnaies ou des actifs financiers, et si celles-ci sont surévaluées. En effet, personne n’en sait rien, puisque, contrairement aux actifs financiers traditionnels, nous ne disposons pas à ce jour de modèles de valorisation quasi unanimement partagés.
Par contre, nous insistons sur la nécessité d’être extrêmement sélectif dans le choix des cryptomonnaies que vous pourriez acheter, et cela pour au moins deux raisons.
Déjà, car certaines d’entre elles connaissent des progressions ahurissantes qui ne reposent sur rien, si ce n’est le fait que les acheteurs anticipent que de nouveaux acheteurs prendront position ultérieurement.
Cela « marche » pour l’instant avec des progressions lunaires à trois voire quatre chiffres (jusqu’à quelques milliers de pourcents) qui seraient impossible à retrouver en Bourse. Sauf que cela démontre l’existence d’une situation de pur Ponzi, c’est-à-dire de fuite en avant durant laquelle les acheteurs les plus récents sont de plus en plus frustrés en se positionnant en mode FOMO – pour fear of missing out, ou la peur d’avoir manqué le mouvement, quand bien même celui-ci serait finalisé à 80 ou 90%.
Chacun sait que tout cela finit, en général, très mal pour nombre d’investisseurs petits, moyens ou gros.
Ensuite, certaines cryptomonnaies – dont le Bitcoin – sont détenues de façon très concentrée.
Dès lors, si un gros détenteur se retrouvait en difficultés (liquidité/solvabilité) – qu’il s’agisse d’un investisseur institutionnel, d’une grande banque, d’un gros fonds de pension ou hedge fund, etc. – il serait sans doute contraint de liquider tout ou partie de ses positions, dont celles en cryptomonnaies.
Il risquerait ainsi d’auto-entretenir une spirale baissière et un krach qui n’aurait rien de commun avec les krachs éclairs qui ont lieu assez fréquemment dans l’univers des cryptomonnaies, et qui sont surtout des occasions de se repositionner plus bas.
L’ironie de l’histoire est que l’on expliquera sans doute cette crise passagère par la folle création monétaire des banques centrales (donc création de monnaie fiduciaire) qui aura conduit à inonder le monde financier de liquidités. Autant de liquidités qui expliquent, au moins en partie, les folles hausses récentes du Bitcoin, de l’Ethereum, du Solana, du Litecoin ou du Cardano pour ne parler que de ces cryptos.