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Comment font les riches ?

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Dans un palace de Sicile, Bill évalue les raisons qui motivent certains à devenir riche et à le rester, et d’autres à promouvoir l’égalité perpétuelle pour tous.

C’est ainsi que vivent les riches.

Notre regard se pose sur la mer Ionienne, les yachts et le soleil qui brille sur l’eau. Nous commandons un autre café macchiato au serveur. Nous sommes au bord de la piscine. Des jeunes femmes portent des bikinis si minuscules que nous n’en croyons pas nos yeux. Nous devrions nous en rapprocher pour le vérifier… car nous ne voudrions pas divulguer de fausses informations.

Notre hôtel, le San Domenico Palace, est situé sur une falaise, avec une vue imprenable sur la mer Ionienne, en direction de la Calabre. Il s’agit de l’un des décors de la série télévisée The White Lotus. On comprend pourquoi. L’hôtel est rempli de gens riches, dans un environnement pour riches, qui cherchent à se distraire en faisant des choses de riches.

La nature est ainsi faite. Les gens qui reçoivent beaucoup d’argent doivent s’en débarrasser d’une manière ou d’une autre. Certains achètent les dernières actions technologiques en vogue. D’autres ouvrent leur propre hôtel ou restaurant. Et d’autres se contentent de profiter des services du Four Seasons de Taormina… et de fréquenter d’autres riches.

Oscar, Eddie et Audrey

Voici ce que l’hôtel dit de lui-même :

« Le San Domenico Palace, l’un des hôtels les plus légendaires au monde, vous invite à embarquer pour un voyage épique dans l’Histoire. Ses origines remontant à 1374, ce couvent dominicain a été agrandi en 1896 pour devenir un hôtel, avec un nouveau bâtiment conçu dans le style Art nouveau. Depuis plus d’un siècle, le palais San Domenico a accueilli les hôtes les plus illustres du monde, d’Oscar Wilde au roi Edward VIII en passant par Elizabeth Taylor, Audrey Hepburn et Sophia Loren. »

Hier, au petit-déjeuner, nous n’avons vu aucun signe d’Oscar, d’Edward ou d’Audrey. A la place, il y avait des gens qui auraient pu être appelés Mustafa, Rahul ou Omar.

Un jeune couple s’est assis près de nous. L’homme était enveloppé, peu attirant, portait un short et un tee-shirt de couleur vive. La femme, aux cheveux noirs, était son opposé. Svelte. Jolie. Les deux semblaient s’ennuyer mutuellement. Lui prenait son petit-déjeuner en l’ignorant.  Elle tentait de faire la conversation, mais n’obtenait que des grognements en retour. Elle fit une moue boudeuse avant de se tourner vers son téléphone.

Des riches qui s’amusent, en somme !

(Chambre avec vue. Photo : Bill Bonner)

La promenade des paons

La pulsion la plus fondamentale de l’être humain est l’instinct de survie. La suivante est la procréation. La seconde est la plus intéressante ; elle prend un nombre infini de tailles, de formes, et d’apparences. Elle est la raison pour laquelle nous avons des guerres, des montres suisses et l’hôtel San Domenico Palace.

Les têtes se tournent vers la richesse ou la célébrité. Les yeux sont facilement aveuglés par le pouvoir… et se gonflent à la vue de la piscine. Mais pour le bien de nos chers lecteurs, votre correspondant s’efforce de garder la tête froide… en rendant fidèlement compte de la comédie humaine, plutôt qu’en se comportant lui-même comme l’un de ses personnages comiques.

C’est une comédie romantique… une « rom com », comme on dit à Hollywood. Un garçon rencontre une fille. La fille rejette le garçon. Le garçon va à Wall Street et gagne beaucoup d’argent. Le garçon invite la fille pour un week-end au palais San Domenico. Le garçon séduit la fille. Plus tard, elle divorce, prend la moitié de son argent… et le chien.

La façon dont les garçons et les filles… ou les garçons et les garçons… les filles qui étaient des garçons… les garçons qui prétendent être des filles… se réunissent, n’est pas seulement le sujet d’innombrables films ; c’est l’histoire sotto voce de nos vies… et de toutes les vanités du monde, des luttes de pouvoir et des quêtes de richesses.

Nous, les hommes, devons montrer à nous-mêmes et aux autres que nous avons les plumes les plus brillantes sur la promenade des paons. Nous le faisons par d’innombrables itérations, souvent contradictoires, insensées et futiles. Nous jouons aux échecs pour gagner la partie. Nous portons les derniers vêtements à la mode… ou bien nous les rejetons comme des lubies. Nous dépensons notre argent pour frimer… ou nous économisons pour montrer à quel point nous sommes prévoyants. Un homme se sent supérieur parce qu’il fait de la musculation. Un deuxième sait qu’il a une longueur d’avance parce qu’il lit des livres. Et puis un troisième ne fait ni l’un ni l’autre, et considère cela comme un signe de supériorité.

De faux dieux

C’est pourquoi « l’égalité » est un faux dieu. Personne ne veut vraiment être égal aux autres… nous voulons tous être supérieurs. Nous voulons nous démarquer du reste du monde. C’est ainsi que fonctionne le règne animal (nous y compris)… en discriminant le bon du mauvais, le meilleur du pire, les gagnants des perdants. En fin de compte, nous voulons tous « avoir la fille » (le trophée… la reconnaissance… l’amour… l’argent).

Tout, de l’insulte la plus mesquine à la conquête de la Gaule, s’enracine dans le terreau fertile du sexe.

C’est du moins notre point de vue, que nous partageons (peut-être) avec Lucrèce et Épicure. Le désir d’être meilleur… supérieur… le Numero Uno… est la force motrice du progrès… le véritable secret de la réussite de la race humaine.

Nous innovons pour impressionner ; nous impressionnons pour nous reproduire. Même les moines, qui vivent dans un cloître et ont fait vœu de chasteté, le font parce que cela leur permet de se sentir en harmonie avec eux-mêmes (cela ferait d’eux de meilleurs partenaires… s’ils étaient intéressés par ce genre de choses).

Dans le monde de l’argent, certains en gagnent en inventant des semi-conducteurs. D’autres leur prennent en produisant des vins d’exception, et en construisant des hôtels élégants. Cette idée, si c’en est une, n’a que peu d’applications pratiques. Mais elle nous donne au moins une base solide pour lancer nos ruminations.

Il convient de noter que ce point de vue met l’accent sur la nature relative de la richesse. Alors que certains innovent pour progresser, d’autres progressent en forçant les autres à rester sur le carreau.

Même la campagne en faveur de « l’égalité » n’est qu’un moyen supplémentaire pour certains de se sentir mieux dans leur peau. D’abord, ils se sentent supérieurs simplement parce qu’ils ont des opinions qui sont à la mode – en montrant qu’ils se soucient correctement des pauvres.

Deuxièmement, l’égalité des richesses ne peut être atteinte que par un nivellement par le bas… en amenuisant la richesse des riches, et en rendant ainsi les non-riches relativement plus riches. Cela nous aide à comprendre pourquoi la politique en général semble si stupide ; le véritable objectif n’est pas d’encourager le progrès humain, d’accroître le bonheur ou la richesse globale, mais de la retirer à certains (ceux qui la créent) pour la donner à d’autres (ceux qui sont favorisés par l’élite qui contrôle le gouvernement).

Le calcul est facile à comprendre. Vous et votre voisin disposez chacun de 100 dollars. Si vous gagnez 50 dollars de plus, vous êtes un tiers plus riche que lui. S’il pouvait vous empêcher de gagner plus d’argent, il resterait – relativement – riche. Et s’il pouvait vous prendre 50 dollars, il ne vous resterait plus que 50 dollars, tandis qu’il aurait 150 dollars – il serait trois fois plus riche !

Il pourrait alors aller au palais San Domenico… et vous devriez rester à la maison.

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