La Chronique Agora

Comment empirer une situation déjà grave

** Cette semaine, nous avons profité de notre séjour à Baltimore pour rendre visite à notre dentiste.

* "Ah… je suis un de vos lecteurs", a déclaré notre dentiste. "Donc je savais que vous étiez de retour aux Etats-Unis".
 
* Lorsque nous lui avons demandé ce qu’il pensait de l’économie, il a répondu :

* "Dans notre secteur, c’est un peu contre-cyclique. Les gens se font licencier, mais ils ont encore droit à une assurance santé — au moins pendant un temps. Ils veulent l’utiliser tant qu’ils le peuvent encore. Et ils ont le temps de le faire. L’activité grimpe donc".

* "Mais lorsque la reprise arrive, ils retournent au travail… ils sont occupés… et leurs dents ont déjà été traitées. Nous n’en sommes pas encore là".

* Les prix des maisons chutent encore aux Etats-Unis. En Californie du Sud, la maison moyenne est passée à 247 000 $ — une baisse considérable par rapport au sommet atteint il y a deux ans. Toll Brothers, l’un des plus grands constructeurs immobiliers américains, rapporte une chute de 51% de ses revenus.

** Si l’économie américaine suit vraiment le Japon, les choses vont aller en empirant. La production japonaise s’effondre — au taux annuel de 15% au trimestre dernier. Le pays du Soleil-Levant est un grand exportateur. Pour la toute première fois, les exportations chutent… et entraînent l’économie avec elles.

* En interne, les Japonais ne sont toujours pas de gros dépensiers. La population ne fait pas que vieillir… elle diminue. Ce n’est pas ce qui se passe aux Etats-Unis. Grâce en grande partie aux immigrants et aux Hispaniques, la population se développe. Mais cette nouvelle démographie n’est plus pareille que l’ancienne. Au sommet de la pyramide socio-économique américaine se trouve l’immense groupe de baby-boomers vieillissants, en majeure partie des Blancs. Naturellement, ils votent. Et naturellement, ils votent pour de plus grands avantages pour eux au détriment de la génération suivante.

* En fait, on peut considérer tout le programme de renflouage/relance… et le déficit budgétaire américain de 1 800 milliards de dollars pour 2009… comme un gigantesque transfert de richesse. Les avantages vont à la génération actuelle aux dépens de la génération suivante. Les baby-boomers blancs empruntent — par le biais de leurs représentants fédéraux élus. La génération suivante — bien plus hispanique et bien plus immigrante — écope de la facture.

* Mais ce n’est pas aussi simple.

* Le plan de relance/renflouage empile une arnaque sur une arnaque. Une génération essaie peut-être d’obtenir quelque chose sur le dos de la suivante — mais toutes deux perdent. En surface, la génération suivante se retrouve avec le coût du renflouage de la génération actuelle. Mais en réalité, le renflouage est une fraude ; il ne fonctionne pas vraiment. Il ne ressuscite pas l’économie. Il ne fait que transférer l’argent des ménages sensés et des bonnes entreprises vers des dépensiers imprudents, des entreprises mal gérées et des projets idiots. Les perdants sont les gagnants.

* Ce que ce plan ne fait pas, en revanche, c’est générer une reprise générale de l’économie. Il ne le peut pas — pour toutes les nombreuses raisons que nous avons décrites dans nos Chroniques. Les autorités peuvent dépenser de l’argent — mais elles ne peuvent transformer de mauvais investissements en investissements sains… ni transformer des entreprises désespérées et en coma dépassé, en entreprises prospères… ni effacer 20 000 milliards de dollars d’excès de dette.

* Tout ce que les autorités peuvent faire, en d’autres termes, c’est d’empirer une situation déjà grave.

* Pour commencer, elles font croire aux investisseurs que le remède fonctionne. Avec tout l’argent qui coule dans les marchés, les gens pensent que les problèmes s’éloignent. "Tout est sous contrôle", se disent-ils. Ils mettent alors leur argent dans les actions, s’imaginant qu’un nouveau boom est en cours. Plus tard, lorsqu’il devient évident que le boom est encore loin, ils sont cruellement déçus. Les actions chutent… et l’économie entre dans une longue période sombre de défauts de paiement, de faillites, de disgrâces et de suicides.

* Puis, comme nous l’avons expliqué de nombreuses fois, l’argent des autorités retarde en fait le processus de destruction créatrice. Au lieu de brûler le bois mort et de faire place à une nouvelle croissance, les Canadairs de la Fed larguent des billets verts qui étouffent les flammes. Au lieu d’un incendie qui s’auto-consume en 24 mois… l’économie subit une lente brûlure durant 10 ans.

* Les autorités empirent également la situation en sapant la loi et la prévisibilité des règles économiques. Lorsqu’une entreprise fait faillite, les investisseurs obligataires ET les actionnaires devraient souffrir. Mais voilà qu’arrive le gouvernement fédéral avec ses gros sabots — et de l’argent pour le renflouage. Les prix des actions chutent à pic, les investisseurs anticipant une reprise maladroite — ce qui ruine les actionnaires. Mais les obligations, elles, peuvent même grimper — la société ayant accès à du crédit facile, ce qui lui permet d’éviter la faillite et de continuer à rembourser les investisseurs obligataires.

* Pire encore, dans le cas du sauvetage de Chrysler, les autorités sont intervenues et ont dérangé tout le monde. Au lieu de laisser le marché faire le tri entre les actionnaires et les investisseurs obligataires, elles ont forcé un règlement politique qui récompensait une classe et en punissait une autre. Les détenteurs d’obligations ont reçu moins qu’ils l’auraient dû… et les syndicats automobiles ont reçu plus.

* Qu’est-ce donc ? Un pays d’économie de marché qui applique les lois ? Ou une république bananière où les politiciens décident de qui obtient quoi ?

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