La Chronique Agora

Comment échanger des idées ou en débattre quand on n’en a pas ?

Echanger des idées est décidément un exercice très difficile en République française.  Parfois, on bute sur des questions de valeurs, ce qui a tendance à couper court à la conversation.

Englués dans un anti-américanisme primaire, certains font feu de tout bois pour réduire la domination culturelle de l’Oncle Sam sur l’Hexagone. Et selon Jacques de Guillebon (d’aucuns voient en lui la « tête pensante » de Marion Maréchal…), peu importe si cela restreint la liberté de tout un chacun…

Des violences avaient en effet eu lieu en marge d’Halloween alors que de jeunes racailles avaient appelé sur les réseaux sociaux à une « purge » contre les policiers.

La sénatrice socialiste Samia Ghali a tranquillement justifié ce comportement et exigé que nos dirigeants répètent les erreurs du passé en déversant encore et toujours plus d’argent des contribuables sur les quartiers qu’il convient d’appeler « populaires » ou de dénommer pudiquement «  cités » probablement en hommage à l’Antiquité, parce qu’ils abritent  la quintessence de la civilisation.

Encore plus à gauche sur l’échiquier politique français (vu le niveau, peut-être faudrait-il plutôt parler de « jeu de l’oie » ?), en voici un autre qui a perdu le sens de la mesure :

Ian Brossat, c’est la tête de liste du PCF aux élections européennes. Ce monsieur est pour une liste « très ouverte » […] « à tous ceux qui cherchent une issue face à la politique ultra libérale d’Emmanuel Macron ». No comment.

Celui qui est aussi conseiller de Paris et adjoint à la mairie chargé du Logement, de l’Habitat durable et de l’Hébergement d’urgence réagissait au fait qu’un élève d’un lycée de Créteil avait braqué son professeur avec une arme factice pour qu’elle l’inscrive « présent »… Si vous trouvez que la remarque du candidat communiste a une quelconque logique, merci de bien vouloir me faire signe dans les commentaires.

Amazonophobie illogique

Si vous vous souvenez bien, le début de la révolte Gilet Jaunes fut une taxe sur le diesel afin de lutter contre le changement climatique. Dans ces conditions, limiter les déplacement devrait s’inscrire dans cet objectif… mais pas quand on est amazonophobe, comme le rapport Maddyness :

« La secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie Agnès Pannier-Runacher a appelé les Français à soutenir les commerces de proximité, qui encaissent de plein fouet les conséquences économiques de la crise des gilets jaunes. La solution ? Délaisser les plateformes étrangères comme Amazon ».

Non content que certains de ses concitoyens aient un budget cadeaux limité, le gouvernement voudrait donc les leur faire payer plus cher et/ou leur faire perdre du temps en allant les acheter dans une boutique physique.

Si une bonne âme connait personnellement la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, je l’invite à lui offrir les Sophismes Economiques de Frédéric Bastiat pour Noël…  Rien de tel que la lecture de « la fenêtre cassée » pour se décrotter de ce genre de keynésianisme à la petite semaine.

La madone des portiques écotaxes a une opinion sur le glyphosate

L’une des règles de base lorsque l’on cherche à s’informer, c’est de se méfier des experts qui se permettent de donner leur avis dans un domaine qui n’a rien à voir avec leur compétence officielle.

A sa sortie de l’ENA, Ségolène Royal a été juge au Tribunal administratif de Paris avant d’entrer en politique pour ne plus jamais quitter ce domaine. Si l’ambassadrice chargée de la négociation internationale pour les pingouins et les manchots a d’éventuels domaines d’expertise, il s’agit donc de l’administration et la politique. Et c’est tout.

Par conséquent, lorsque Ségolène Royal se met à parler de sciences, ses propos ont de fortes chances de susciter quelque chose entre l’affliction et l’hilarité.

Faisant suite à un sénateur qui déclarait que le glyphosate n’est pas plus cancérigène que le café ou la charcuterie, l’ancienne ministre de l’Environnement a cru indispensable de rendre public son avis sur la question. Voici ce qu’elle a déclaré :

« Il peut très bien y avoir de la charcuterie sans produit cancérigène à l’intérieur, sans glyphosate… Bien sûr. »

Il faut croire que dans le Poitou, les saucissons à l’ail et le jambon fumé poussent dans des champs aspergés d’herbicide largué par hélicoptère…

Que voulez-vous, lorsque l’on ne sait faire que de la politique, il est de bon ton de vouloir interdire une substance à laquelle on ne comprend rien, l’effet Dunning-Kruger aggravant encore les choses. Interdire – si besoin, par « principe de précaution » – c’est effectivement toujours plus simple que s’instruire et réfléchir.

Certains twittos se sont permis de rappeler Ségolène Royal à la réalité, soulignant que ce problème ne s’arrête pas à sa personne mais concerne la vaste majorité de nos politiciens de carrière.

Le recours à la « fourberie rhétorique »

Tout aussi répandue dans la sphère politique que l’incompétence, la traditionnelle pratique de l’enfumage rhétorique continue de faire des ravages.

J’évoquais dernièrement le discours présidentiel du 27 novembre sur la transition énergétique et les gilets jaunes . L’avez-vous regardé ? Moi non plus. Pourquoi ? Peut-être parce que comme moi, vous saviez déjà ce que vous alliez y trouver :

A la décharge du président, son discours n’a duré que 57 absconses minutes. Et le 10 décembre,  il décrétait quelque 10 Mds€ de dépenses supplémentaires qu’il exposait en dix minutes.

Si l’on descend d’un cran au niveau de l’exécutif, l’enseignant en rhétorique Clément Viktorovitch rappelait le 26 novembre que le gouvernement hésite rarement à donner dans la « fourberie rhétorique ».

Au menu, Benjamin Griveaux qui évoquait des « scènes de guerre » plutôt que « des scènes de grande violence » ou « d’émeutes urbaines », Gérald Darmanin qui parlait de la « peste brune » et Christophe Castaner qui ressortait le terme de « séditieux » des livres d’Histoire pour mieux disqualifier le mouvement dans sa globalité, « en en parlant au travers d’un seul prisme », comme l’explique Viktorovitch.

Le but ? « Eviter de rentrer dans le débat de fond sur la fiscalité », évidemment.

L’aveu d’incompétence sur le fond

Car, voyez-vous, diminuer la fiscalité, cela impliquerait de revoir la dépense publique à la baisse. Or, au gouvernement, on manque cruellement d’inspiration quant à la manière de procéder.

Le 28 novembre, Edouard Philippe tenait les propos suivants sur BFMTV :

« Le président de la République a dit hier qu’en fonction de la situation, on peut regarder si on va plus vite sur la diminution des impôts et taxes. Mais si on va plus vite, je ne veux pas augmenter la dette, donc il faut diminuer la dépense publique. La question c’est ‘où est-ce qu’on le fait’ ? C’est difficile ».

Le Premier ministre a donc lu des auteurs libéraux, mais il n’a pas le début de la queue d’une idée pour réduire le niveau de dépenses de l’Etat. A ce compte-là, autant effectivement ne pas débattre de la fiscalité.

Mais vu qu’on va finalement devoir en parler (à l’heure où j’écris ces lignes, la fiscalité, contrairement à l’immigration, n’a pas encore été retirée de liste des sujets qu’il est possible d’aborder en France), espérons que Bercy aura fini de remettre les pendules à l’heure en interne et sera en mesure de fournir des fiches dotées d’informations fiables au Premier ministre.

Heureusement, parfois, on arrive ENFIN à se comprendre !

Terminons ce billet sur une note positive.

En de très rares occasions, il arrive que nos politiciens, même les plus collectivistes, parviennent à comprendre comment les choses se passent dans la réalité qui nous entoure.

(Rappelons au cas où qu’Olivier Faure est le premier secrétaire du Parti socialiste – oui, ça existe encore.)

Je ne sais pas vous mais moi, quand je suis témoin de telles révélations chez nos élites, j’ai presque envie de croire qu’elles pourraient continuer de progresser.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile