62% des Français rêvent d’être riches au point de ne plus avoir besoin de travailler… Est-ce un scénario viable pour tout un chacun, en 2023 ?
Qu’il est doux de ne rien faire quand tout s’agite autour de soi ! Peut-être est-ce votre état d’esprit en cette rentrée 2023. Peut-être ceux qui travaillent se sont-ils mis à envier la vie des retraités : pas de rentrée, pas d’obligations, pas de clients, pas de collègues, pas de patron… « Ah, vous êtes-vous alors dit, pourquoi ne suis-je donc pas rentier ? »
Cette envie de vivre de ses rentes est sans doute ce qui explique le succès des jeux de hasard. Dans un sondage de 2016, près de 80% des Français affirmaient que le Loto était un jeu qui leur permettait de rêver. S’ils remportaient le gros lot, nos compatriotes visiteraient tous les pays du monde (60%), émigreraient dans un pays paradisiaque (27%) ou diraient « au revoir au président de leur entreprise » (25%).
Il y a quelques jours, un sondage Ifop pour le site Critiquejeu révélait que 62% des Français rêvaient d’être riches au point de ne plus avoir besoin de travailler. Questionnées sur la somme d’argent qui leur serait nécessaire pour mener la vie de leurs rêves, 50% des personnes interrogées ont affirmé qu’elles se contenteraient de moins de 1 M€ (dont un tiers de moins de 100 000 €), 28% auraient besoin d’entre 1 et 5 M€, tandis que 22% ont estimé que plus de 5 M€ leur seraient nécessaires.
Le mouvement FIRE
Si certains s’en remettent au hasard pour mener une vie de rentier, d’autres préfèrent prendre les choses sérieusement en main. Tel est le cas des adeptes du mouvement FIRE, pour « Financial Independence, Retire Early », c’est-à-dire en français « indépendance financière, retraite précoce ». Précisons qu’en anglais des Etats-Unis, « fire » signifie aussi « virer », sous-entendu ici « virer son patron » !
Ce mouvement, né dans les années 1990 aux Etats-Unis, recommande d’épargner fortement pendant un laps de temps limité pour pouvoir ensuite vivre de ses placements et, pourquoi pas, prendre sa retraite à 40 ans. Pour cela, il faut travailler beaucoup, et vivre frugalement dans le but d’investir le plus d’argent possible. Placé, cet argent doit ensuite permettre de vivre sans travailler.
A l’origine ce mouvement, on trouve une étude de trois professeurs de la Trinity University au Texas. Ils se sont posé la question suivante : si un investisseur ne travaillant plus retire chaque année un pourcentage fixe de ses actifs pour financer ses dépenses, quelle est la probabilité qu’il survive à ses économies ?
Les chercheurs ont effectué des simulations sur des performances de portefeuilles dans différentes conditions de marché ; ils ont utilisé des données historiques et ont testé différentes périodes glissantes ; ils ont testé différentes allocations d’actifs ; et ont déterminé un taux de retrait (« withdrawal rate ») permettant au rentier de ne pas manquer d’argent tout au long de sa vie sans travail.
Ce taux de retrait est un pourcentage fixe de la valeur initiale des placements. Il est de 4%.
Un taux de retrait… limité
Cela signifie que, si vous voulez vivre sans travailler, vos dépenses annuelles de rentier doivent correspondre à 4% de vos placements. Prenons un exemple : si vos dépenses annuelles sont de 30 000 €, vous devez d’abord économiser et placer 750 000 €. Vos placements continuant à produire des fruits, vous n’entamez que peu votre capital et pouvez ainsi vivre de vos rentes jusqu’à votre mort.
Bien entendu, le temps que vous mettrez à accumuler cette somme dépendra de votre rémunération et de votre capacité d’épargne. Par exemple, si vous gagnez 5 000 € par mois et que vous dépensez 30 000 € par an, vous mettez 30 000 € de côté. Vous aurez donc besoin de 25 ans pour capitaliser 750 000 €. Si vous avez commencé à travailler à 25 ans, vous serez ainsi prêt à vivre de vos rentes à 50 ans.
Cette règle des 4% a l’avantage de la simplicité. Néanmoins, elle comporte quelques failles. Tout d’abord, l’exemple qui vient d’être donné est basé sur des montants fixes. Il fait abstraction de l’inflation (30 000 € d’aujourd’hui ne donnent pas le même pouvoir d’achat 20 ans plus tard !) et des aléas de la vie (si votre rémunération peut augmenter dans cette période, elle peut aussi baisser, par exemple si vous perdez votre emploi). Il ne tient pas compte non plus des impôts, qui peuvent augmenter considérablement et réduire le revenu disponible tout comme le rendement des placements.
Ensuite, elle a été établie à partir des performances passées qui, comme chacun le sait, ne préjugent pas des performances futures ! Les crises bancaires et boursières existent malheureusement et les rendements espérés peuvent ne pas être au rendez-vous.
Certes, un capital bien placé peut rapporter plus de 4% de rendement annuel. Par exemple, le MSCI World a augmenté de 15% par an entre 1980 et 1995. Mais il n’a augmenté que de 2,1% par an entre 2000 et 2015. Sur une même durée de 15 ans, le rendement varie ainsi du simple au septuple. Selon que vous tombez dans l’une ou l’autre de ces périodes, vous n’aurez pas besoin du même laps de temps pour constituer votre capital.
Bref, tout peut très bien se passer et vous prendrez de l’avance sur votre scénario. Au lieu de prendre votre retraite à 50 ans, vous la prendrez à 40. Mais tout peut aussi très mal s’enchaîner et vous serez contraint d’attendre 60 ans.
Nous verrons demain quelles sont d’autres limites de ce mouvement, et les leçons que tout un chacun peut quand même en retenir.