La Chronique Agora

Comment briser le charme de la Fed

Fed, création monétaire, bulle

L’éclatement de la bulle obligataire aurait dû permettre un retour à des analyses boursières un peu plus élaborées que « achetez ! ». Cela ne semble pas encore être le cas…

Tout dépend de la Fed ! Elle contrôle l’argent.

La semaine dernière, alors que les investisseurs s’attendaient à ce que la Fed continue à augmenter ses taux, les actions ont chuté. Puis, le 6 janvier, un rapport du bureau des statistiques du travail nous a appris deux choses apparemment contradictoires : que le marché du travail était en meilleure santé que prévu… mais que les salaires augmentaient moins que prévu.

La première de ces choses impliquait une réponse sévère de la part de la Fed – des taux plus élevés. La seconde suggérait qu’elle pourrait plutôt sortir se prendre un café. Les investisseurs, dans leur sagesse, se sont concentrés sur la seconde interprétation ; le Dow Jones a alors grimpé de plus de 700 points dans la journée.

Quel fait remarquable. Ces journalistes étudient chaque mot de la Fed. Des analystes anticipent chacun de ses mouvements. Et, maintenant, des entreprises retiennent des investissements de plusieurs milliards de dollars… en se demandant si l’économie va décoller après le « pivot » de la Fed. Les employés attendent le prochain mouvement de la Fed pour décider s’ils doivent chercher un nouvel emploi.  Investissements reportés… carrières écourtées… vacances repoussées… mariages retardés…

…eh oui, la Fed est devenue l’organisation non armée la plus puissante du monde. Par décret, elle peut effacer des milliers de milliards de dollars de richesse… détruire des entreprises… rendre les riches plus riches et les pauvres plus pauvres.

Une garantie implicite

Durant la première semaine de 2023, cependant, nous avons vu que même la Fed ne peut pas faire en sorte que le soleil s’arrête. Le temps n’attend personne… et certainement pas Jerome Powell. Finalement, la bulle gonflée par une planche à billet imprudente a fini par imploser. Alors que l’air s’échappe… les entreprises qui en ont le plus profité… perdent le plus.

Nous avons un aperçu direct de ce phénomène. Notre société, Agora, propose des conseils en investissement depuis 1979 – soit plus de 40 ans. Nos conseils sont parfois étonnamment bons, et le sont parfois moins. Après tout, M. le Marché ne livre pas facilement ses secrets.

Mais plus la Fed favorisait le marché boursier – avec des taux d’intérêt artificiellement bas et une garantie implicite – plus les gens souhaitaient recevoir des conseils boursiers. Et plus nos ventes d’abonnements augmentaient.

Ce n’était pas tout à fait une bonne chose. La Fed a fait penser aux investisseurs qu’il était facile de gagner de l’argent. Tout ce qu’ils avaient à faire était d’acheter des actions et d’aller faire une sieste. Puis, au cours du siècle, la Fed a fait des folies, augmentant la masse monétaire (ses propres avoirs) de 1 200%, avec un taux d’intérêt directeur proche de zéro… bien en dessous du taux d’inflation.

Les investisseurs ont alors découvert qu’ils pouvaient gagner plus d’argent dans les investissements qui sont le moins liés au monde réel. Les cryptomonnaies, par exemple, n’avaient aucune valeur. Les entreprises ne faisaient pas de profits. Ils n’avaient pas d’employés à proprement parler. Ils n’avaient pas non plus d’actifs dignes d’être mentionnés – pas d’usines, pas de brevets, pas de réseaux de distribution.

En achetant une cryptomonnaie, un investisseur avait la possibilité d’engranger un bénéfice bien plus élevé et bien plus rapide que celui qu’il aurait pu obtenir d’une véritable entreprise industrielle traditionnelle. Au début, nos rédacteurs et analystes ont hésité. Ce n’était pas le genre d’« investissement » qui avait du sens pour eux. Mais, au fil des ans, ils se sont progressivement adaptés… en donnant aux lecteurs ce qu’ils voulaient.

La Bulle époque

Le pic de la Bulle époque a été atteint en août 2020. C’était en plein milieu de l’hystérie des autorités américaines, qui ont ajouté 5 000 Mds$ à l’économie des Etats-Unis pour compenser les confinements qu’ils avaient imposés. Au début de ce mois d’août 2020, le bon du Trésor à 10 ans avait atteint un rendement record d’à peine plus d’un demi pour cent. Puis, le 24 août, le Dow Jones a remplacé l’entreprise de la « vieille économie » ExxonMobil par celle de la « nouvelle économie » Salesforce.

Salesforce a connu une croissance fulgurante en proposant des logiciels sur le « cloud » à des entreprises comme la nôtre. Presque toutes les entreprises liées aux investissements ont gagné des clients et de l’argent.

Mais, après août 2020, le marché obligataire a pris une nouvelle direction – vers le bas. La bulle était en train de perdre de l’air. Ce n’était pas évident au départ. Salesforce n’a atteint son sommet que plus d’un an plus tard. Mais les investisseurs se retiraient déjà. Nos ventes d’abonnements étaient en baisse. Les investisseurs ont senti que la Bulle époque était terminée. Le Dow Jones a atteint son sommet fin 2021, juste au-dessus de 36 000 points.

C’est une bonne nouvelle. Le sort a été rompu. Les analystes peuvent désormais retourner à leur occupation : proposer des idées et des conseils solides en matière d’investissement.

Le courage de la Fed

Mais attendez. Au lieu d’étudier attentivement les comptes des entreprises cotées, les investisseurs et les analystes sont toujours fascinés par le même monstre qui a créé la bulle en premier lieu. Et maintenant la question est :

Va-t-elle « pivoter » cette année ?

La Fed répond : « Pas de pivot, pas question ! »

« Aucun participant [au FOMC, qui regroupe les dirigeants de la Fed] ne prévoit qu’il serait approprié de commencer à réduire le taux des Fed funds en 2023.

Les participants ont généralement observé qu’une orientation restrictive de la politique devrait être maintenue jusqu’à ce que les données permettent de montrer que l’inflation est sur une trajectoire descendante durable vers les 2%, ce qui devrait prendre un certain temps. »

Le croyez-vous, cher lecteur ? Nous le croyons. Mais nous croyons aussi que les les dirigeants de la Fed qui participent à cette réunion peuvent changer d’avis. Et si nous avons une vraie crise – une faillite majeure… une ruée sur une banque… un krach boursier… une guerre plus chaude… un nouveau virus… n’importe quelle excuse… alors le front des gouverneurs de la Fed deviendra humide… leurs genoux trembleront… leurs dos se courberont – et ils se plieront comme des chaises de jardin.

Nous verrons bien.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile