La Chronique Agora

Comme un parfum d’été 2002…

** Le S&P se retrouve au plus bas depuis 15 mois — tout comme le CAC 40 — et tous les supports graphiques moyen et long terme sont pulvérisés. La tendance haussière est clairement invalidée depuis la cassure du support majeur des 1 400 points, puis du palier des 1 370 points, plancher annuel de mars puis mi-août 2007.

Le Dow Jones, guère mieux loti, a chuté de 2,45% jeudi et perd 5,5% en cinq séances, avec 100% de ses composantes dans le rouge. Il a ainsi clôturé au plus bas depuis le 16 mars 2007, plombé par la chute de titres aussi divers qu’AIG (6,4%), Alcoa et Merck (6%), Citigroup (5%), General Electric ou United Techno (4%), AMEX (3,5%).

Le terme le plus souvent employé trois mois auparavant — en pleine euphorie boursière — était Goldilocks (équilibre supposé des risques entre croissance et inflation). Le jeudi 17 janvier, l’expression la plus fréquente dans la bouche des opérateurs et des commentateurs était… capitulation.

Et de capitulation, il en fut réellement question concernant le réhausseur de crédit Ambac Financial qui s’est effondré de 52% sur la crainte de voir un abaissement de notation (par Moody’s) compromettre ses chances de rétablir sa situation financière.

Un de ses concurrents, MBIA, a dévissé de 31%, MGIC de 14,5%. Certaines banques européennes, qui avaient noué de solides partenariats avec ces « assureurs de signature », ont été littéralement passées au pilon, vendredi, au cours de la dernière heure de cotation.

Plombé par les valeurs financières, le CAC 40 a abandonné 5,2% sur la semaine, la pire performance depuis la mi-juillet 2007. Le mois de janvier se solde ainsi par une chute de 9,3%, un repli indiciel sans équivalent depuis septembre 2002.

Les valeurs moyennes ont été littéralement laminées. Elles ont plongé de 2,1% vendredi, ce qui porte le repli hebdomadaire à 5,7% et le score annuel à -15,3%. Les volumes d’échanges ont été étoffés dans l’ensemble des compartiments de la cote. Il s’est traité plus de 10,15 milliards d’euros sur les seules vedettes du CAC 40.

La volatilité y est certainement pour beaucoup, car l’indice phare a fluctué entre 5 230 points (vers 14h00) et 5 090 points (plancher inscrit vers 17h20).

C’est le genre de retournement de tendance qui fait des dégâts, car les acheteurs des premières heures sont de nouveau pris — et sévèrement — à contre-pied par un basculement radical du CAC 40 (-1,25%) sous les 5 100 points.

Les marchés semblaient vouloir mettre un terme vendredi matin à une série de 11 ou 12 séances de baisse sur une série de 15. Mais l’Euro-Stoxx 50 a replongé dans le rouge (1,75%) et s’est enfoncé sous le palier des 4 000 points (à 3 995) dans le sillage des financières. La Société Générale a chuté de 8,3% — dans le sillage de son partenaire américain Ambac Financial –, Prudential de 6%, Allianz, ING, Fortis et Crédit Agricole de 5,5%, ZFS de 4,5%, BNP Paribas de 4,15%, sur la crainte de la révélation de nouveaux déboires sur les dérivés de crédit US.

Dexia, qui a affiché jusqu’à -7,5% (-5,45% au final), est fortement exposé au marché américain du rehaussement de crédit, via sa filiale FSA.

Cette angoisse récurrente occultait les bons résultats d’IBM ou de General Electric (3% à 3,5% depuis l’ouverture) et balayait le petit sursaut d’espoir lié à la présentation par George W. Bush de son plan de relance de la croissance aux Etats-Unis, via une série de mesures fiscales et budgétaires portant sur 140 milliards de dollars d’allègement d’impôts.

** Les anticipations relatives à l’imminence d’une récession n’ont pas été contredites par les statistiques économiques parues aux Etats-Unis. L’indice des indicateurs avancés est ressorti en décembre à 136,5 — soit une baisse de 0,2%. Ce résultat a été annoncé vendredi par le Conference Board. Ce recul intervient après une baisse de 0,4% en novembre et de 0,7% en octobre.

A l’inverse, l’indice de confiance de l’Université du Michigan se redresse — à la surprise générale — de cinq points en janvier (à 80,5% contre 74,5 anticipé).

Compte tenu de l’explosion du taux de défaillance sur les cartes de crédit, de la chute de 10% de Wall Street depuis Noël, de l’allongement des délais pour retrouver un emploi, les résultats de cette enquête mensuelle apparaissent pour le moins « contre-intuitifs ».

L’attitude des investisseurs, elle, ne souffre d’aucune ambiguïté. L’aversion au risque se solde par un arbitrage massif des actions en faveur des bons du Trésor et le rendement des T-Bonds 2017 est tombé à 3,6% jeudi soir — au plus bas depuis quatre ans– tandis que celui des Bunds recule juste sous la barre symbolique des 4% (à 3,98%).

** A tous ceux qui miseraient sur une conjoncture solide en Europe pour 2008, M. Nout Wellink, président de la Banque centrale des Pays-Bas — et membre actif de la BCE –, anticipe 1,5% de hausse du PIB dans l’Eurozone plutôt que 2,5%. Autrement dit, une croissance inférieure de moitié par rapport à l’inflation.

Ce scénario chiffré nous apparaît plus sombre que celui observé en 2002 alors que la déconfiture des marchés plombait l’investissement et le moral des ménages. Avec ce petit « plus » qui fait toute la différence : l’effondrement du secteur immobilier aux Etats-Unis et en Espagne, où la moitié des 80 000 agences ibériques ont mis la clé sous la porte l’an passé, mettant pas moins de 100 000 négociateurs au chômage…

Philippe Béchade,
Paris

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