La Chronique Agora

Comme l'hiver suit l'été

▪ Deux semaines ont passé. Aucune leçon n’a été apprise. Rien n’a été prouvé. Rien n’a été décidé.

Sur les marchés, en tout cas. On dirait que les Bourses sont en train de se renverser. Mais le marché est-il vraiment en baisse ? Nous nous sommes déjà trompé sur le sujet — ou au moins sur le timing. Mais nous ne doutons toujours pas que ce marché soit sur le chemin de la baisse. Pourquoi ? Simplement parce que c’est ainsi que vont les choses. Après avoir atteint des sommets extraordinaires, des plus bas extraordinaires doivent être au programme. L’hiver suit l’été, non ?

Vous pouvez imaginer autant de raisons de voir les actions baisser que nous. Les ménages se désendettent. Les gens vieillissent et consomment moins. Les taux d’épargne grimpent. L’immobilier est sous l’eau, et continue de chuter. Le chômage frôle les 10% officiellement… et est bien plus élevé en réalité. Les Etats-Unis sont sur la paille. L’empire est probablement en train de sombrer. Les marchés émergents sont plus souples, plus rapides, plus solvables et plus compétitifs. L’Occident doit désormais se battre sur deux fronts — les ventes et les matières premières –, en concurrence avec trois milliards de personnes ne portant pas les fardeaux du succès sur leurs épaules.

Devons-nous continuer ?

Bien entendu, M. le Marché peut faire ce qu’il veut. Nous ne lui opposerons aucun argument. Mais nous sommes assez certain qu’il est prêt à faire une longue promenade sur une route très solitaire.

Vous voulez un peu d’animation pendant le voyage ? Il suffit de regarder par la fenêtre. Le New York Times :

"Durant le grand boom de l’immobilier, les propriétaires [américains] ont emprunté 1 000 milliards de dollars aux banques, utilisant comme garantie la valeur de leurs maisons, qui grimpait en flèche. A présent, l’argent a été dépensé et les emprunteurs, mis à mal, ne peuvent ou ne veulent pas le rembourser".

"Le pourcentage de débiteurs faisant défaut sur leurs prêts hypothécaires est plus élevé que pour tous les autres types de prêts à la consommation, y compris les prêts automobiles, les prêts bateaux, et même les cartes bancaires comme Visa et MasterCard, selon l’Association des banques américaines".

"Les prêteurs affirment qu’ils essaient de récupérer une partie de cet argent, avec un succès limité, toutefois, en partie parce qu’une si grande quantité d’emprunteurs menacent de faire faillite et parce que la valeur des maisons, le nantissement garantissant les prêts, a souvent disparu".

"Il en résulte l’un des paradoxes de la récession : plus vous avez emprunté d’argent, moins il y a de probabilités que vous devrez le rembourser".

Oui, cher lecteur, nous sommes sur une route longue et solitaire. Vous voulez savoir où elle nous mène ? Au Japon ! Voici Bloomberg :

"Les Etats-Unis ne sont plus un moteur de l’économie mondiale et pourraient subir de la déflation au cours des trois prochaines années, a déclaré Genji Tsukatani, directeur des instruments à taux fixes au sein de la division japonaise de Schroder Investment Management Ltd."

"Les rendements des bons du Trésor US à 10 ans ont glissé à un plancher de 16 mois après que la Réserve fédérale a déclaré que la reprise économique américaine serait ‘plus modeste’ qu’on l’anticipait auparavant. L’écart entre les rendements des dettes à 10 ans des Etats-Unis et du Japon est à son plus bas depuis mai 2009".

"’Les effets secondaires de la bulle du crédit, ainsi que le vieillissement de la population, signifient qu’il est possible de voir les Etats-Unis glisser dans la déflation’ au cours des trois prochaines années, déclare Tsukatani, dont l’entreprise gère environ 211 milliards de dollars d’actifs dans le monde. ‘Si les taux d’intérêts réels chutent aux Etats-Unis, ils entraîneront probablement ceux du Japon avec eux’."

"Tsukatani déclare qu’il calcule les taux d’intérêt réels en soustrayant les taux d’inflation aux rendements des bons à 10 ans. La déflation augmente la valeur des paiements obligataires fixes."

"Scott Mather, directeur de la gestion des portefeuilles mondiaux au sein de la Pacific Investment Management Co., a écrit un article [la semaine dernière] expliquant que ‘le risque augmente’ de voir les Etats-Unis suivre un chemin semblable à celui du Japon. Le président de la Fed de St. Louis, James Bullard, a écrit dans un rapport publié le mois dernier que les Etats-Unis ‘sont plus proches d’une issue à la japonaise qu’à tout autre moment de l’histoire récente’."

"’Les Etats-Unis ne sont plus un moteur de l’économie mondiale depuis 2005 environ, mais elle est alimentée par des pays comme la Chine et l’Inde, dont les économies croissent de 8% ou 9%’, a déclaré Tsukatani. ‘Avec une croissance démographique qui ralentit et une plus grande importance accordée à la réduction de dette, l’économie américaine ne va probablement pas se développer autant’."

"Au total, 12,8% de la population américaine était âgée de 65 ans ou plus à la fin 2009, par rapport à 11,3% en 1980, selon Bloomberg. A comparer avec 22,2% au Japon".

▪ Parallèlement, le prix de l’or s’envole. Il a repassé la barre des 1 200 $ à l’heure où nous écrivons ces lignes. Cela n’avait guère de sens. Le reste des nouvelles est récessioniste, déflationniste et morose. Pourquoi l’or continue-t-il de briller ?

Nous n’en savons rien. Peut-être que les investisseurs pensent ce que nous pensons : que les autorités finiront par désespérer, tôt ou tard. Elles ne résisteront pas à l’attrait de l’argent gratuit. Alors, même au milieu d’un cycle de désendettement, le prix de l’or grimpera en flèche.

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