La Chronique Agora

Combien de temps avant que la Grèce ne sorte de l’euro ?

▪ La réponse à cette question n’est pas si simple. En février dernier, j’étais d’avis que les pouvoirs en place de l’Europe devaient absolument empêcher un défaut des obligations grecques : ils ne pouvaient se permettre un précédent.

Si la Grèce peut faire défaut sans problème, alors pourquoi pas l’Espagne ? Pourquoi pas l’Italie ? La confiance dans l’ensemble du marché européen des obligations d’Etat volerait en éclats, emportant avec elle le système bancaire (capitalisé par de la dette d’état). La Banque centrale européenne (BCE) rentrerait dans les dommages collatéraux.

Pour autant, personne dans l’establishment européen n’aime à mentionner l’Islande. Il y a probablement une raison : cela pourrait donner des idées aux Grecs. En 2008, les trois plus grandes banques islandaises devaient aux créditeurs étrangers plus d’argent que l’économie islandaise dans son entier. Le gouvernement ne pouvait garantir les dettes de ces banques. Il ne l’a donc pas fait.

▪ L’exemple islandais
Si le gouvernement a assumé les obligations nationales des banques, il a envoyé paître les créditeurs étrangers. Il a fait défaut. La devise a chuté d’environ 80% par rapport à l’euro. Quelques années plus tard, grâce au défaut et à la dévaluation, l’Islande a enregistré un excédent commercial, et cette année l’agence de notation Fitch a relevé la note de crédit islandaise.

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Certes, on pourrait penser que ne pas rembourser ses créditeurs est une décision moins qu’honorable. Mais elle a été prise démocratiquement. L’Islande a posé la question du défaut à son peuple et 90% a choisi le défaut. Le peuple a reporté le risque de crédit sur le prêteur, ce qui semble approprié si l’on considère que les emprunteurs n’étaient pas le peuple mais les banques. Le peuple a refusé de prendre à son compte la dette contractée par les banques. Et tant pis pour les créditeurs.

La Grèce a pris l’autre voie. Jusqu’ici, les responsables politiques ont rejeté ce que voulait le peuple. Les hommes politiques grecs obéissent aux ordres de Bruxelles, Berlin et Paris. Les dettes du secteur privé sont à présent les dettes du peuple. Peut-être cela explique-t-il pourquoi les Grecs sont actuellement incapables de former un gouvernement. A en croire certaines sources, ce gouvernement aurait moins de deux milliards d’euros de liquidités.

▪ Il y a quand même une différence cruciale…
Bien sûr, la principale différence entre l’Islande et la Grèce est que l’Islande possède sa propre monnaie. Le défaut s’est accompagné d’une dévaluation. C’est ce qui a permis d’effacer la dette. Le résultat fut une récession, courte, forte et douloureuse. Et en termes de PIB, l’économie est beaucoup moins importante aujourd’hui qu’en 2008. Mais la dette a été liquidée et c’est ce qui compte. Elle n’a pas été conservée comme un perpétuel fardeau sur les épaules des contribuables afin de satisfaire les créditeurs (les banques privées).

Les Grecs ne peuvent dévaluer s’ils ne sortent pas de l’euro ; et les Européens ne veulent pas que les Grecs sortent de l’euro pour l’instant. Si les Grecs refusent d’honorer leurs créditeurs étrangers, cela signifie qu’ils refusent de rembourser les dettes qu’ils doivent aux banques françaises, allemandes et aux autres banques européennes. Nul ne peut dire ce qui arriverait alors.

Certains avancent déjà l’hypothèse qu’une création monétaire massive par la BCE — de l’ordre de centaines de milliards d’euros — s’ensuivrait. Le but serait d’isoler le reste de l’Europe d’une sortie de l’euro par la Grèce. Mais une conséquence involontaire serait une dévaluation de l’euro… pour revenir à la parité avec le dollar américain !

Cela ferait certainement sensation. Quand même, nous sommes dans une sorte de course à la baisse s’agissant de la valeur des monnaies. Chaque pays veut une monnaie bon marché pour booster les exportations. Les exportations conduisent à la croissance. La croissance vaut mieux que l’austérité. Mais de toute évidence, tout le monde ne peut pas avoir la monnaie la meilleure marché.

Si l’Europe dévalue… vous pouvez rapidement vous attendre à un QE3 (un troisième assouplissement quantitatif) de la Fed. Zut ! Peut-être même les Chinois dévalueront-ils eux aussi. Et la Reserve Bank of Australia pourrait à nouveau réduire ses taux plus tôt qu’on ne s’y attendrait.

Cette série d’expansions monétaires qui se répondent l’une l’autre montre bien l’absurdité de l’actuel système monétaire. Le ‘nivellement par le bas’ dans la dévaluation monétaire concurrentielle a abaissé les taux d’intérêt mondiaux. Au début, des taux d’intérêt plus bas ont conduit à une augmentation des emprunts — le boom du crédit. Les principaux bénéficiaires en ont probablement été des pays comme l’Australie et le Brésil. Y ont été combinés une inflation des matières premières et une demande pour des actifs ‘risqués’ comme des devises liées aux matières premières et des valeurs sur les ressources.

Bill Gross, gestionnaire du plus grand fonds obligataire au monde, reconnaît que nous atteignons le bout de ce nivellement par le bas. « Des changements majeurs de notre système monétaire mondial se profilent », écrit Gross dans un article publié par le Financial Times. Selon Gross, la diffusion d’obligations souveraines à intérêt faible de la part du monde développé nous a amenés à un point de basculement qui pourrait conduire à un ordre monétaire totalement nouveau.

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