La Chronique Agora

La future « chypriotisation » des comptes bancaires est déjà programmée

▪ Le gel des comptes et le haircut substantiel — voire la perte quasi-complète — qui se dessinent pour les gros déposants à Chypre ont été une surprise pour beaucoup. Pourtant, nombreux sont sans doute les déposants qui croient toujours leurs économies en sécurité, considérant que ce qui s’est passé sur l’île méditerranéenne ne les concerne pas. Les pouvoirs publics et les média n’ont-ils pas répété à volonté que la situation chypriote est exceptionnelle et que cela n’arriverait pas ailleurs ?

Or nous avons déjà souligné dans un article précédent qu’en déposant de l’argent à la banque, en réalité vous lui prêtez vos économies et êtes créancier de la banque. Et si le signal chypriote ne vous a pas suffisamment alerté au risque que cela représente, sachez que les pouvoirs publics dans de nombreux pays occidentaux ont déjà officiellement bien enclenché le processus de "chypriotisation" des dépôts bancaires. En fait, ce n’est même pas un secret : Olli Rehn évoque ainsi ouvertement le fait que la responsabilité des déposants sera engagée en cas de restructuration ou de faillite bancaire au sein de l’Union européenne.

Il s’agit d’un changement extrêmement important. Car cela signifie que ce qui vient de se passer à Chypre sera en fait non pas l’exception, mais la règle en cas de futur problème bancaire.

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Deux points méritent d’être soulignés à cet égard dans le nouveau cadre réglementaire qui se prépare.

▪ Après le bail out… le bail in !
D’une part, le "pot-aux-roses" se cache derrière le terme jargonneux d’instrument de "renflouement interne" (ou bail-in), c’est-à-dire une mise à contribution des créanciers d’une banque en difficulté, parmi lesquels figureront justement… les déposants.

C’est ce qui est prévu, par exemple, dans la nouvelle directive européenne de redressement et résolution des défaillances bancaires (Recovery and resolution directive ou RRD), qui est en attente de première lecture au Parlement européen. Il y est stipulé que le bail-in devrait être "appliqué à un éventail aussi large que possible d’engagements ou de passifs non garantis" (point 47).

Si les dépôts garantis de moins de 100 000 euros sont pour l’instant exclus, tous les autres dépôts entrent précisément dans cette dernière catégorie. Si vous ou votre entreprise détenait un compte qui a un solde supérieur à cette somme, selon la nouvelle loi, vous risquez donc de la perdre, en partie ou en totalité.

Un rapport conjoint du Fonds de garantie des dépôts américain (FDIC) et de la Banque d’Angleterre le précise clairement : "les dépôts non-assurés seraient traités de la même manière que les autres engagements similaires dans le processus de résolution, et il faut s’attendre à ce qu’ils soient dépréciés" (point 34). Il est difficile d’imaginer un avertissement plus clair que cela — les déposants dans ces deux pays doivent d’ailleurs s’estimer également avertis.

Or dans un système bancaire à réserves fractionnaires, une telle réforme n’est certainement pas gage de stabilité. A la moindre rumeur sur la fragilité d’une banque, les gros déposants risquent en fait de se ruer pour vider leurs comptes, accélérant la faillite de l’établissement en question.

Enfin, les Canadiens devront eux-aussi se préparer à subir le risque de "chypriotisation" de leurs comptes bancaires. En effet, dans son plan budgétaire 2013, le gouvernement propose d’établir un régime de bail-in similaire à celui ci-dessus.

▪ Virage réglementaire
Ce n’est pas tout. Un deuxième virage réglementaire mérite aussi l’attention. Il consiste dans le fait que "les systèmes de garantie des dépôts sont intégrés dans la hiérarchie des créances et sont considérés comme étant de même rang que les créances non privilégiées et non garanties" (point 4.4.15. de la directive européenne RRD).

Concrètement, cela signifie que le peu d’argent liquide dont disposent ces fonds nationaux — en comparaison des dépôts à assurer — ne servira même plus à vous indemniser en tant que déposant en cas de faillite de votre banque. Il sera désormais versé à la banque en faillite, celle-là même qui a mal investi et mis en danger vos économies.

Si vous comptiez encore sur ces fonds de garantie en cas de pépin, une telle disposition devrait vous faire réfléchir, et ce même si vous êtes un petit déposant. C’est ni plus ni moins comme si le fonds d’indemnisation des accidents de la circulation se mettait à verser les montants des dommages au conducteur, responsable de la collision mais insolvable, au lieu de vous les verser à vous en tant que victime. Que faire si celui-là le gaspille, en restant tout aussi insolvable ?

En tant qu’épargnant, investisseur ou entrepreneur — la survie de votre entreprise en dépend — il est impératif de suivre de près ces évolutions réglementaires. Car la "chypriotisation" de vos comptes bancaires est bel et bien déjà dans les cartes.

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